Critique : Hors Satan

Simon Riaux | 17 mai 2011
Simon Riaux | 17 mai 2011
Bruno Dumont, philosophe de formation, devenu cinéaste clivant avec sa déchirante Vie de Jésus, avait troublé une partie de son public avec Hadewijch. Le réalisateur persiste et signe dans la voie mystico-naturaliste, à laquelle Hors Satan apporte une pierre pour le moins déroutante. C'est que le réalisateur s'éloigne de plus en plus du cinéma consensuel, sans pour autant se rapprocher du cinéma tout court.

Les plans séquences auxquels il nous avait habitué ont quasiment disparu, remplacés par un montage qui colle beaucoup plus au « récit » tout en se ménageant de longues respirations. La volonté du metteur en scène de réussir de beaux plans est manifeste, si elle fait mouche à plusieurs reprises, elle est souvent trop voyante. Comme d'habitude, Dumont colle à ses non-acteurs, et parvient ici et là tirer quelques fulgurances de leur jeu pour le moins embarassant.

Si ce dispositif demande un temps d'adaptation, et pourrait finir par nous emporter, il est pulvérisé par le scénario et le propos de l'ensemble, qui peuvent, au mieux laisser circonspect, au pire déclencher un profond agacement. L'auteur donne l'impression énervante d'agiter sous nos yeux une série de masques et de colifichets auxquels il feint de s'intéresser (châtiment, exorcisme, miracles, danse de saint Gui...), puis de les mixer anarchiquement. Il ne reste plus alors au spectateur qu'à humer les exhalaisons pas franchement ragoûtantes de cette préparation.

Malgré toute l'affection que l'on peut porter au dispositif de mise en scène de Dumont, il est ici parfaitement inopérant, et ne fait jamais sens avec le background à mi-chemin entre le thriller et le fantastique. Si l'auteur parvenait à faire sens en proposant la démarche qu'on lui connaît dans un univers propre, dont il générait les codes et la mythologie, il se frotte ici à des genres qui ne souffrent pas d'être malmenés inconsidérément. Peut-être ne les prend-il pas par-dessus la jambe, toujours est-il qu'il se révèle incapable de les appréhender et/ou de les digérer.

On ressort d'autant plus exaspéré du film qu'il poursuit ce que l'on était tenté de qualifier d'expérimentation manquée, voire de sortie de route dans Hadewijch, à ceci près que sa posture est désormais tout à fait fermée sur elle-même, comme pour nous signifier que tout rejet ne pourrait relever que d'une incurie de notre part. Libre à chacun de décider s'il attend d'une oeuvre qu'elle le juge.

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