Trese : Entre deux mondes - critique des démons de minuit sur Netflix

Déborah Lechner | 14 juin 2021 - MAJ : 14/06/2021 18:22
Déborah Lechner | 14 juin 2021 - MAJ : 14/06/2021 18:22

Pour gonfler son catalogue, délocaliser ses productions et brasser un public toujours plus large, Netflix s'est sérieusement mis à creuser le filon de l'animation. Si sa dernière tentative d'anthologie SF a foiré avec la saison 2 de Love, Death & Robots, le géant du streaming a aussi eu un peu plus de succès en revisitant la mythologie grecque dans Blood of Zeus et plus récemment encore, le folklore philippin à travers l'adaptation de Trese, un komik (équivalent du comics américain) de Budjette Tan et Kajo Baldisimo.  

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Trese : Entre deux mondes s'intéresse à Alexandra Trese, une jeune babaylan de Manille (considérée comme une gardienne et une guérisseuse) qui sert de médiatrice entre le monde des humains et le monde surnaturel dont font partie différentes créatures issues des croyances populaires du pays. En plus de faire respecter les accords qui ont été conclus par son père pour maintenir l'équilibre entre les deux dimensions, elle devient également détective privée lorsque la police locale est confrontée à des affaires qui dépassent ses compétences ou sa juridiction.

S'il faut s'accrocher un peu pour retenir et assimiler les noms relatifs au folklore philippin comme les Aswangs, les Tikbalangs, les Tiyanak, ou les Duendes, l'oeuvre a fait le choix de donner une tournure mainstream à son univers et ses figures mythologiques, les rendant beaucoup plus accessibles et faciles à conceptualiser.

 

photoGhost Whisperer, peut-être ?

 

Cette série sous forme de thriller policier retrouve ainsi plusieurs influences occidentales et nippones. À commencer par l'héroïne dont les enquêtes sur les manifestations paranormales, la maîtrise de l'occulte et du combat peuvent facilement la rapprocher de John Constantine, Hellboy, voire Buffy contre les vampires, tandis que sa personnalité taciturne et son code moral semblent assez proches de ceux de Batman.

De même, son personnage dégage la même autorité et la même force que Motoko Kusanagi dans Ghost in the Shell, Mikasa dans L'Attaque des Titans ou la Shinigami Rukia dans Bleach, sa coupe courte et son regard sévère aidant pas mal à faire le parallèle. On se familiarise donc sans trop de difficulté à ce personnage charismatique qui porte l'ensemble de la série et n'aurait aucun mal à se faire une place dans la Justice League Dark et chez les autres héroïnes badass d'Hollywood. 

 

photoGuerre-héros

 

En installant une ambiance néo-noir dans les bas-fonds d'un Manille visité de bout en bout, les spectateurs peuvent également avoir l'impression de se trouver dans un quartier inconnu de Gotham City, où le capitaine Guerrero s'avère être le seul rempart face à la corruption et la délinquance qui gangrènent la ville. Cela fait de lui le parfait homologue du commissaire Jim Gordon. On comprend donc encore mieux l'implication du cinéaste philippino-américain Jay Oliva à la production exécutive après son travail sur plusieurs films d'animation DC comme Justice League Dark, Teen Titans : Les Jeunes TitansBatman: The Dark Knight Returns ou La Ligue des Justiciers - Le paradoxe Flashpoint.

En plus de s'amuser avec ses références folkloriques et d'en exploiter tout l'aspect gore et horrifique sans tomber dans la violence décomplexée, la série dépoussière ses légendes en les faisant participer à des rodéos urbains façon Fast & Furious, en enfermant une créature en feu dans un Nokia 3210 presque pour la blague, en transformant un fantôme en nerd ou même en se réappropriant les codes de l'invasion zombies au détour d'un épisode. 

 

photoOn vous attend les Warren

 

BON SANG DE BEAUTÉ

Une fois de plus, Netflix a opté pour un format court avec seulement six épisodes d'une moyenne de 30 minutes. La série a donc catapulté son intrigue concernant les différentes enquêtes et leur fil conducteur pour se concentrer sur une exposition forcément nécessaire, à travers des flashbacks a priori sans rapport avec les événements en cours. Le dénouement est malheureusement précipité et prévisible, si ce n'est presque annoncé en cours de route. À côté, la tension peine à s'installer efficacement à cause des trop nombreuses ruptures de ton et de l'humour dispensable la plupart du temps. 

Même si la série peut compter sur une héroïne badass et un bestiaire singulier et plaisant, cette première saison en appelle obligatoirement une seconde pour étendre un peu plus cet univers encore opaque et étoffer davantage les personnages secondaires. Le passé des jumeaux a beau avoir été abordé et relié à l'histoire de fond, leur personnalité légère reste malgré tout insondable et les cantonne aux rôles de sidekicks, tout comme Hank, qui mérite d'être davantage exploité après avoir été lâché sans trop d'explications dans le récit.

 

photoTrame narrative coupée en deux

 

Surtout que Trese est une vraie surprise en termes de direction artistique et d'animation, s'éloignant des fâcheux CGI de Netflix qu'on a pu retrouver dans les productions précédentes. Si les characters design sont plutôt simples, mais que Trese reste élégante et suffisamment expressive, les yeux s'attardent surtout sur les décors et panoramas nocturnes et crépusculaires de Manille, richement détaillée et texturée, avec une palette de couleurs ocre et des jeux de lumière réalistes, basés sur les éclairages de la ville.

Le générique est d'ailleurs un bon avant-goût de l'esthétisme de la série et de ses exigences visuelles. On peut donc attendre une qualité aussi soignée pour une nouvelle tournée, qui pourra également corriger les quelques défauts et faiblesses concernant les scènes d'action, peu nombreuses et intenses dans leur mise en scène assez convenue. 

 

photoÇa a plus de gueule que Saint Seiya : Les Chevaliers du Zodiaque

 

Après avoir fait sa connaissance, il serait aussi temps de s'intéresser plus sérieusement aux pouvoirs de Trese et notamment ses limites, qu'on a toujours du mal à estimer. Dans le même but, on s'attend à voir l'héroïne en difficulté (pour de vrai), aussi bien dans de futurs combats plus épiques, que pour gérer les lourdes révélations faites à la fin de la saison qui ne manqueront pas de muscler les enjeux scénaristiques. 

La première saison de Trese : Entre deux mondes est disponible depuis le 11 juin sur Netflix. 

 

Affiche officielle

Résumé

Trese : Entre deux mondes peut compter sur un univers à la fois familier et singulier, avec une ambiance sombre et une atmosphère macabre et pesante qui mériterait d'être installée avec plus d'intensité et de longévité. Le récit manque encore d’adrénaline, mais ne demande qu'à s'étendre dans une prochaine saison pour combler ses lacunes et étendre un peu plus cette fresque moderne de l'effrayant folklore philippin. 

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