Critique : Sideways

La Rédaction | 8 février 2005
La Rédaction | 8 février 2005

En l'espace de trois films, Alexander Payne est arrivé au statut très envié de digne représentant d'une certaine idée du cinéma indépendant US (critiques et notamment américaines dithyrambiques à son sujet) tout en postulant avec force au prestige d'une reconnaissance académique (5 nominations majeures pour la prochaine cérémonie des Oscars). Un tour de force remarquable que Payne doit tout entier à sa capacité fascinante à dépeindre la vie et tout ce que l'humain peut avoir d'irritant et d'attachant. Si pour son précédent film, l'excellent Monsieur Schmidt, le cinéaste, né en 1961, avait démontré un sens de l'anticipation savoureuse en narrant la crise existentialiste de la soixantaine, Sideways lui permet d'être au coeœur d'une situation qu'il connaît (ou peut connaître) en plongeant ses deux protagonistes principaux dans les délicieux affres de la crise de la quarantaine.

 

Pour décrire les remises en question de Miles, écrivain raté ne se remettant pas de son divorce et son meilleur ami, Jack, acteur « has been » et séducteur invétéré sur le point de se marier, Alexander Payne use comme sur Monsieur Schmidt, d'une des figures de style les plus vieilles et les plus classiques du cinéma américain, le road movie. Mais pas n'importe quel road movie puisque Sideways nous invite à suivre les pérégrinations de nos deux acolytes le long de la route des vins en Californie, un itinéraire peu fréquenté par le cinéma (hormis dans le récent documentaire Mondovino) et qui apporte au film de Payne un ton presque rafraîchissant (et pas seulement à cause des incessantes dégustations de nos héros). Prenant son temps notamment en décrivant avec finalement beaucoup de lucidité et de subtilité l'amitié qui lie ses deux personnages principaux que tout oppose (physiquement et moralement), Payne dresse le portrait existentiel de bons vivants atteints du mal de vivre.

 

Moins cynique et désabusé que Monsieur Schmidt, Sideways laisse constamment apparaître l'espoir d'une vie meilleure. Si ses protagonistes ont bien du mal à le comprendre, les blessures d'une vie se cicatrisant forcément avec beaucoup d'amour et de confiance, chacune des séquences du film est imprégnée d'une judicieuse compassion sincère. Impliquant le spectateur de manière aussi subtile qu'évidente, ces vies brisées qui continuent à se battre, ce sont les nôtres, Payne transforme petit à petit un voyage à la mélancolie amère en un récit quasi initiatique. La renaissance d'un soi égaré dans la route insidieuse que peut être une vie.

 

Bouleversant de simplicité et de véracité, porté par des comédiens absolument géniaux (Paul Giamatti bien sûr mais aussi son compère, le désopilant Thomas Haden Church sans oublier la revenante Virginia Madsen qui le temps d'une scène, nous attendrit au plus profond de notre chair), Sideways respire la joie de vivre à tel point qu'on ressort de la salle enivré de bonheur. Tout simplement !

 

Matthieu Perrin et Laurent Pécha.

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