Critique : Vol 93

Flore Geffroy | 1 mai 2006
Flore Geffroy | 1 mai 2006

Comment mettre en images la tragédie des attentats du 11 septembre 2001, inscrits dans l'Histoire du monde et la mémoire collective ? Comment rendre hommage au courage des passagers du vol United 93, qui, pris en otages dans les airs, décidèrent de passer à l'action et de se défendre ? Comment ne pas trahir leur mémoire ? Comment, tout simplement, dire l'indicible et montrer l'impensable ?

Avec ce Vol 93, Paul Greengrass joue gros, tant les écueils semblent incontournables. D'abord, le sujet, casse-gueule au possible : cinq ans après l'effondrement des tours du World Trade Center, l'Amérique est en guerre, la menace terroriste toujours brandie et le traumatisme des attentats encore bien ancré. Ensuite, le public va-t-il suivre ? Veut-il encore (re)vivre jusqu'à la nausée ces terribles heures alors en direct ? Autant de questions dont les réponses sont loin d'aller de soi.

Si Paul Greengrass est plus connu pour La mort dans la peau, il est aussi celui à qui l'on doit Bloody Sunday, « petit » film bien ficelé, sorti en 2002, qui narrait comment l'armée britannique, en janvier 1972, avait tiré sur des civils irlandais à Derry, en Irlande du nord. Vol 93 s'inscrit dans la même veine de docu-fiction troublant de réalisme. La fiction se devait cette fois d'être plus forte que l'incroyable réalité et logiquement, on pouvait redouter la surenchère dans le pathos et l'émotion facile, voire un certain bavardage. Surprise. Tourné avec l'accord des familles des victimes du vol 93, le film suit un récit linéaire fidèle, s'appuyant sur des plans sans fioriture dont le côté brut accentue encore le réalisme. Souvent vacillantes, les images ont l'air sorties d'archives, qu'elles suivent le regard fixe de peur d'un des pirates de l'air ou l'explosion verbale d'un militaire impuissant à envoyer des avions intercepteurs. Il y a ces gestes glaçants de banale familiarité : l'embarquement des passagers, ce matin du 11 septembre qui balbutie, ce passager en retard. Tout est filmé à hauteur d'homme, à portée de main, au cœur de ce quotidien si près de la fin.

Bien sûr, on pourra arguer qu'il n'y a aucune mise en contexte – aurait-elle été utile ? –, pas de romance à la Hollywood, pas d'autres stars que les vrais contrôleurs aériens du jour funeste dans leur propre rôle. On pourra aussi avancer qu'on ne saura jamais avec certitude quels furent les derniers instants des passagers. Au fond, que s'est-il passé précisément à bord du 757 ? La réponse importe-t-elle ? Sobre, respectueux et en même temps coup de poing, le film dépasse l'anecdotique, se pose en thérapie brûlante et requise, rappel douloureux du basculement irréversible dans une nouvelle ère. Vol 93 est-il indispensable? À chacun d'amener sa réponse.

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