Marvel : le comics érotique X-Men que vous ne connaissez pas (et tant mieux)

Lucas Jacqui | 31 mars 2022 - MAJ : 31/03/2022 14:18
Lucas Jacqui | 31 mars 2022 - MAJ : 31/03/2022 14:18

L'usine à histoires de Marvel a tout essayé, même le comics érotique avec X-Women. Une relique que tout le monde a oubliée.

En 2010 dans l’univers Marvel, Norman Osborn et ses Dark Avengers attaquent Asgard dans Siege, tandis que Daredevil est en train de sombrer en dirigeant la ligue d'assassins La Main dans Shadowland. C’est dans cette période de chaos que l’éditeur Marvel décide de sortir l’aventure pleine de super-héroïnes dénudées et perdues dans la jungle, X-Women, écrite par Chris Claremont et mise en image par l’illustrateur pornographique Milo Manara.

En effet, un jour, la Maison des Idées derrière Spider-Man, Captain America et Black Panther s’est dit que faire un comics érotique sur les X-Men serait une bonne idée. Ovni total pour l'éditeur, ce comics de 50 pages paraît impossible à une époque où Disney vient d'acquérir Marvel un an plus tôt et dont le MCU est en marche avec Iron Man 2 qui vient de sortir au cinéma. Pourtant, le voilà, X-Women (Jeunes filles en fuite en VF) ou quand Marvel fait des folies sans trop l'assumer.

 

Marvel : photoUne aventure où elles en bavent

 

Marvel Onlyfans

Alors que Rachel Summers, Rogue, Shadowcat, Storm et Psylocke sont en vacances en Grèce, Rachel est kidnappée ! Obligées de faire une croix sur les journées bronzette et les soirées à boire des mojitos, les mutantes partent sauver leur amie. Durant un combat où on nous détaille les pouvoirs de chacune, Kitty retrouve Rachel qui lui explique télépathiquement qu’il y a un méchant avec un plan de méchant, et se tire. Mais pour les X-Women restantes, la situation s'aggrave alors qu’elles sont frappées par un rayon sorti de nulle part permettant à la grande vilaine de ce one-shot, la Baronne Krieg et son décolleté plongeant, de désactiver les pouvoirs des héroïnes.

 

X-Women : comicsNues jusqu'à l'os

 

Les voilà sans capacités spéciales dans la jungle, puis un bateau, puis une tribu d’adorateurs des avions qui les attachent façon bondage. Autant de lieux qui prêtent à changer plusieurs fois de tenues, flirtant avec l'idée de ce que l’on s’attend à voir dans ces planches : des femmes dévêtues. Mais le scénario doit avancer et Shadowcat a une vision mentale projetée par Rachel, Emma Frost est aussi prisonnière ! Pendant ce temps, les X-Women font les ménagères dans le camp, Psylocke nourrit des cochons, Rogue fait le linge, tandis que le Chef fait les forceurs avec Storm pour en faire son esclave sexuelle (et qui va insister littéralement jusqu'à la dernière case).

Durant son repos, une Shadowcat en sueur découvre le plan de la Baronne au travers des yeux de Rachel. Krieg veut déclencher une guerre entre l’Inde et la Chine pour se faire de l’argent, bref une idée de vilain. Mais au camp du culte, on s'en fout ! Ce soir, c’est banquet donc nouvelles tenues ras l’abricot pour les filles. Mais les soldats de la Baronne débarquent, un combat s’ensuit au cours duquel le Chef révèle être un mutant capable de stopper les machines. Une aide que les héroïnes vont utiliser pour attaquer la Baronne Krieg et lui faire manger ses dents. Le monde est sauvé (sauf pour Emma Frost qui s'est cassé un ongle) et les vacances peuvent reprendre sans qu’aucun téton n’ait été dévoilé.

 

X-Women : comicsOn s'accroche à tout ce qui pend

 

Comics de situation

Pour que ce comics voit le jour, il a fallu un bel alignement de planètes. Marvel « voulait du matériel original pour le marché européen » expliquait Chris Claremont à ComicBookResources. Une façon d’étendre son lectorat et « d’établir un contact avec nos artistes européens en les introduisant au marché américain et aux personnages américains ». Faire un comics se voulant sexy est donc une preuve irréfutable que Marvel a parfaitement compris ce qui intéressait les jeunes lecteurs. Cette stratégie d’attirer le public d'Europe avait déjà conduit les papas de Sillage, Jean-David Morvan et Philippe Buchet, à raconter leur version de Wolverine dans Wolverine Saudade paru en 2006.

 

X-Women : comicsCours de flûtes

 

Pourtant la représentation des personnages féminins dans les comics a toujours fait polémique que ce soit par leurs designs aux formes plantureuses, leurs tenues sexy et leurs poses lascives comme dans leurs écritures. Elles ont souvent été réduites à des love interest, des ressorts dramatiques, ou des réécritures de héros masculins, traduisant un manque de soin apporté à ces héroïnes et aux lectrices depuis des années. Pourtant, Marvel va à fond dans son idée et édite X-Woman en partenariat avec Panini (l’éditeur des comics Marvel en Europe). Cette proposition artistique et ce plan marketing illustrent ainsi la plus grosse critique faite à ce média : l'instrumentalisation et la sur-sexualisation de la femme.

Et ce ne sont pas des petits joueurs qui sont sur le coup puisque Chris Claremont est à l’écriture, le légendaire scénariste des X-Men qui ressuscitera la série sur les mutants dans les années 80. Son talent est à l’origine de la saga du Phoenix, et de l’arc Days of Future Past, c’est aussi lui qui a créé les personnages de Rogue, Shadowcat et Mystique. Au dessin, c’est l’italien Milo Manara, célèbre pour ses BD érotiques et son trait unique faisant de lui l’un des rois de la bande dessinée italienne. Il fera plusieurs covers pour Marvel dont celle avec Spider-Woman qui avait fait polémique. Un duo aussi improbable qu'incroyable pour faire ce comics sulfureux façon puritanisme américain.

 

X-Women : comicsNotez le gars qui roupille

 

L'érotisme tout public

À la lecture de X-Women, on comprend vite que Marvel était frileux avec l’érotisme. Même si son scénario incohérent et cliché est un prétexte pour mettre les mutantes à moitié nues, il y a finalement peu à voir. Pourtant la moindre occasion est saisie par Manara pour faire apparaître un bout de fesse ou des tétons sous un t-shirt. Le one-shot a ainsi des airs de comics dessiné par un artiste qui tâte la limite, plus qu'un pro de la BD porno.

D'autant qu'on a déjà vu tout cela, et bien plus, dans des comics qui n’ont pas pour dessinateur un spécialiste de l'érotisme. Il suffit de regarder certains designs de Moondragon, Captain Marvel, She-Devil ou Goblin Queen pour en voir plus que dans X-Women.

 

X-Women : comicsLe "Non" comme les mutantes n'a plus de pouvoir

 

Comparés aux autres publications Marvel dont les héroïnes arborent des poitrines qui casseraient leurs dos excessivement courbés, les personnages de X-Women ont une anatomie réaliste. C'est le style de Manara qui veut son comics avec des femmes aux mensurations crédibles, même si ce sont toutes des mannequins. Le talentueux dessinateur italien joue plus sur la sensualité des courbes féminines que sur la représentation fantasmée de corps siliconés à la plastique improbable. Un érotisme qui fonctionnerait s'il n'était pas si timide. Manara ne peut cependant pas s'empêcher de mettre à ses super-héroïnes des bouches béantes dignes de poupées gonflables.

En fait, Manara semble continuellement coupé dans son élan. L’artiste met en scène les super-héroïnes dans des situations ou positions qui appellent une sexualité qui ne suit jamais. Tout s’arrête avant que ça n'aille trop loin, se contentant de poser la graine pour laisser les lecteurs imaginer la suite. Comme cette scène où Rogue découvre qu'elle peut toucher les autres sans les tuer en caressant la joue de Storm, une idée de tension sexuelle qui disparaît ensuite. Le comics joue avec les fantasmes des fans en assumant uniquement le fait d’être suggestif, mais jamais vraiment érotique.

 

X-Women : comicsLes Totally Spies ont encore gagné

 

Heureusement, l’histoire digne d'une autre époque ne rentre pas dans la chronologie X-Men, puisque le comics a été écrit en 2005, mais n’est sortie qu’en 2010. Bien des choses se sont passées entre-temps dans l’univers Marvel comme l’expliquait Chris Claremont :

« Storm est mariée. Rachel n’est plus dans l’équipe Uncanny. Kitty [Shadowcat] n’existe plus… du moins ce mois-ci. […]. Par la même occasion, quand j’ai écrit cette histoire, Jean était morte. »

De toute façon, un bon indice sur ce que vous trouverez dans le comics est sa classification : Rated T+, à savoir approprié pour les 13 ans et plus. Avec ses airs de mauvaise fan-fiction érotique de deuxième partie de soirée, X-Women n’est un comics ni culte ni de cul. Il permet juste de faire découvrir Milo Manara à un jeune public américain, le temps qu’il ait l’âge de piquer les autres œuvres du monsieur dans la bibliothèque paternelle.

Tout savoir sur Marvel

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Jbimbo
02/04/2022 à 23:58

"l'illustrateur pornographique Manara". Le racourci réducteur de la mort ! Dans ce genre de formule, il y aussi Franquin le dessinateur de gros nez et Clint Eastwood le cowboy.

Franken
01/04/2022 à 14:44

Ça aurait eu plus de gueule (et de fesses) avec Serpieri aux crayons !

JR
31/03/2022 à 21:15

@Kyke, no pb, c'était une suggestion, c'est assez cru, un côté Charles Burns version x (le côté sérigraphie). Mais le déclic est une BD que j'aime tellement, quelque part je suis heureux qu'il y ait aussi des articles qui parlent d'érotisme.

Birdy en slip
31/03/2022 à 20:23

Mais sinon, c'est normal qu'on voit quasi pas la différence entre les midinettes peu (dé)vêtues de Manara et les habituelles X girls des comics ?

Andarioch2
31/03/2022 à 18:46

@ Kyle
Rayon Manara il faut lire HP et Guiseppe Bergman, BD un rien surréaliste dans laquelle un clone d'Alain Delon se fait balader par Hugo Pratt (oui oui, le papa de Corto). Fouilli mais pas brouillon, c'est que du bonheur
Et pour le coup ce n'est pas du porno...

Kyle Reese
31/03/2022 à 17:24

En effet c'est assez timide. La planche ou les héroïnes sont prisonnières est sympa ...
Dans le genre BD érotique avec super-pouvoir particulier (si si ) pour rester dans le sujet je vous conseille Esmera de Vince et Zep. Une très belle aventure avec de très beau dessin.

@Birdy en noir

Je découvre Luis Royo, c'est joli j'aime bien.
Sinon Giger, m'a longtemps fasciné, mais c'est très spécial.


@JR

J'aime bien le style Manara avec très joli dessin de ses héroïnes, mais ne suis pas fana de ses compositions ni de ses histoires.
Par contre Bruce Morgan, désolé, pas mon truc, pas de style justement je trouve.

bipbip
31/03/2022 à 17:14

Qu'est-ce que c'est mauvais cette BD. ça vend du X-Women, mais c'est très éloigné. ça vend de l'érotisme avec Manara, mais y a vraiment pas de quoi titiller l'esprit.

Birdy en noir
31/03/2022 à 15:07

Autre génie absolu du dessin plus que limite : Luis Royo

Shame
31/03/2022 à 14:39

Quelle pudibonderie !

JR
31/03/2022 à 14:27

Pardon, quand je dis Manara, je pense au Parfum, le déclic...

Plus