Black Summer saison 2 : critique qui laisse en plan (séquence) sur Netflix

Mathieu Jaborska | 22 juin 2021 - MAJ : 22/06/2021 17:28
Mathieu Jaborska | 22 juin 2021 - MAJ : 22/06/2021 17:28

Bien qu'handicapée par quelques défauts, la saison 1 de Black Summer a surpris bien des abonnés de Netflix, qu'ils soient familiers ou pas avec l'univers de Z Nation, dont elle est le prequel. La série chapeautée par Karl Schaefer et John Hyams, contrairement à son homologue trépané Fear the Walking Dead, avait l'audace de troquer les dialogues lourdingues attendus contre un dépouillement narratif radical, laissant place à un exercice de style original. La saison 2 prolonge-t-elle cette singularité ?

La Montagne, ça vous gagne

Black Summer ne dépayse pas, mais il change de paysage. Le principe reste le même : avec pour seuls enjeux scénaristiques la survie et une vague ligne d'horizon (hier le stade, aujourd'hui l'avion), la série consiste en une succession de saynètes séparées par des cartons. À l'intérieur, on y suit plusieurs personnages soumis à toutes sortes de destins. Un dispositif qui avait déjà fait parler de lui lors de la sortie de la saison 1, et avait assurément démarqué celle-ci du tout-venant d'un genre zombiesque si difficile à renouveler.

Rien de nouveau sous les nuages gris de l'apocalypse pré-Z Nation, donc, si ce n'est quelques améliorations bienvenues. En délocalisant une majeure partie de son intrigue plus au nord, dans une région montagneuse, la saison ajoute encore des difficultés à la survie des protagonistes et soigne son look. En effet, d'une part, le froid pousse les survivants à se chercher des abris, multipliant les situations de siège, dans l'ADN de la série. D'autre part, le récit sort enfin de la banlieue grisâtre, dont l'âpreté visuelle tenait certes du parti pris, mais qui démangeait sérieusement la rétine.

 

photo, Black SummerWhite Summer

 

Une fois de plus, cette radicalité assumée, qu'on peine à croire sortie de The Asylum (oui, oui), ne manquera pas de diviser, d'autant qu'elle provoque des temps morts toujours aussi laborieux (l'avant-dernier épisode, long de presque une heure, pousse le vice très loin). Toujours contraints par un budget qu'on devine souvent maigre, quoique peut-être plus conséquent que sur la saison 1, les scénaristes sont forcés de concilier économie de moyen et ambitions techniques, contrebalançant les longues séquences d'action par des tunnels de dialogues (voire de simples balades).

Car si les survivants de la course au stade sont bels et bien de la partie, et qu'ils finissent par évoluer in fine, la vedette de Black Summer reste sa réalisation. Elle est toute entière composée de longs plans, voire de plans-séquences, parfois encore étendus grâce à quelques malins raccords cachés (ou pas). L'application de ce style aux pentes blanchies par la neige canadienne est à double tranchant. D'un côté, il colle encore plus fidèlement aux dos moites des survivants, quitte à parfois pasticher le Iñárritu de The Revenant. De l'autre, il finit par paraître quelque peu redondant, tant les affrontements dont il se plait à retranscrire la brutalité se calquent en général toujours sur le même schéma.

 

photo, Black SummerChristine Lee, vue dans Colossal, définitivement la révélation de la série

 

I think, therefore Hyams

Derrière ces aspirations aussi spectaculaires que casse-gueule, on discerne sans mal le travail de John Hyams. Le discret artisan, avant d'officier en tant que réalisateur et scénariste sur Z Nation, avait déjà introduit une dimension quasi-expérimentale dans une franchise a priori prémunie de toute impulsion auteuriste avec le complètement maboul Universal Soldier : Le Jour du jugement et ses bastons gorissimes post-Hotline Miami. Désormais promu showrunner, il laisse s'épanouir son talent de petit trublion de la série B sans gêne, surtout dans l'épisode 1, dont il se charge de la mise en scène.

Les premières minutes de cette saison 2 sont assez époustouflantes, si bien qu'on se prend à rêver d'une saison intégralement au même niveau. Portée, libre, la caméra s'affranchit de toutes les barrières théoriquement imposées par les canons de la télévision contemporaine. On suit des humains, des zombies, à pied, en voiture, à toutes les échelles et à toutes les vitesses, à travers une démonstration technique d'autant plus impressionnante qu'on devine les limites de ses capacités.

 

photo, Black SummerLe buddy movie, sous sa forme la plus pure

 

Atteindre la frontière du survival, tel semble être l'objectif de Black Summer qui épure de plus en plus ses arcs narratifs et déchaine de plus en plus fréquemment son potentiel d'action. Dans ce monde à la misanthropie flirtant avec le caricatural (on en vient à deviner les plus nihilistes des retournements de situation), le mouvement devient la seule unité de mesure, la profondeur de champ la seule valeur essentielle. Ainsi, cette salve d'épisodes ne se préoccupe plus guère de la chronologie de l'intrigue, décomposant grâce à ses vignettes la temporalité de l'ensemble.

Il ne manque plus à la série qu'un budget plus conséquent pour aller au bout de son concept, toujours sous la houlette d'une équipe technique s'inspirant déjà du meilleur de ce qui se fait actuellement. L'influence de la gigantesque Gangs of London commence, par exemple, à l'infuser au niveau de la gestion de la caméra portée ou des drones, pour une fois loin d'être des gimmicks faciles. Non pas que les productions d'Hyams rivalisent avec les opéras barbares de Gareth Evans, mais avec un peu plus de pépettes, il pourrait bien frapper un grand coup dans la fourmilière zombiesque.

La saison 2 de Black Summer est disponible sur Netflix depuis le 17 juin 2021 en France. La saison 1 est toujours disponible sur la plateforme.

 

affiche, Black Summer

Résumé

Écrasée entre ses ambitions techniques folles et les limites de ses moyens, la série reste assurément originale.

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Lecteurs

(3.7)

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commentaires
Miss M
07/02/2024 à 12:10

Incroyable comme les commentaires sont partagés sur cette série.
Autant je n'adhère à aucun série du genre actuellement m'ennuyant fermement et mortellement devant les Walking Dead et autres Last of Us dont tout le monde fait des caisses, autant là j'ai bouffé les 2 saisons d'un seul trait.
Je crois que le rythme est ce qui m'a le plus scotchée. Il y a finalement peu de temps morts, et quand ceux-ci existent, bizarrement j'y trouve un intérêt. Les personnages, forts ou faibles, apportent tous quelque chose finalement. Les acteurs (tous inconnus pour moi), sont très crédibles dans leurs rôles respectifs. Franchement même l'ado retrouvée par sa mère ne m'a donnée aucune envie de meurtre contrairement à Ellie ou Carl (pour en revenir aux 2 séries stars que j'ai détestées). Et putain pour une fois les zombies sont vraiment des plaies, de veritables chewing-gums sous la semelle qui courent, résistent presque à tout, tuent, etc. Dommage d'en rester à la scène finale de la S02 qui n'aura donc pas de suite.

Olive1177
12/08/2021 à 09:30

Cette série est un bijou . La saison 1 était intéressante , la saison 2 est pour moi exceptionnelle dans sa réalisation et la tension qu’elle apporte tout en cassant le rythme à chaque épisode . Énormément de références ( Shining , the revenant , les fils de l’homme etc ) et des personnages tous intéressants meme si personne n’est épargné .

Nash
09/08/2021 à 10:31

Bien filmée. Scenario bâclé. Beaucoup d'erreurs de script que ce soit dans la 1ere ou la 2eme saison. 2/5 pour etre sympa.

Miami81
21/07/2021 à 22:42

Excellente seconde saison qui évite le côté bâclé de la fin de la première. Les plans séquences sont toujours impressionnants notamment le 1er épisode sans temps mort (vivant). Et un dernier épisode avec une course poursuite hyper haletante et terrible pour les nerfs.
Bon après, la saison terminée, on se dit qu'au final, il ne s'est rien passé qui fasse réellement avancer l'histoire.

Balico
19/07/2021 à 13:41

Soporifique les 3/4 du temps, voilà l'originalité de cette série sans queue ni tête.

La saison 2 est tellement chiante que j'ai avancé la plupart des épisodes pour ne pas m'endormir...

Tomax
30/06/2021 à 01:50

Et personne n'a relevé les références à Shining dans l'avant-dernier épisode ?

Ninia
27/06/2021 à 17:02

Très bonne série. Très originale. Des supers plans filmés avec des drones, comme celui des hangars de l'aérodrome avec les personnages qui se poursuivent autour. Vraiment de bonnes idées et rien en commun avec Z nation qui est un truc plutôt lourd. La scène de l'hôtel m'a rappelé un peu le film Shinning. On se demande si Anna ne perd pas la tête lorsqu'elle déambule dans les couloirs.. Une série de qualité !

Ninia
27/06/2021 à 16:55

Très bonne série. Très originale. Des supers plans filmés avec des drones, comme celui des hangars de l'aérodet les personnages qui évoluent autour. Vraiment de bonnes idées et rien en commun avec Z nation qui n'est pas bien du tout... La scène de l'hôtel m'a rappelé un peu le film Shinning. On se demande si Anna ne perd pas la tête lorsqu'elle déambule dans les couloirs. Vraiment bien !!!

Bird
27/06/2021 à 16:31

C’est une série, qu’il faut absolument voir, car elle apporte une touche nouvelle sur un genre de film, les zombies, déjà très inflationné . Vivement la saison 3

Cyr41
26/06/2021 à 16:47

Avec ma femme nous étions des inconditionnels de la série "The Walking Dead" et de son spin-off "Fear"... Eh bien, après avoir découvert "Black Summer", nous sommes partagés comme les plupart des critiques.
Je suis fan de la réalisation et ma femme trouve qu'il y a trop de longueurs.
Pour moi les dialogues épurés servent la mise en scène et renforcent l'ambiance apocalyptique.
Pour ma femme, le scénario n'a pas suffisamment dépouillé le caractère des personnages...
Donc, à chacun de se faire sa propre opinion finalement !

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