Critique : Les Voyages de Gulliver

Simon Riaux | 22 février 2011
Simon Riaux | 22 février 2011
« Hey Jack, j'ai bien envie de réaliser un truc sur Gulliver, tu sais le mec qui débarque chez les liliputiens.

Ah pas con Rob ! Et on dit que je ferais l'explorateur. Y aura de la meuf ?

T'inquiètes, j'ai Émily Blunt en princesse, Amanda Peet pour te faire les yeux doux, et on peut prendre Jason Segel si tu fatigues.

Super ! J'arrive. »

Voilà en substance la discussion qu'auraient pu avoir avoir Rob Letterman et son acteur Jack Black lors de la mise en chantier des Voyages de Gulliver. Sachant que le comédien est parfois capable de porter des projets sur ses seules épaules jusqu'à en démultiplier les qualités objectives (Rock academy), il a probablement trouvé ici un défi à sa mesure. Reste à savoir si sa bonne volonté suffira à sauver le spectateur d'un projet paresseux et opportuniste.

A première vue, la relecture du roman de Swift à la sauce Jack Black offre de multiples perspectives de délires en tout genre. Le problème c'est que le film ne se soucie véritablement ni de son intrigue, ni de ses personnages, préférant ordonner le script en une suite de gags qui bouffent à tous les râteliers. Les enfants ont droit aux nains débiles, les adolescents-geek-téléphages (s'ils existent) ont une star de série célèbre (Jason Segel), les adultes se rassasieront des charmes d'Amanda Peet. Le tout est emballé avec un sens du moindre effort et une vulgarité crasse. « Oh le château des liliputiens brûle, vite ! Appelons Gulliver à la rescousse qu'il nous urine dessus ! » Après quelques séquences de cet acabit, l'embarras cède la place à la lassitude. On a d'ailleurs du mal à comprendre à qui s'adresse ces Voyages de Gulliver, qui ne choisissent jamais entre humour enfantin, gags potaches et blagues franchement grasses.

L'enthousiasme de Jack Black est bien là, mais il se heurte à plusieurs écueils. Si l'acteur fait ce qu'il peut pour sauver le film de la catastrophe, ses collègues s'en sont remis au dieu cacheton et ne semblent pas désireux de se fouler. Plus problématique, le scénario fait de Black un gros couillon qui ne manque jamais une occasion de ridiculiser et mépriser un peuple naïf et plein de bonne volonté. Cette dimension n'est pas tout à fait absente de l'oeuvre originale, mais elle prend ici des proportions discutables. Quel peut bien être le message d'un long-métrage qui nous montre un type pas très malin martyriser un peuple pour son bon plaisir, ce dernier n'ayant bientôt d'autre fonction que de protéger ses intérêts, et dont le happy end consacre son statut de « dominateur sympa. »

On aurait aimé passer un bon moment en compagnie de Gulliver, un plaisir de cinéma tout simple, enthousiasmant et un peu facile. Mais cet objectif pourtant humble n'est jamais atteint par le long-métrage, trop occupé à essayer de satisfaire un panel imaginaire de spectateurs. Résultat, un salmigondis indigeste, paresseux, qui méprise autant ses personnages que ses spectateurs.

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