We Only Find Them When They're Dead : le Moby Dick cosmique qui découpe les Dieux au laser

Simon Riaux | 7 juillet 2021 - MAJ : 07/07/2021 16:58
Simon Riaux | 7 juillet 2021 - MAJ : 07/07/2021 16:58

Avez-vous déjà découpé une divinité à la meuleuse galactique ? Alors le passionnant premier tome de We only find them when they're dead, publié ce 7 juillet par Hi Comics, devrait valoir le détour.

Au sein d'une production de comics, manga et bandes-dessinées foisonnantes, la science-fiction tient souvent le haut du pavé, rendant à chaque nouvelle publication la tâche de se différencier plus difficile. C'était sans compter sur deux créateurs rompus aux univers vastes, aux épopées cosmiques et aux personnages ravageurs, qui nous offrent ici le premier tome d'un récit dont on devine déjà la fantastique ampleur.

 

couverture françaiseLe 7 juillet chez Hi Comics

 

CECI EST MON CORPS

En l’an 2367, ce ne sont pas les dieux, mais bien l’humanité qui est tombée sur la tête. La galaxie, moissonnée des siècles durant par une humanité insatiable, se meurt, toutes les ressources disponibles ayant été consumées depuis longtemps. Toutes, sauf une ! Reste en effet les corps des anciens dieux, tous morts, mais susceptibles d’être découpés par des hordes de vaisseaux légistes en quête des précieux matériaux qui les composent. Le tout sous l’œil implacable d’autorités n’hésitant jamais à exécuter les pillards trop gourmands ou désireux d’abonder le marché noir. 

Dans ce système qui court à sa perte, le capitaine Georges Malik et ses trois membres d'équipage font de leur mieux pour survivre. Ils esquivent au quotidien les échauffourées létales avec une concurrence chaque jour plus fébrile, ainsi que la gâchette facile de l’agent Paula Richter, bras armé de cette corporation totalitariste. Mais Malik ne compte pas jouer éternellement les charognards célestes. Il veut échapper à sa condition en étant le premier homme à trouver, dans les confins du cosmos, un dieu vivant. 

 

photoUne bien grosse hostie

 

Avec un semblable point de départ, on se doute que le premier défi qui attend We only find them when they’re dead est d’ordre mythologique et narratif. Comment nous immerger dans un univers complexe, riche de quantité de symboles, doublé d’un arrière-plan solide, les personnages affrontant tous ici un contexte social lourd, ainsi qu’un passé... qui ne passe pas. 

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’art du découpage qui préside à l’oeuvre qui nous intéresse et son sens de l’économie en matière de dialogues font mouche dès les premières planches. L’alliance de Al Ewing, scénariste comptant parmi les forces vives de l’écurie Marvel, et du dessinateur Simone Di Meo, qui fourbit ses armes notamment du côté des Power Rangers, est instantanément singulière. Elle aboutit régulièrement à des effets de vertige, propres au 9e Art, assez renversants. 

 

photoPaula Richter, la force de l'ordre et l'ordre de la force

 

NON DE DIEU

Après une entrée en matière plutôt renversante, le premier tome de We only find them when they’re dead tient ses faramineuses promesses, en assumant totalement la charge symboliste de son récit, qui revient, en quelque sorte, à pousser la logique chrétienne, voire l’eschatologie catholique, dans ses derniers retranchements. En effet, comment ne pas penser à l’eucharistie devant les images sidérantes de nuées de vaisseaux découpant sauvagement les corps de christs oubliés pour mieux s’en repaître ? 

Pour autant, le premier opus, attendu dans les librairies le 7 juillet 2021, est bien loin d’être un pensum vaguement inspiré des mythologies religieuses, tant il s’intéresse également à un puissant héritage iconographique, venu de divers horizons. On est souvent saisis par l’à-propos avec lequel Ewing et Di Meo parviennent à convoquer une patte graphique qui évoque instantanément les grandes heures du dessinateur Jack Kirby.  

 

photoTartare divin

 

On se souvient combien ses planches, volontiers surréalistes, voire psychédéliques, installèrent Marvel au firmament de la création graphique américaine dans les années 60. Et si la logique du sinistre Galactus, entité titanesque dévoreuse de planètes, se voit ici retournée comme un gant, pour évoquer la gloutonnerie inextinguible de l’humanité. 

Couplée à une influence éminemment japonaise, déjà flagrante dans les précédents travaux de Di Meo, on obtient un tome introductif à la fois sophistiqué et sauvage. Ainsi, il est fréquent d’être happé par une case évoquant une relecture d’Albator, avant de ressentir soudain le délice de retrouver des couleurs ou un design issu de Zone of the Enders. La caractérisation brutale et iconique de Paula Richter renvoie efficacement aux joutes entre Nauman et Jehuty. 

 

photoAlbato-Kirby

 

GALAXY EXPRESS

Le scénario, enfin, est un modèle du genre pour ce qui est de la mise en place d’univers. Préférant toujours le sous-entendu, le ressenti procuré par la forme d’un habitacle ou la réplique ambiguë à de longs discours et phase d’exposition fastidieuse, l’intrigue se paie le luxe d’être à la fois extrêmement riche, évocatrice, et encore emprunte de mystère. Après ces quelques pages, il nous reste encore d’innombrables arcanes à explorer, le fonctionnement d’une société agonisante à découvrir, ainsi que les rouages d’un système politique à peine entrevu. De même, c’est avec une sobriété mêlée à d’excellents effets d’ellipses que l’histoire, et notamment le passé des protagonistes, se dévoile. 

Autant de réussites qui décuplent notre curiosité, mais aussi notre identification aux âmes malmenées par cette quête, qui n’est pas sans rappeler celle du Capitaine Achab de Melville, ou nous promettre une exploration spatiale voisine de celle d’Au cœur des ténèbres de Conrad. Autant de références pour le moment idéalement digérées, qui font attendre avec impatience que Hi Comics publie les prochains tomes de ce space opera ambitieux. 

Ceci est un article publié dans le cadre d'un partenariat. Mais c'est quoi un partenariat Ecran Large ?

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commentaires
Abibak
07/07/2021 à 21:44

Simone di meo comme a se faire une très bonne réputation.