Mr. Robot : et si c'était l'une des meilleures fins de série ?

Geoffrey Crété | 30 août 2021 - MAJ : 25/04/2022 15:38
Geoffrey Crété | 30 août 2021 - MAJ : 25/04/2022 15:38

Phénomène dès son lancement en 2015, Mr. Robot a perdu quelques plumes de popularité au fil des années, jusqu'à être poliment oubliée par une partie de la critique et du public. Mais ceux qui se sont accrochés au train de Sam Esmail savent que c'est l'une des séries les plus intéressantes, soignées et riches de ces dernières années. Et après une troisième saison inégale, illuminée par quelques moments puissants, cette saison 4 et ultime tour de manège referme le récit mené par Rami Malek avec la force nécessaire et espérée. A (re)voir sur Netflix.

ATTENTION SPOILERS

LA MORT VOUS VA SI BIEN

La fin est proche. Tellement proche que cette saison 4 commence à aligner les cadavres et distribuer les peines sans plus attendre, et que le premier épisode est l'un des plus perturbants et puissants de la série. Dès l'intro, Angela est exécutée, dans un plan glaçant qui rappelle la force de la mise en scène de Sam Esmail. Plus tard, c'est un homme pris en otage par le héros (apparition de Jake Busey) qui préfère se tirer une balle dans la tête pour échapper au pire. Et Elliot lui-même semble périr dans les derniers instants, comme pour étouffer tout espoir dans ce tunnel noir.

Ce n'est que le début d'une rangée de cadavres, qui tombent comme s'abattent les ultimes cartes de la séire. Et ce n'est que le début d'une longue, intense et féroce dernière ligne droite, où Elliot va affronter les démons - ceux du monde, les siens. Et le spectateur avec lui. Accusé d'avoir trop ralenti les intrigues des dernières saisons, et parfois à raison, Sam Esmail transforme cette quatrième saison en voyage au bout de l'enfer, avec une destination qui semble de plus en plus terrible à mesure que le hacker plonge tête la première dans le puits de Whiterose. C'est l'heure des comptes pour Mr. Robot et ses proches. L'heure des payer pour ses fautes, pour ses silences, pour ses traumas, pour ses espoirs trop immenses.

Et l'heure pour le spectateur de constater que Mr. Robot est définitivement l'une des séries les plus géniales, riches, belles et mémorables de ces dernières années.

 

photo, Carly Chaikin, Rami MalekL'Etrange Noël de Mr. Robot

 

COURS ELLIOT, COURS

Ce qui frappe d'abord dans cette saison 4, c'est sa précision. Pas une once de gras dans ces 13 derniers épisodes, menés tambour battant grâce à une maîtrise fantastique. Sam Esmail occupe chaque espace narratif, donne une vie à tous les personnages jusque dans les nouveaux venus, et mène ce dernier mouvement sans peur ni pitié. La mort d'Angela en est le première, mais pas la dernière démonstration. Parce qu'il tournait en rond, Tyrell est lui aussi sacrifié en cours de route, tandis que l'étau se resserre autour d'Elliot.

Et si cette diabolique et exaltante mécanique est aussi belle, c'est parce qu'elle n'obéit pas simplement à un désir d'efficacité et de sensationnalisme. Mr. Robot était à l'origine un film, que Sam Esmail a déconstruit en série. Et la crainte que tout ait été modifié et improvisé en cours de route, quitte à se perdre en cours de route, s'évapore magnifiquement : le créateur savait parfaitement où il allait avec son histoire, et n'a jamais perdu de vue sa destination.

 

photo, Rami MalekL'heure de la sentence est proche

 

Les saisons 2 et 3 auraient peut-être gagné à être rassemblées pour renforcer la narration, et effacer cette sensation de surplace flou, mais cette saison 4 dissipe bien des craintes. Toutes les pièces importantes s'imbriquent et éjectent les éléments parasites, pour former une conclusion hautement satisfaisante, à tous les niveaux.

Au fil des épisodes, Sam Esmail vide ce monde qu'il a peuplé, pour créer les ultimes chocs et rencontres entre les personnages. Autour d'Elliot et Darlene, Dom, Phillip Price, Krista Gordon, Vera et bien sûr Whiterose sont les derniers électrons qui s'activent dans la galaxie de Mr. Robot pour les ultimes chocs dévastateurs. Tous trouvent une raison d'être, et le talent de Sam Esmail est là jusque dans les seconds rôles. Il n'y a qu'à voir comment il traite et écrit des seconds rôles comme Janice (délicieuse Ashlie Atkinson) et Olivia (Dominik García, fille d'Andy Garcia), pour constater que le créateur ne laisse rien au hasard, et dirige son monde d'un main de fer. Même Whiterose révèle un visage doux et touchant dans une série de flashbacks, beaux et terribles.

 

photo, Christian Slater, Rami MalekIl ne peut en rester qu'un

 

UN SILENCE DE MAUX

Sans surprise, cette saison 4 est également un régal pour les yeux cinéphiles. Réalisateur de tous les épisodes depuis la saison 2 (il en avait signé trois sur la saison 1), Sam Esmail a déjà emballé de grands moments, comme la parenthèse sitcom de la saison 2, ou le mémorable épisode 5 de la saison 3, pensé comme un plan-séquence intense.

Ici, ce sera aussi le cinquième, là encore tourné autour d'une intrusion dans un immeuble : Elliot et Darlene tentent de pirater les systèmes d'une banque pour arrêter Whiterose. Et sans même l'énoncer de manière ostentatoire, ce sera une odyssée muette, diablement efficace, où le duo use de multiples subterfuges pour parvenir à ses fins. Lorsque l'opération tourne mal, l'épisode mute pour devenir un Marathon Man dans les rues de New-York, où Elliot fuit la police à bout de souffle.

 

photo, Rami Malek, Carly ChaikinUn épisode sous très haute tension

 

La ville se transforme alors en immense territoire paradoxalement silencieux et rempli de signaux, que ce soit un tag sur un mur, un saxophoniste pas comme les autres, ou un ticket de pressing. Les protagonistes se retranchent sur leurs écrans pour s'accorder, se retrouver, se sauver. Et au final, la communication la plus forte se passe de mot : c'est simplement une main posée sur une autre.

Le malin Sam Esmail orchestre cette aventure avec un plaisir évident jusqu'à l'ultime réplique ("It's time we talked"), qui rappelle l'esprit de Joss Whedon sur l'épisode muet de Buffy contre les vampires - où Buffy et Riley, ayant retrouvé la parole, se disaient qu'ils devaient discuter... sans y parvenir.

Difficile de ne pas mentionner aussi le magistral épisode 7, en 5 actes, composé comme une tragédie qui va diriger une lumière vive, aussi violente que salvatrice, sur le héros, le spectateur, et la série toute entière. Là encore, le talent de narrateur et réalisateur de Sam Esmail est éblouissant.

 

photo, Rami MalekQuand Mr. Robot bascule dans un film d'horreur effroyable

 

ENTER THE MATRIX

Au-delà de cet épisode marquant et pur morceau de plaisir, Mr. Robot est toujours aussi classe et soignée dans sa mise en scène. La photo est magnifique, le montage précis, avec plus que jamais une place majeure laissée aux belles et étonnantes mélodies de Mac Quayle. La puissance de certains moments est folle, comme la fin de l'épisode 11 qui marque une bascule cauchemardesque illustrée par un écran devenu rouge, et un thème digne d'un film d'horreur.

Dans sa dernière ligne droite, la série ouvre les portes d'un nouvel univers, digne de Matrix, qui a toujours été une inspiration pour le créateur. Dans une pirouette vertigineuse, la série est propulsée dans un monde parallèle, où tout semble possible. Etre normal, être heureux, et même retrouver des proches disparus, comme pour redistribuer les cartes et rejouer sa vie. Fantasme ? Réalité virtuelle ? Création de Whiterose ? Lorsque la série avance sur cette ligne trouble, que la ville tremble face à ces événement contre-nature, ou qu'Elliot traverse des tableaux absurdes qui révèlent que tout ne peut que s'écrouler, elle est incroyablement forte et fascinante.

 

photo, Rami Malek, Christian SlaterLe marié de l'an devil

 

Le trouble est d'autant plus puissant que Sam Esmail déconstruit son monde pour bousculer le spectateur. La voix-off d'Elliot devient une présence intradiégétique, que son double entend et questionne. Et ce même spectateur sera par la suite pleinement intégré au récit dans une étrange séance de psychanalyse, pour le forcer à assumer son rôle privilégié et primordial dans l'histoire. Le "We know all about you" prononcé par Gloria Reuben, toujours parfaite, est un grand moment de vertige, qui maltraite le spectateur pour donner une dimension étourdissante à la série.

Seule déception : que cette énigmatique machine construite par Whiterose reste finalement très floue, et même un peu frustrante vu les pistes et théories autour. La garder dans l'ombre, livrée à l'imagination, est une belle idée, et un parti pris fort qui sert le propos. Mais les trois derniers épisodes sont si riches et passionnants, qu'ils donnaient envie de plonger encore plus loin dans ce puits étrange. Surtout après l'étrange et génial jeu vidéo laissé par Whiterose, sorte de caverne de Platon en 8 bit, qui ne fait que renforcer la sensation qu'une chose immense se trame.

 

photoNe me quitte pas

 

TOUT SUR MOI-MÊME

Sam Esmail avait bien expliqué que la révélation de la saison 1, sur le trouble de la personnalité du héros, n'était pas un twist à proprement parler : dans le scénario du long-métrage, c'était là dès l'acte 1. Mr. Robot aura trop souvent été réduit à un ersatz de Fight Club, mais a dévoilé son vrai visage dans cette saison 4.

Car tout ceci aura bien été une histoire humaine. Celle, terrible, d'un garçon violé par son père, qui aura érigé des remparts incroyables autour de lui pour survivre et avancer - quitte à se perdre en cours de route dans son propre fantasme, et emmener le public avec lui. Cette ultime saison est donc celle des adieux, où l'ordre est réétabli. Ainsi, le Elliot adopté par le spectateur n'était pas le héros, mais une création parmi les autres, et un reflet qui s'est pris pour l'original. Une arme de défense devenue un ogre - exactement comme Zhi Zhang et Whiterose, preuve encore une fois de la cohérence de la série. Lui, comme le spectateur, doit l'accepter, disparaître, et laisser place à la réalité.

Que cette lutte soit double (Elliot ne veut pas lâcher prise, le spectateur ne veut pas le quitter) rend cette conclusion bouleversante. "If I'm not the real Eliot, who am I ?". La destruction totale de tout cet univers (Elliot le héros, ce monde, cette quête... cette série sur un hacker prodigieux) est la condition à la renaissance véritable de ce garçon.

 

photoUne fin parfaite

 

Mr. Robot a toujours été l'histoire d'un frère et sa sœur, interprétés par les fantastiques Rami Malek et Carly Chaikin, trop souvent oubliée. Normal donc que la série revienne en boucle jusqu'à sa source, ramenant même Elliot dans la centrale nucléaire si importante dans leur enfance. Tout a commencé avec eux, et tout se terminera avec eux, une fois que presque tous les autres auront été tués, sacrifiés, écartés. Darlene n'aura cessé de sauver, suivre, et au final protéger son grand frère, en silence, et quitte à se perdre dans des labyrinthes de plus en plus sombres.

Que son beau et tendre regard referme la série, dans un ultime plan déchirant et quelques mots faussements anodins, est une merveilleuse note finale. Que le spectateur dise adieu à Mr. Robot sur cette image, est parfait : il doit à son tour s'effacer en silence, s'évanouir dans son siège (comme la famille Alderson dans la salle de cinéma, sur fond de M83), pour laisser la vraie vie reprendre. La sienne, et celle des héros de cette fabuleuse série, décidément l'une des plus belles, passionnantes et maîtrisées de ces dernières années.

Mr. Robot saison 4, (enfin) disponible en intégralité sur Amazon Prime

 

Affiche, Mr. Robot`

 

Résumé

La saison 4 de Mr. Robot est le bouquet final quasi parfait de l'extraordinaire série de Sam Esmail. La preuve que le créateur a toujours su où il allait avec son histoire vertigineuse, qui se conclut dans une tension et une émotion fantastiques. La preuve aussi qu'il est un scénariste et réalisateur de talent, à suivre de très près.

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Lecteurs

(4.3)

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commentaires
Xyhorr sCorphae
19/06/2022 à 20:40

"Mr. Robot" : Masterpiece.

J'en ai frissonné,
eu des poussées d'adrénaline
autant que toutes sortes de décharges émotionnelles incroyables,
quelques larmes à répétions.
Montagne russe du ressenti et de la réflexion. C'est un véritable chef d'œuvre, sur tant d'aspects.

La 4ème saison est extraordinaire.

L'histoire dans sa globalité est un pur chef d'œuvre.
Sam Esmail a su frapper fort, très fort. À en défoncer des barricades (n'est-ce pas), des portes blindées.

(Il y a quelques fautes d'orthographes en début d'article. Ainsi que deux répétions de phrases vraiment flagrantes. Ça m'a surpris.)

Néthéril
01/05/2022 à 00:53

Je me suis fait défoncer par ce final. J'ai avalé cette saison final en 2 jours.

D'une cohérence effroyable à cette tragédie qui n'est que le réveil suite au cauchemar d'un homme ayant façonné sa réalité.

Merci.

Hiukho
16/11/2021 à 13:22

C’est clairement une des meilleures série que j’ai vu depuis Breaking Bad.
Mais je comprends la déception de ceux qui voulaient voir une série sur le hacking ou un heist movie.
La série a une profondeur dans laquelle on tombe au fur et à mesure des épisodes sans avoir l’impression de superflu ou d’intrigue allongée superficiellement.

Elliot White
06/10/2021 à 13:57

Sûrement la meilleure fin de série que j'ai vu depuis Breaking bad.

Jeantranseine
25/09/2021 à 16:59

Je vous remercie pour ce très bel article.
J ai fermé les yeux la nuit dernière sur son final éblouissant. Série magistrale et époustouflante

Jeantranseine
25/09/2021 à 16:57

Je vous remercie pour ce très bel article.
J ai fermé yeux la nuit dernière sur son final éblouissant. Série magistrale et époustouflante

FabriceWeb
15/09/2021 à 23:57

Exceptionnel

realistic shrimp
08/09/2021 à 06:42

cette série est merdique, il faut bien l'admettre, un beau bonbon gout caca.
il n'y a que les prises de vue et l'esthetique qui est bonne, l'histoire est une pure merde.

price
03/09/2021 à 20:43

incroyable juste incroyable

Okcamarche
31/08/2021 à 14:15

La série manque de rythme et d'originalité, j'ai bien aimé les saisons 1&2 mais les deux dernières pas du tout avec des passages trop longs et puis dans la saisons 4 il ya deux épisodes dans la tête d'Elliot qui aurait pu être résumé en un seul et encore, la fin m'a plutôt déçu alors que je ne m'attendais a plus grand chose.

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