Fruits Basket : le nouvel anime est-il à la hauteur du manga culte ?

Déborah Lechner | 29 juin 2021 - MAJ : 30/06/2021 06:41
Déborah Lechner | 29 juin 2021 - MAJ : 30/06/2021 06:41

Après une première adaptation inachevée en 2001, Fruits Basket a refait un passage sur le petit écran en 2019 avec une production de TMS Entertainment, bien plus proche de l'oeuvre culte de Natsuki Takaya. Maintenant que Wakanim a diffusé l'épisode final du nouvel anime, il est grand temps d'en dire tout le bien qu'on en pense.

AMOUR, GLOIRE ET BEAUTÉ

Fruits Basket raconte l'histoire de Tohru Honda, une lycéenne orpheline plus ou moins obligée de vivre sous une tente de camping, tout en continuant ses études comme si de rien n'était. Par hasard, elle croise un jour Shigure, issu de la riche et puissante famille Soma, qui s'avère aussi être le cousin de Yuki et Kyo, deux élèves de son école qui se haïssent, mais doivent vivre sous son toit. Invitée à vivre chez eux en échange de quelques tâches ménagères, Tohru découvre rapidement qu'une malédiction pèse sur le clan des Soma, dont 12 des membres se transforment en un des 12 animaux du zodiaque chinois s'ils enlacent une personne du sexe opposé. 

Avec un pitch pareil, Fruits Basket aurait facilement pu se confondre et disparaître dans la masse des autres shojos, la ligne éditoriale destinée au jeune public féminin étant souvent moquée pour son romantisme pudibond et dilué, ainsi que ses scénarios généralement vides qui servent de prétextes pour voir des amoureux se tourner autour avec des yeux en coeur. 

 

photoFille au pair

 

Le manga sorti au début des années 2000 a pourtant redoré le blason du genre en approfondissant tous les tropes éculés sur l'amour et l'amitié, mais sans jamais renier son ADN. On y retrouve ainsi certaines figures imposées avec une jeune héroïne à la candeur irrationnelle, des personnages archétypaux (souvent lourdingues), un harem de beaux-gosses, des comiques de situation assez prévisibles et une vision complètement hors-sol des relations adolescentes au XXIe siècle. 

L'adaptation, comme son matériau d'origine, étale aussi généreusement ses introspections poussives, ses discours mièvres et ses effets visuels empruntés aux trames sur papier pour exacerber et exalter les émotions et les sentiments les plus anodins. Dit comme ça, on se retrouve donc à deux doigts de l'indigestion de guimauve, mais ce serait dommage de s'arrêter sur cette impression étant donné tout ce que l'oeuvre a à offrir.

 

photoUn peu de paillettes dans nos vies ternes

 

JUSTE UNE POUSSIÈRE DANS L'OEIL

Si Fruits Basket peut s'apparenter à un shojo feel-good aux accents fantastiques et humoristiques, l'anime dévoile rapidement une toile de fond bien plus sombre et complexe que la plupart des tranches de vies scolaires pour ados. Loin de se focaliser sur son faux triangle amoureux, les rires et les larmes s'alternent en quelques minutes pour rendre l'ensemble plus mélancolique et doux-amer que léger et parfaitement ingénu. Lentement et à travers chaque personnage, la série décortique les manipulations et les rapports humains (amoureux, amicaux et familiaux) pour en faire émerger toute la cruauté, la perversion, la toxicité ou, à de plus rares occasions, la sincérité.

À travers le passé affreusement douloureux et tragique des protagonistes (leurs déboires sentimentaux et existentiels étant infiniment moins superficiels qu'à l'ordinaire), la série détricote également les différents mécanismes de construction de soi, avec une attention toute particulière portée à l'enfance, dont les traumatismes divers et variés (avec le rejet comme constante) ont forgé des personnalités assez linéaires, voire presque caricaturales, qui sont pourtant une croix à porter pour chacun d'entre eux. 

 

photoAkito, le personnage aux mille et une facettes

 

Entre deux scènes où le scénario libère le potentiel comique des protagonistes et tissent davantage leurs liens, l'intrigue plonge sans éclaboussures dans le pathétique et le dramatique à travers des thématiques aussi vastes que l'altérité, le deuil, le traditionalisme social et l'accomplissement personnel. Si la série ne propose pas beaucoup de combats physiques, la violence psychologique est donc omniprésente, la culpabilité, la peur ou la colère étouffant le clan Soma, dirigé par le cruel Akito qui cristallise tous leurs stigmates.

C'est dans ce contexte peu joyeux que débarque l'avenante Tohru, dont la bonté à toute épreuve la ferait pratiquement passer pour une sainte égarée sur Terre. Elle tient d'abord le rôle de la confidente empathique, puis devient progressivement la figure maternelle des Soma, qui sont très peu à entretenir une bonne relation avec au moins un de leurs parents. Tohru pardonne leurs fautes, partage leurs peines et apaise leur coeur, au point de se mettre en tête de briser la malédiction responsable de l'isolement de ses amis qui s'asphyxient dans leur cage dorée. 

 

photoAu-dessus d'elle, c'est le soleil

 

Un complexe de dieu dans une forme étonnamment pure et désintéressée, en totale opposition au chef du clan érigé en dieu. Elle finit d'ailleurs par devenir leur nouvelle divinité, celle en qui les Soma ont choisi de croire et celle qu'ils finissent tous par adorer. Pourtant, Tohru n'incarne en rien la perfection innée et doit, elle aussi, faire preuve de courage pour aller de l'avant, étant donné qu'elle a elle-même passé sa vie à façonner son être, à conditionner ses émotions et à entretenir sa politesse maladive pour correspondre à ce que les autres attendaient d'elle. Son dévouement lui permet ainsi de mieux s'abandonner et de s'éloigner du deuil qu'elle semble incapable de faire. 

 

photoLa valse des sentiments

 

ORIGIN STORY

Avec seulement 13 épisodes, on pouvait craindre que la troisième et dernière saison de Fruits Basket se précipite pour conclure l'anime, à l'image de la fin rushée et assez conventionnelle du manga. Si l'anime reste très fidèle à son matériau d'origine et a pu compter sur la participation de son autrice, la trame a malgré tout réorganisé quelques chapitres pour des questions de rythme, qui vacille par moments dans les saisons précédentes. Le grand final se permet néanmoins d'appuyer certaines cases, en particulier sur Akito et son passé, donnant ainsi plus de poids au dénouement attendu

La série a également coupé quelques parties du manga, notamment le passé de Kyoko, la mère de Tohru, dont l'aura et l'importance dans l'histoire restent aussi fortes malgré tout. Sa rencontre avec Katsuya, le père de Tohru, aura toutefois droit à un spin-off courant 2022 et devrait là encore mettre notre émotivité à rude épreuve. Ce prequel devrait aussi être l'occasion d'introduire le personnage de Komaki Nakao, absente de la nouvelle adaptation, mais tragiquement liée à Kyoko et sa fille.

  

photoCe n'est qu'un au revoir

  

Pour marquer un peu plus sa dimension mystique et fantastique, la dernière fournée se concentre plus longuement sur la malédiction des 12, par ailleurs abordée dès les premières minutes de la saison 1, se permettant de rajouter des scènes concernant le banquet et la vérité sur ses origines et le signe du Chat. L'animation est, quant à elle, toujours aussi soignée, avec des characters design retravaillés et modernisés par rapport à la série de 2001 pour un rendu plus raffiné.

On apprécie également le trait fin, la palette de couleurs pastel et la musique doucereuse de Masaru Yokoyama qui soulignent parfaitement la tendresse, l'optimisme et la sensibilité de l'oeuvre à côté de laquelle il serait dommage de passer. 

Les trois saisons de Fruits Basket sont disponibles en France sur Wakanim

 

photo

Résumé

La nouvelle adaptation de Fruits Basket est aussi délicate, sensible et torturée que le manga dont elle est tirée et auquel elle rend parfaitement hommage, même si elle n'est pas exempte de défauts, probablement imputables aux codes de la comédie romantique japonaise.

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Lecteurs

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commentaires
Hasgarn
29/06/2021 à 19:50

J’ai adoré.
Le concept des transformations n’existe que pour enfermer les personnages dans une prison. La série a le bon goût de n’en jouer que rarement et préfère se concentrer sur les personnages et leurs problèmes.

Bien plus malin que la moyenne !

Jojo
29/06/2021 à 18:26

Vu que la saison 1 et totalement tombé sous charme, j'y ai retrouvé l'aura des shôjos des années 90 !

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