The Eddy : critique qui fait jazzer sur Netflix

Alexandre Janowiak | 14 mai 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Alexandre Janowiak | 14 mai 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après les succès sur grand écran de WhiplashLa La Land et First Man - Le premier homme sur la Luneet avant son retour au cinéma avec le très attendu BabylonDamien Chazelle supervise en partie la série musicale Netflix : The Eddy. Après quatre premiers épisodes passionnants, c'est l'heure du bilan complet de la mini-série.

ALL THAT JAZZ

Avant d'être reconnu du grand public avec Whiplash et surtout La La Land qui lui a permis d'être consacré de l'Oscar du meilleur réalisateur, Damien Chazelle avait réalisé en 2009 un plus petit film, son tout premier : Guy and Madeline on a Park BenchMéconnu des spectateurs (il est d'ailleurs inédit en France), ce premier long-métrage est pourtant celui qui se rapproche sans doute le plus de son incursion sur le petit écran.

Ainsi, Guy and Madeline on a Park Bench , conçu avec seulement 60000 dollars en poche, suivait la vie de plusieurs personnages (notamment Guy et Madeline donc) dans un Boston contemporain en se centrant notamment sur le jazz qui rythme leur vie et surtout celle de Guy, trompettiste. Un film tourné en noir et blanc et en 16mm, qui augurait déjà de la passion débordante du jeune cinéaste pour le jazz.

Avec The Eddy, on a très rapidement la sensation que Damien Chazelle revient donc à ses premières amours. Avec un budget important (grâce à Netflix évidemment) lui permettant de combler les exigences de sa mise en scène, de son ambition et de ses envies, le cinéaste peut enfin raconter ce qu'il aime et ce qui le touche au plus profond, tout en gardant une patine très rétro.

 

photo, Tahar RahimTahar Rahim, rare mais précieux

 

NEW YORK, NEW YORK PARIS, PARIS

En effet, dès les deux premiers épisodes qu'il dirige, Damien Chazelle élève très rapidement The Eddy dans le haut du panier des créations originales Netflix. D'abord, grâce à ce choix de caméra (le 16 mm comme son premier film justement) qui offre immédiatement un ton et une atmosphère unique à la mini-série. Cet aspect granuleux, à la texture très brute, permet de forger une identité propre et forte à la série et de donner une note d'intention très claire.

Plus qu'un simple thriller, The Eddy mêlera les genres passant du drame musical à la rom-com (pour le meilleur avec Julie, et le pire avec Elliot) de l'oeuvre chorale au quasi-documentaire avec son style très proche du documentaire, ultra-réaliste, naturaliste. Mieux encore, cette mini-série sera guidée avant tout par les aléas du jazz. Son rythme se juxtapose alors à la fois sur les improvisations, partitions, accélérations musicales et les ressentis et états d'âme de chaque personnage composant le récit, pour offrir une avancée de l'intrigue souvent décousue mais toujours naturelle.

Scéniquement parlant, The Eddy démarre donc très fort tant la mise en scène très brute de Chazelle (une caméra à l'épaule incessante) se marie parfaitement avec le chaos inhérent à l'univers du jazz. Et si la texture unique du 16mm disparaît dès le troisième épisode pour le numérique, la transition est limpide et réfléchie avec l'utilisation habile du smartphone et d'un souvenir émouvant pour lancer l'arc d'un nouveau personnage (celui de l'excellente Leïla Bekhti).

 

photoLeila Bekthi, parfaite dans le rôle d'Amira 

 

La série de Netflix continue alors son exploration des personnages qui gravitent autour de celui d'Elliot Udo (Andre Holland) et de sa fille Julie (la talentueuse Amandla Stenberg). Des tranches de vie qui viendront approfondir l'arc principal du récit (ce polar sur fond de crime organisé et d'enquête criminelle) et également offrir des perspectives nouvelles sur les coulisses du monde musical et surtout l'éclectisme, cosmopolitisme, du Paris contemporain.

En effet, le casting de The Eddy repose sur des stars du monde entier qui contribue encore un peu plus à appuyer ses fondements sur ceux du jazz. Les multiples langues parlées (français, polonais, anglais, arabe ou encore serbe) sont autant de différences qui n'empêchent pas les personnages de se comprendre, de se lier, le jazz étant leur véritable langue, moyen de communiquer.

A l'image du capharnaüm créé par les improvisations du trompettiste devant les notes du pianiste, les envolés du batteur ou celles du contrebassiste, l'ensemble s'en trouve énergisé, dynamisé et renforcé.

 

Photo Joanna KuligUn groupe éclectique qui ne forme qu'un pour la musique

 

ACCORDS... ET DÉSACCORDS

Pour autant, sur la longueur, force est de constater que la mini-série dirigée en partie par Damien Chazelle (la réalisation est aussi assurée par la Française Houda Benyamina, la Marocaine Laila Marrakchi et l'Américain Alan Poul) se perd légèrement. Avec son désir d'explorer le quotidien de plusieurs de ses personnages à travers des épisodes qui leur sont consacrés chacun à leur tour, The Eddy évite difficilement l'irrégularité inévitable des oeuvres dites à "sketches".

D'autant plus lorsque finalement, l'on comprend très vite que la série va étirer jusqu'à la rupture l'intrigue axée autour des difficultés financières de la gestion du club de jazz. Placé au centre du récit dès la fin choquante de l'épisode 1, l'enquête criminelle va prendre le dessus sur de nombreux points bien plus intéressants et passionnants. L'affaire qui englue le personnage d'Elliot dans une confrontation sans fin avec la police et les criminels qui le menacent manque de finesse et de pertinence.

 

photo, Joanna KuligJoanna Kulig, enivrante

 

Pire, elle oblige le personnage incarné par Andre Holland à avoir des réactions totalement incohérentes. Difficile de comprendre au bout des huit épisodes, les décisions et agissements du musicien tant ils semblent parfaitement illogiques et le plombent totalement. Au fur et à mesure de l'avancée de son récit, il semble plus s'enterrer lui-même qu'à cause des menaces qui pèsent sur lui. De quoi largement freiner le récit et planter une intrigue qui fait beaucoup de surplace et se conclura finalement trop en surface.

Rien de très étonnant cela dit quand on sait que The Eddy, avant d'être la série de Damien Chazelle sur un simple raccourci, est surtout une création du scénariste Jack Thorne. S'il est derrière la récente série His Dark Materials : À la croisée des mondes et qu'il a écrit plusieurs épisodes de Skinsil est aussi derrière le gros navet Up & Down  et n'a jamais vraiment réussi à percer sur le petit écran ou le grand (lui qui est surtout reconnu pour ses pièces de théâtre).

Ainsi, passé le quatrième épisode, et malgré une mise en scène plaisante et des comédiens toujours aussi justes (la polonaise Joanna Kulig est décidément superbe), la mini-série perd de son charme et de sa force. Et dans le dernier mouvement, malgré nos efforts, on a bien du mal à se laisser porter par cette musique de jazz, pourtant si entraînante à ses débuts.

The Eddy est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 8 mai

 

affiche

Résumé

The Eddy séduit pour sa musique, sa mise en scène et certaines des tranches de vie qu'elle dépeint à travers plusieurs personnages bouleversants. Dommage que la mini-série soit incapable de tenir sa promesse sur l'ensemble, freinée par son récit trop souvent stationnaire.

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Lecteurs

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commentaires
Thierry
15/05/2020 à 07:41

Vu la première minute. Mauvaise impression. Au revoir. Grand fan de La La Land.

Kelso
15/05/2020 à 01:39

Whiplash ok excellent film mais j'ai jamais compris ce qu'on trouvais de si fabuleux à La la land, comédie musicale pas très passionnante avec des musiques oubliées à peine entendues. First man jamais vu mais les avis que j'ai lu ne sont pas très bons. The Eddy ne me donne pas très envie, la Bande annonce est pas folichonne et les avis lus par-ci par-là ne risquent pas de me motivé.


14/05/2020 à 19:10

Si c'est vraiment une mini-série je trouve le finale très mauvais. Il ressemble beaucoup plus au final d'une saison 1. Mais qui voudrait voir une saison 2 ? Il y a en effet beaucoup d'inégalité d'un épisode à un autre, mais contrairement à vous je trouve l'intrigue policière bien meilleur que le reste. Nous sommes en tout cas d'accord que cette œuvre est loin d’être bonne.

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