Utopia saison 1 : critique complotiste et contagieuse sur Amazon

Alexandre Janowiak | 30 octobre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Alexandre Janowiak | 30 octobre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

En février 2014, HBO annonçait le lancement du remake américain de l'excellente Utopia avec David Fincher à la réalisation, Rooney Mara dans le rôle principal et Gillian Flynn au scénario. Plus de six ans après, le projet a basculé entre les mains d'Amazon Prime Video et Gillian Flynn, la scénariste de Gone Girl, est la seule rescapée. Désormais showrunneuse, sa version d'Utopia, disponible en intégralité sur la plateforme depuis le 30 octobre en France, est une jolie réussite.

WHERE IS JESSICA HYDE VERSION US ?

Difficile de ne pas avoir envie d'aborder Utopia version américaine sous le prisme de la comparaison avec son ainée et modèle britannique. Et soyons honnêtes, il sera difficile pour quiconque a découvert la sublime série mère de Dennis Kelly (derrière la troublante et récente The Third Day sur HBO) en 2013 de ne pas scruter les différences de traitement de l'intrigue avec la série Amazon Prime Video.

En huit épisodes, la nouvelle version dirigée par Gillian Flynn se détache assez fortement de la version de Kelly. Si la trame narrative est plus ou moins la même et que certaines séquences se répondent sans trop de surprises (oui, vous aurez bien le droit à une nouvelle scène dotée d'une petite cuillère), la scénariste renouvelle assez largement la série britannique.

 

Photo Dan Byrd, Desmin Borges, Jessica Rothe, Ashleigh LaThropUne nouvelle équipe réunie

 

Dès son ouverture, la série débute d'une manière suffisamment différente pour intriguer. A l'heure des populaires Comic-Con, la série installe son univers et ses personnages en plein milieu d'une convention pour les faire se rencontrer et instaurer l'intrigue autour du fameux Utopia. Avec une intrigue très similaire mais une approche renouvelée, quelques nouveaux personnages comme celui de Sam (Jessica Rothe) et de nouvelles mises à morts, Utopia ouvre alors son propre chemin.

Ainsi, visuellement parlant, la série américaine est beaucoup plus sombre. Les couleurs flashy de la version britannique s'effacent au profit d'une atmosphère souvent grisonnante et jouant plus sur des lumières tamisés et des jeux d'ombres rappelant des cases de BD. Une scène d'action dans des toilettes publics sur des teintes mêlant le bleu et le orange, le jaune et un rouge passé, rappelera d'ailleurs énormément le comic au coeur du récit, pour un rendu très réussi.

La mise en scène est, par ailleurs, beaucoup plus carré que la version de Channel 5. Le moyen de donner sûrement plus de cachet à cette nouvelle mouture plus moderne, plus américaine et surtout plus réaliste, mais dans le même temps un peu moins d'identité visuelle. La série britannique était en effet plus stylisée, marquant à travers chacun de ses plans son côté décalé (on repense au générique du premier épisode avec un lapin costumé géant).

 

Photo Jessica RotheJessica Rothe connaîtra-t-elle encore la mort après Happy Birthdead ?

 

LONGUE TRAQUE

Des choix esthétiques souvent à l'opposé de la série mère mais qui n'empêche jamais la série d'oublier d'où elle vient réellement. Si Utopia version Amazon prend ses aises au niveau du scénario en instaurant de nouveaux personnages (le scientifique incarné par Rainn Wilson notamment), elle s'oblige à garder en tête les éléments clés de l'histoire originelle et notamment son côté manipulateur (envers ses personnages mais aussi les spectateurs).

Le cliffhanger de l'épisode 2 est d'ailleurs un modèle du genre qui viendra complètement secouer les spectateurs et les rappeler à l'ordre. Certes, il y aura de nouvelles têtes, mais la véritable héroïne de la série restera Jessica Hyde (l'excellente Sasha Lane de American Honey) et personne d'autre. Un choix scénaristique qui pourra déplaire à plus d'un spectateur mais qui vient remettre les pendules à l'heure et marquer l'audace de la série, prête à sacrifier certains de ses personnages sans remord pour mieux surligner l'urgence et la paranoïa ambiante.

 

Photo Sasha LaneSasha Lane, parfaite dans le rôle de la mystérieuse Jessica Hyde

 

Car oui, Utopia 2020 est tout aussi violente que la version de 2013. Ce n'est pas la même violence qui est montrée à l'écran et aucune séquence de cette saison 1 ne viendra surpasser le massacre ouvrant l'épisode 3 de la version britannique qui avait tant créé polémique à l'époque. Toutefois, la série conserve assurément une grande noirceur avec un death count impressionnant (notamment parmi des personnages majeurs) et plusieurs moments se révèlent jubilatoires (et funs) par leur cynisme, leur frénésie ou leur dégueulasserie (une séquence grâtinée avec des ongles).

Mais aussi brutale soient certaines rencontres, aussi sanglantes se terminent plusieurs face-à-face et aussi furieuse soit l'intrigue, jouant énormément de cliffhangers et twists pour dynamiter l'aventure de notre groupe de héros, la véritable frayeur ou angoisse se trouve ailleurs : dans le parallèle entre fiction et réalité.

 

Photo Sasha Lane, Desmin Borges, Ashleigh LaThrop, Dan ByrdA la recherche d'indices

 

REALISTIC UTOPIA

Utopia raconte l'histoire d'un groupe de fanboys/fangirls du comics Dystopia dont le récit aurait prédit plusieurs des virus découverts sur Terre ces dernières années (du SRAS à Ebola ou Zyka, par exemple). Et lorsqu'ils apprennent que la suite de Dystopia, à savoir Utopiaexistent vraiment et que son intrigue parle du virus en train de décimer une partie des Etats-Unis, ils vont comprendre que la fiction est finalement annonciatrice d'une bien triste réalité et que le comic détient sûrement les réponses pour sauver le destin du monde.

En 2013, le récit de Utopia s'amusait déjà avec les fantasmes conspirationnistes pour créer une atmosphère anxiogène et paranoïaque. Assurément, Gillian Flynn a souhaité faire la même chose avec sa version américaine lorsqu'elle l'a débutée en 2018. Mais deux ans plus tard, chaque arc narratif de la série Amazon Prime Video prend une tout autre ampleur alors que le monde est plongé au coeur de la pandémie de Covid-19.

 

Photo Rainn WilsonComme l'impression de trop bien connaître cet univers

 

Gillian Flynn ne pouvait évidemment pas savoir que son Utopia serait diffusée au moment même où un virus s'abat sur la planète depuis près d'un an et où le monde pharmaceutique travaille sans relâche à la fabrication d'un vaccin attendu comme le messie par les gouvernements et la population pour enfin sortir de cette crise planétaire inédite. C'est pourtant, par chance pour la série, ce qui la rend encore plus puissante, follement captivante et particulièrement angoissante.

Quiconque se plongera dans Utopia se retrouvera au coeur d'un ersatz du monde réel, plus violent, plus fou, plus aliéné et pourtant sensiblement réaliste. Chaque questionnement et motivation des personnages sur le réchauffement climatique ou la surpopulation, chaque réflexion de l'un d'entre eux sur la pandémie, chaque réaction des autorités sur les mesures à prendre ou chaque manipulation médiatique ou gouvernementales rappelent le monde d'aujourd'hui et peuvent correspondre aux introspections de tout un chacun actuellement.

La série débarque donc à la fois au meilleur et au pire moment. En étant complètement en symbiose avec les événements pandémiques touchant le monde, la série trouve une force folle démultipliant la relation ambigüe qu'entretiennent fiction et réalité. Dans le même temps, sa ressemblance troublante avec la situation mondiale rebutera plus d'un spectateur préférant s'échapper des angoisses quotidiennes devant un écran. À chacun de faire son propre choix, mais pour nous, Utopia est assurément un must see par les temps qui courent.

Utopia est disponible en intégralité sur Amazon Prime Vidéo en France depuis le 30 octobre 2020

 

Affiche US

Résumé

Plus moderne que son aînée britannique, Utopia version US est une belle réussite qui parvient à trouver sa propre voie dans ce trip paranoïaque, manipulateur, conspirationniste et violent, dont l'écho avec la réalité accentue sa noirceur et son atmosphère anxiogène.

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commentaires
tnecniv
31/10/2020 à 04:25

J'avais vraiment accroché à la série originale , je veux bien croire que celle ci soit une réussite mais j'ai tout de même " peur " de la visionner tellement les personnages de la version british m'ont marqué . En tout cas tant mieux si c'est réussi .

Sanchez
30/10/2020 à 19:06

@Moijedis Est que tu veux dire que tu trouves ça super bien ?

Moijedis
30/10/2020 à 18:45

Vu les 3 premiers épisodes .
C’est super bien . Super bien .

Ozymandias
30/10/2020 à 18:36

Humhum

Ozymandias
30/10/2020 à 18:11

Ah au top, évidemment dans ma liste celle-là !
J'avais adoré la version UK.

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