Critique : Tomboy
Quelle petite fille n’a pas un jour rêvé d’être un
garçon ? Se mettre dans la peau de son contraire l'espace d'une journée. C’est autre chose
lorsqu’elle se prend véritablement au jeu, au point de s’inventer un nouveau
prénom. Laure a 10 ans et vient d’emménager dans une nouvelle ville avec ses
parents et sa petite sœur de cinq ans. En rencontrant Lisa, une habitante de
l’immeuble, elle décide de se faire passer pour Michaël. Elle se fait rapidement accepter
dans le groupe d’enfants du quartier, joue au football comme un garçon et séduit
même sa petite voisine. Rien de bien méchant jusque là. Mais
rapidement, son mensonge la rattrape et elle peine à sortir de
situations inextricables. Comment crapahuter dans le lac sans être découverte ?
Comment justifier de ne jamais ramener de copains à la maison ?
La trame n’est, certes, pas inédite. Elle fait terriblement
écho à Boys don’t cry, de Kimberly
Peirce où Hillary Swank allait jusqu’à se bander le torse pour dissimuler sa
poitrine et séduire Chloë Sévigny. Mais Céline Sciamma prouve encore une fois
ses dons pour dépeindre le monde des enfants, leurs ambivalences. Cette période
charnière extrêmement fragile où tout est à construire. Déjà, Naissance des pieuvres fascinait
pour son regard pudique sur l’émergence de la sexualité chez les jeunes
adolescentes et la découverte de certains tabous sociaux. Avec Tomboy, elle s’intéresse de nouveau à ces bouleversements chez un enfant de dix ans. Les interrogations
autour de la différence des sexes et les contraintes sociales associées.
Un sujet grave traité à hauteur d’enfant. On retombe dans
les jeux à la colin-maillard et autres « action ou vérité » et on se
prend à rire de leurs blagues juvéniles. Céline Sciamma manie à merveille l’art
de faire jouer les enfants. Pas une fausse note. Elle fait émerger leur
spontanéité naïve et on plonge volontiers de cet univers. Le thème
prend d’autant plus de relief qu’il n’est pas verbalisé. Jamais de mots ne sont
posés : ni homosexualité, ni même travestissement. Laure est-elle
traversée par une simple lubie ou son malaise est-il plus profond ? On ne
pourrait le dire et, finalement, au-delà des dénominations, on suit une
trajectoire singulière et émouvante.
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