Critique : I'm still here - the lost year of Joaquin Phoenix

Laurent Pécha | 12 juillet 2011
Laurent Pécha | 12 juillet 2011

 Lors de la présentation de I'm still here au dernier festival de Venise, Casey Affleck n'aura pas attendu longtemps pour taire la rumeur : son film est un fake, non pas un documentaire mais un mockumentary, mettant en scène un an de la vie de Joaquin Phoenix suite à l'annonce de sa retraite anticipée. Flash back. 2008, sortie de Two Lovers. Alors que James Gray et Gwyneth Paltrow écument les plateaux dans le cadre de la promotion du film, Joaquin Phoenix attira sur lui toutes les attentions en annonçant sa reconversion professionnelle. Désormais, il ne sera plus acteur mais rappeur, devenant dès lors la risée des internautes. Coup de folie ? Dépression ? Nervous breakdown ? C'est ce que tend à expliquer I'm still here, le long-métrage suivant le quotidien de l'acteur, dans son intimité la plus totale. Sans retenue, Affleck le filme ainsi sous toutes ses coutûres, souvent les moins glamour, du lit aux batailles de serviettes mouillées.

Si le réalisateur avait fait le choix d'entretenir sur le long terme le mystère sur la véracité de son film, I'm still here aurait pu être vu comme un authentique documentaire interrogeant les limites de ce genre cinématographique à part. Jusqu'où peut-on filmer quelqu'un ? A partir de quand tombons nous dans le voyeurisme ? Et surtout, que recherche le spectateur en allant voir ce film ? De manière plutôt pathétique, Casey Affleck dépeint ainsi la longue et lente dépression dans laquelle va peu à peu plonger son beau-frère, croyant dur comme fer en sa possible reconversion. Le film donnant presque en pâture le quotidien dépressif de l'acteur, souvent dans des situations très embarassantes. Le résultat est d'ailleurs déstabilisant, appuyant de manière douloureuse sur la détresse d'un homme ordinaire broyé par la cruelle machine médiatique...

Car là est l'objectif premier de I'm still here. En orchestrant l'annonce de cette retraite, Joaquin Phoenix et Casey Affleck ont avant tout créé un espace propice à la mise en place d'un pamphlet, interrogeant sur les relations malsaines qu'entretiennent vedettes, fans et médias. Provoquant le lynchage médiatique et critique de l'acteur et le désert affectif et professionnel qui en découla. A Hollywood, il n'est pas bon d'être un paria, Charlie Sheen le sait d'ailleurs mieux que quiconque. Dès lors, Casey Affleck n'hésite pas à user de ficelles narratives pas toujours très délicates, à commencer par la vision du sketch de Ben Stiller aux Oscars, singeant un Joaquin Phoenix barbu et hagard. Le jeune réalisateur en herbe décortique le processus médiatique, des interviews où l'on chasse le scoop à d'humiliantes séances photos. Comme un témoignage de l'intérieur des revers de la célébrité.

Quand le star system s'interroge sur ses propres dérives, voici donc I'm still here, faux documentaire plutôt original même s'il se mord la queue. Lui qui utilise un côté voyeur pour mieux critiquer les revers de la presse people alors que le succès du film repose sur l'attisement même de notre curiosité maladive. Comme si, tel un maître d'école, Casey Affleck prenait un malin plaisir à nous taper sur les doigts. Pour le reste, Joaquin Phoenix aura trouvé le rôle de sa vie. Ironiquement, le sien. (3,5/5)

Mélissa Blanco

 

 

CRITIQUE FAITE LORS DE LA PRESENTATION DU FILM A VENISE

 (la révélation de l'aspect bidonné du film n'avait pas été encore révélé)


Entre son contenu et sa véracité, le premier film de Casey Affleck était attendu à plus d'un titre. Il promettait de révéler un an dans la vie de Joaquin Phoenix suite à l'annonce de la retraite anticipée du comédien. Une bombe que l'acteur avait lâchée en novembre 2008 prétextant un ras le bol général et son désir de se lancer dans une carrière de chanteur de hip hop. Même si depuis, Phoenix s'en était tenu à ses dires, on se demandait bien quelle allait être la nature véritable du documentaire tourné par son beau-frère (Affleck étant le compagnon de la sœur de Joaquim, Summer). Le voile est désormais tombé et le contenu est une véritable bombe.

Si on occulte l'idée d'une « arnaque » sous la forme d'un coup monté des deux compères (ce serait alors le « faux » le plus impressionnant depuis qu'Orson Welles ait fait croire à la radio à ses compatriotes à une invasion extra-terrestre), on ne peut être que fasciné et ému par l'incroyable mise à nu de Joaquin Phoenix. I'm still here le montre sous son plus mauvais jour : barbu, enrobé, colérique, instable, sous drogue et obsédé par une carrière de chanteur auquel il est presque le seul à croire. Ne perdant pas une miette du triste spectacle, la caméra d'Affleck n'épargne jamais son sujet et au fil des minutes, l'amusement de la situation (la vie « over the top » d'une movie star avec quelques passages corsés comme la commande de putes ou la drague en soirée) s'efface devant l'aspect totalement pathétique d'un homme qui ne sait absolument plus où il est tout en pensant savoir où il va.

Obsédé à l'idée de rencontrer Puff Daddy en qui il voit LE sauveur, celui qui lancera sa carrière de musicien, Phoenix offre au film une demi-heure sidérante d'un homme aux abois auquel son entourage ne peut apporter aucun secours. A l'image d'une conclusion avec Puff en personne que n'aurait pas renié le Paul Thomas Anderson de Boogie Nights (en référence à Whalberg et Reilly présentant leur maquette persuadés d'avoir fait un tube), Joaquin Phoenix atteint à cet instant là du documentaire un point de non-retour qui bouleverse. On ne rit alors plus de lui et on oublie doucement son côté horripilant d'enfant gâté hollywoodien pour se rendre compte qu'on a face à nous un être humain en totale souffrance.

L'incroyable force de I'm still here, c'est de ne jamais censurer le moindre écart au point effectivement de se demander si cela n'est pas joué - certaines séquences sont tellement hallucinantes qu'on ne veut et peut presque pas y croire, à l'image de cette scène qui met fin à une amitié de plus de 15 ans. Mais Casey Affleck croit dur comme fer à son sujet, il sait que c'est en montrant l'homme touché littéralement le fond - et croyez-nous, Phoenix le fait allégrement - qu'il marque ses plus beaux points. L'amorce d'une remontée, en guise de conclusion, n'en est que plus magnifique. En voyant Joaquin Phoenix se reconnecter aux liens les plus intimes et essentielles de sa vie, le film se termine de la plus belle des façons. Avec de l'espoir et une admiration sans borne pour un mec hors normes qui sera allé jusqu'au bout de ses convictions les plus profondes pour tenter de redonner un sens à sa vie. (4,5/5)

Laurent Pécha

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(4.5)

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