Critique : Les Nuits rouges du bourreau de Jade

Patrick Antona | 26 avril 2011
Patrick Antona | 26 avril 2011

Grands amoureux du cinéma asiatique devant l'Eternel, les duettistes et ex-journaliste, Laurent Courtiaud et Julien Carbon, ne pouvaient que trouver dans la réalisation le nécessaire prolongement à leur passion commune, en ayant déjà essuyé quelques plâtres en écrivant pour Johnnie To et Tsui Hark quand même. Coproduction franco-hongkongaise, Les Nuits rouges du bourreau de Jade (quel superbe titre) se présente sous la forme séduisante d'un thriller hitchcockien auquel on aurait ajouté les ingrédients nécessaires à toute Catégorie III chinoise, à savoir le gore et le sexe. Malgré un rythme assez lent et une intrigue-prétexte aux contours mal définis, cette première expérience arrive à sauver les meubles grâce à sa facture de conte horrifique pervers (et assumé !) et par la prestance de sa fabuleuse interprète principale, l'iconique Carrie Ng.

Car si le spectateur semble être destiné à suivre la fuite en avant de Catherine (Frédérique Bel en blonde glacée à la Grace Kelly), meurtrière par nécessité d'un ministre français corrompu qui va croiser la route de la dangereuse Carrie, créatrice de parfum et de supplices chinois ô combien élaborés, les deux auteurs brouillent assez vite les cartes pour qu'au final nous n'ayons plus d'yeux que pour la fatale asiatique aux lèvres carmins et goûts sexuels extrêmes. Sa sensualité flamboyante et sa suave dangerosité en font un des atouts premiers du film et donnent envie de se replonger dans le DVD de Naked Killer. Dans ce chassé-croisé alambiqué dont l'enjeu est un poison ancestral censé décupler les sensations, on retiendra plus les scènes de sadisme, baroques et somptueusement mises en scène, que les différents rebondissements qui tentent de faire le lien avec un scandale français renommé (l'affaire Christine Deviers-Joncour/Roland Dumas). Si l'inspiration tient autant de Georges Franju que du Jesus Franco de la bonne époque, l'exécution s'en trouve quelque peu affaiblit par une artificialité qui n'aide pas à s'intéresser aux destins des différents personnages, si ce n'est celui de Carrie Ng. Seul être qui paradoxalement apparait comme pur au milieu de ces requins âpres au gain, elle domine de la tête et des épaules ses partenaires, masculins et féminins, et en particulier Frédérique Bel, réduisant l'ambition initial d'un duel voulu comme passionnant et qui se révèle être quelque peu reléguer au second plan.

Voulant densifier leur propos, les auteurs incorporent quelques éléments exotiques intéressants, comme le parallèle avec l'opéra chinois « Les Griffes de Jade » (et son clin d'œil bienvenu au classique de la Shaw Brothers), ou plus cinéphiliques comme ces éclats de violence dignes de Johnnie To, mais c'est définitivement l'expression de cet érotisme oriental raffiné et phantasmé qui reste comme le plus abouti. Et d'admirer au passage quelques beautés dénudées comme celle de la sex-star nipponne Kotone Amamiya ou encore de la ravissante Carole Brana (A l'Aventure) dont les prestations en feront de possibles égéries du bondage !

Foncièrement imparfaite, cette tentative de fusion de genre totalement assumé par les deux cinéastes n'en demeure pas moins estimable, du fait de l'intensité de certaines séquences, et par cette  générosité à vouloir à en mettre plein la vue, quitte à perdre un peu de leur objectivité. Portant les stigmates de cette excessivité, Les Nuits rouges du bourreau de Jade se révèle cruellement réjouissant et singulier à défaut d'être complètement passionnant comme si l'écrin était finalement plus beau que le bijou qu'il était censé protégé.

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