Monstres & Cie : Au Travail - critique du beau petit ratage de Pixar (ou presque) sur Disney+

Mathieu Jaborska | 8 septembre 2021 - MAJ : 08/09/2021 17:46
Mathieu Jaborska | 8 septembre 2021 - MAJ : 08/09/2021 17:46

Le fameux "Investor Day" de Disney, en décembre 2020, avait mis les lampes sur les I. La multinationale compte bien écraser le marché de la SVoD grâce à sa plateforme. Et toutes ses grosses licences doivent participer à l'effort de guerre, y compris celles de Pixar. Le studio s'était déjà essayé au petit écran avec par exemple Cars toon - Martin se la raconte, mais il a dû passer à la vitesse supérieure avec l'éducative Fourchette se pose des questions et l'amusante Bienvenue chez Doug. Plus ambitieuse, Monstres & Cie : Au Travail, qui vient de se terminer, n'est pourtant quant à elle pas totalement de son ressort...

More is less

Si Monstres & Cie : Au Travail n’est pas la seule incursion d'une licence Pixar sur les terres de Disney+, c’est la première à réellement refléter les conséquences de ses nouvelles ambitions. En effet, les productions taillées pour le petit écran du célèbre studio sont volontairement anecdotiques. Outre Soul et Luca, à l’origine réservés aux salles, la stupide téléréalité Pixar in real Life, inutile, et SparkShorts, qui comporte quelques très beaux épisodes (Mon Terrier, par exemple, vaut vraiment le coup d’œil) mais n’est jamais qu’une compilation de courts-métrages, restent Forky Asks a Question et Dug Days.

Ces dernières témoignent déjà des limites de l’adaptation des franchises Pixar à la SVoD. Non seulement les personnages demandent rarement une fiction à leur nom (qui veut voir un Là-Haut 2 ?), mais le prestige sur lequel s’est bâtie la réputation de la firme impose des moyens techniques envahissants, trahis par des génériques à rallonge, occupant presque un quart de la durée d’un épisode. Les auteurs se rabattent donc sur des formats ultra-courts, parfois destinés aux enfants en bas âge, comme Forky, parfois juste mignons (et c’est déjà pas mal), comme la très attachante Bienvenue chez Doug.

 

photoBeaucoup trop mignon pour qu'on le critique

 

Au Travail, avec sa durée plus conséquente (10 épisodes de presque 30 minutes), son intrigue plus importante et son univers au fort potentiel, devrait donc relever le défi technique. Sauf que la série n'est pas vraiment l'oeuvre de Pixar. C'est en réalité une production Disney Television Animation, filiale très active depuis les années 1990, déjà derrière beaucoup de spin-offs du style et trop prolifique pour atteindre les standards du studio à la lampe. La comparaison avec le long-métrage dont elle est inspirée fait d’autant plus mal que celui-ci, sous l’impulsion de Pete Docter, gagnait en fluidité avec quelques mouvements de caméra (numérique) audacieux et des décors aussi variés que spectaculaires.

Au Travail, au contraire, paye des moyens revus à la baisse (et des artistes très occupés) par sa rigidité. Évidemment, le character design rigolo et les détails des monstres sont toujours au rendez-vous et la qualité de production enterre une partie des séries d’animation en vogue, en particulier le cell-shading douteux qu’affectionne Netflix. Mais la mise en scène, toute en plans fixes fonctionnels, le sound design moins soigné ainsi que les décors plus limités, réduisant considérablement l’impression d’importance de la fameuse usine Monster Inc., prouvent que Disney n'a aucun scrupule à appauvrir ses univers.

Qu’ils soient microscopiques ou plus ambitieux, les spin-offs Disney+ resteront probablement toujours des appendices voués à gonfler un catalogue peu reluisant de marques identifiées du grand public… et des familles occidentales. Car si cette facture technique décevante exigeait une narration plus modeste, il n’était pas nécessaire de la rendre aussi peu intéressante.

 

photoMonster Squad

 

Monstres académiques

Pourtant, l'univers de Monstres & Cie était probablement celui qui se prêtait le mieux à l’exercice du spin-off télévisuel. Contrairement à d’autres créations de la firme, le monde des monstres ne souffre pas particulièrement de ses incohérences lorsqu’on le sort du carcan du long-métrage, la preuve en est son prequel, loin d’être le chef-d’œuvre de ses auteurs, mais loin d’être honteux également.

De plus, la conclusion du premier film ouvrait quelques perspectives dans lesquelles le scénario supervisé par Bobs Gannaway plonge habilement le temps d’un premier épisode prometteur : Tylor est un jeune idéaliste recruté pour ses talents de terreur, qui se heurte à la nouvelle politique de la maison. Bien moins doué en humour qu’en peur, il se retrouve alors chez les MIFT, équipe de maintenance composée d’une bande de drôles de zigotos.

Bien sûr, les références aux deux films sont nombreuses, et la rasade de nostalgie, jamais invasive, abreuvera tout pixarophile normalement constitué. C’est sans surprise un plaisir de retrouver Bob et Sullivan, toujours doublés par Billy Crystal et John Goodman, rejoints par quelques nouveaux venus comme Ben Feldman, et les trop rares Jennifer Tilly et Mindy Kaling. Les clins d'oeil à la pop-culture sont encore légion (Ray Harryhausen, L’Empire contre-attaque, The Big Lebowski, Fight Club), la plupart des personnages secondaires les plus sympathiques sont de retour, et quelques intrigues secondaires sont même résolues.

 

photoQu'est ce qui est petit, vert, et qui monte et qui descend ?

 

Mais c’est tout. Jamais particulièrement drôle – un comble vu le pitch -, prévisible du premier au dernier photogramme, la série se contente de prolonger très artificiellement la narration du long-métrage, sans jamais étendre le monde monstrueux, ni raconter autre chose qu’une histoire d’amitié en pilote automatique, se déroulant quasi intégralement dans les tunnels de maintenance gris de l’usine, alors même que son sujet – la reconversion – était parfaitement en adéquation avec son format. La thématique, intéressante, est vite engoncée dans les codes de la fiction pour enfant bas du front, ultime retournement de situation salvateur, mais bête, compris.

Le cruel épisode 3 va même jusqu’à nous narguer, nous laissant entrevoir les possibilités créatives induites par l’expansion de l’univers de Monstres & Cie, avant de nous réenfermer derrière les murs froids de l’usine. Monsters at work appuie finalement l’évidence : en quête de nostalgie, Disney ne peuplera sa plateforme que d’excroissances faiblardes des licences les plus attachantes de Pixar. Est-ce vraiment le futur qu’on mérite ?

L'intégrale de Monstres & Cie : Au Travail est disponible sur Disney+.

 

Affiche

Résumé

Une triste contrefaçon du savoir-faire de Pixar, dont l'objectif est avant tout de remplir un catalogue décidément bien vide.

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commentaires
Yo
10/09/2021 à 20:44

Monsters at work prend place pendant les évènements de monstres et compagnie , donc logique que ce soit assez limité ,si une saison deux est prévu, je pense qu'on risque d'avoir une histoire un peu plus intéressante

Gégéleroutier
08/09/2021 à 20:54

Je me suis arrêté au premier épisode parce que je me suis bien fait chier. :/

Loh
08/09/2021 à 13:50

Vu en famille cet été (après avoir revu les 2 films) et nous avons bien aimé.
Sympathique prolongation des films, amusant, sans autre prétention que de distraire.
Vous vous attendiez à quoi??

Gregdevil
08/09/2021 à 12:59

J'ai regarder la moitié de la saison, j'ai trouvé ça insipide pour du Pixar, qui en faite n'en est pas, merci pour l'info.
Par contre bienvenu chez Doug est vraiment sympa.

DjFab
08/09/2021 à 12:52

C'était sur, malheureusement...

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