Critique : Beauty

La Rédaction | 12 octobre 2011
La Rédaction | 12 octobre 2011

1er avis :

Vaste sujet qu'est celui de la beauté. Une notion philosophique qui a fait couler plus d'encre que de raison. Dont la littérature s'est emparée maintes fois : Narcisse dans la mythologie grecque, Dorian Gray et son portrait. Sans oublier le cinéma, dont on choisira seulement de mentionner - assumant pleinement l'arbitraire - Théorème de Pier Paolo Pasolini pour une certaine proximité d'analyse avec le sujet. La folie que la beauté produit chez celui qui cherche à s'en saisir, les désirs érotiques qu'elle fait naître chez son observateur. Tout l'enjeu de Beauty (Skoonheid) repose sur les effets pervers d'un idéal physique et la violence qu'il induit. En étudiant la figure de François, un afrikaner de la classe moyenne, qui tombe désespérément amoureux du jeune Christian, fils d'un vieil ami de la famille, Oliver Hermanus libère la beauté de ses artifices romantiques pour construire le cadre d'une passion amoureuse perverse plongée dans la domination.

François, patriarche d'une famille des plus ordinaires, dissimule un penchant homosexuel dont il dégorge régulièrement les pulsions avec un groupe d'amis. D'apparence virile, ce chef d'entreprise fortuné perd le contrôle de ses sentiments devant Christian au mariage de sa fille. Abordant l'intrigue du point de vue de ce quinqua peu ragoûtant, le film décrit le glissement  progressif de l'attirance vers l'obsession. Il s'ouvre sur la fameuse cérémonie durant laquelle François aperçoit ce garçon, férocement séduisant, à l'aise en toute situation et - peut-être - un soupçon trop conscient de son pouvoir sur les autres. Le classicisme formel indéniable sert une sensation assez bouleversante de s'être déjà retrouvé dans cette situation où le regard est aimanté par la beauté. Capté. Les sens en alerte. Oliver Hermanus utilise son objectif pour nous saisir de cette expérience.

Le film maîtrise parfaitement son discours et dessine un anti-héros peu attendrissant mais limpide. Au-delà des tares du personnage, il est aisé de comprendre son ambivalence, gage de ses comportements de plus en plus inquiétants. Beauty touche une réalité universelle : la beauté éblouit et pervertit. Le seul recours de celui qui la désire - en vain - est alors de l'amocher. Une fable poignante sur la frustration devant cet obscur objet du désir.

Laure Beaudonnet

 

2ème avis :

Lorsqu'un homme, bien sous tout rapport, au fait de sa réussite sociale, qui dissimule du mieux qu'il peut son homosexualité, se retrouve bouleversé par un jeune éphèbe, lequel se trouve être son neveu, on a sous les yeux un sujet explosif. D'explosion, il en sera effectivement question dans le film de Oliver Hermanus, explosion du non-dit, du cadre familial, des sentiments. Explosion de violence également. Malheureusement ce canevas déraille très vite et sert un propos (involontairement ?) douteux.

Le film s'ouvre pourtant sur une très belle et délicate séquence de mariage, où le spectateur découvre à rebours qu'il est entré dans un univers plus retors qu'il n'y paraît, à travers les yeux d'un homme dont la normalité apparente est balayée par la tension qui exsude littéralement de ses pores. Cette entrée en matière est relevée par la mise en scène, faussement pompeuse, et réellement pesante, toujours très bien pensée lors des dialogues à double fond dont regorge le long-métrage. Pendant une dizaine de minutes, il est permis de croire que le propos de l'ensemble sera à la hauteur de cette ambiance savamment établie.

Ces espoirs sont écorchés une première fois par une scène qui se veut à la fois révélation et électrochoc, quant à la nature du personnage principal. Le metteur en scène s'y égare, et cède à des effets faciles, déjà vus, plus ouvertement vulgaires que choquants. Cette première sortie de route marque également les limites de la démarche de Hermanus, qui a recours au procédé de l'image dans l'image pour nous révéler un pictogramme qu'il n'a pas le courage de filmer en live, préférant en tapisser l'arrière plan dans un fourvoiement grossier.

Ce défaut indiscutable va s'amplifier et se répéter à chaque fois qu'est abordée la sexualité de l'anti-héros. Sans vous déflorer l'intrigue, sachez que in fine, le message, dont on ignore s'il est établi sciemment par son auteur, est que la pulsion amoureuse d'un homme homosexuel aboutit nécessairement à la violence (incestueuse qui plus est). En transformant son personnage en sociopathe, doublé d'un manipulateur sans pitié aucune, même pour les siens, le metteur en scène brouille son portrait d'homme en souffrance, sans réussir celui du dangereux prédateur qu'il esquisse à la va-vite.

On sort de Skooneid avec un profond sentiment de malaise, mais pas du tout celui voulu par Hermanus. Ce dernier cherche à se montrer plus malin que nous, en essayant de nous surprendre coûte que coûte, sans préserver son récit de départ, qui se dessèche sous nos yeux (un peu révulsés) pour laisser place à un salmigondis qui se veut finesse psychologique, quand il n'est que relecture glauquissime de l'affaire DSK.

Simon Riaux

Résumé

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