Berserk : pourquoi le chef d'œuvre de Kentarō Miura sera éternel

Christophe Foltzer | 20 mai 2021 - MAJ : 20/05/2021 17:05
Christophe Foltzer | 20 mai 2021 - MAJ : 20/05/2021 17:05

Le grand Kentarō Miura est mort, et c'est l'occasion de revenir sur Berserk, son chef d'œuvre.

Dans la vie, il y a des œuvres qui nous marquent sans que l'on sache trop pourquoi au départ. Et puis, on y réfléchit, on s'y replonge et, petit à petit, on comprend ce qui nous attire, ce qui nous parle. Et puis, au-dessus de ces chefs-d’œuvre, il y a Berserk.

Alors que le grand Kentarō Miura vient de disparaître, à l'âge de 54 ans, il était indispensable, vital même, de revenir sur cette œuvre monstrueuse.

 

photoAnge(s) et démon(s)

 

FANTASY NOIRE

Berserk n'est assurément pas une saga comme les autres et, définitivement, aucun manga ne lui ressemble. Kentarō Miura a créé en 1989 une œuvre-somme d'une densité exceptionnelle, tant dans les thèmes qu'il aborde que dans les références qu'il convoque. Et après plus de 30 ans de parution, il convient de revenir sur ce summum de la dark fantasy.

Déjà, définissons le genre : contrairement à des œuvres de pure heroic-fantasy, la dark fantasy se distingue par son caractère éminemment pessimiste et désenchanté. Ici, peu de place est laissée à l'espoir et à la lumière, le monde est à bout de souffle, tout comme ses personnages, et l'apocalypse n'a jamais été aussi proche. Un sous-genre très adulte donc, qui fait la part belle à tout ce que l'homme contient de plus sombre et violent en lui, et qui pourrait être très mal interprété si on ne prend pas la peine de s'y intéresser.

Car, tel le diamant qui fait son nid dans le charbon, la dark fantasy est paradoxalement l'un des genres les plus gorgés d'espoir puisque, en nous présentant ce monde en déliquescence, les œuvres mettent généralement l'accent sur les efforts de leurs personnages pour survivre, s'en sortir, retrouver la lumière. Et Berserk n'y fait pas exception, même s'il emprunte de sacrés détours dans sa tête.

 

Photo BerserkBERSERK (c) KENTARO MIURA 1990/HAKUSENSHA, INC., TOKYO

 

BANDE À PART

Au début, il y a Guts, un jeune guerrier errant, un chien fou doté d'une gigantesque épée. Né d'une pendue, il part mal dans la vie et ses premières années le confirmeront puisqu'il est tour à tour vendu, martyrisé, violé, et que toutes les personnes qui semblent prendre soin de lui meurent les unes après les autres.

Guts n'a connu que la violence, la mort, la guerre. Il a été éduqué pour devenir une bête, et c'est ce qu'il est devenu. Jusqu'au jour où il croise le chemin de Griffith, éphèbe angélique à la tête de la Bande du Faucon, un ancien groupe de voleurs reconverti en mercenaires. Après un premier affrontement, la bête trouve son maitre, et Griffith "le veut".

 

Photo BerserkBERSERK (c) KENTARO MIURA 1990/HAKUSENSHA, INC., TOKYO

 

Intégré à la Bande du Faucon, il va progressivement en gravir les échelons, à mesure que le groupe vend ses services aux deux puissances en guerre dans un monde médiéval fantastique impitoyable. Devenu bras droit de Griffith, Guts se sent enfin chez lui et voue une admiration sans bornes à son maitre ; jusqu'à ce que ce dernier, doté d'une ambition dévorante, se fasse trahir par le Roi de Midland, qui l'enferme dans un cachot et le torture pendant une longue période, de laquelle il ressortira transformé.

Griffith, grâce à un artefact qu'il possède depuis son plus jeune âge (le Béhélit), entre en contact avec les puissances démoniaques supérieures pour effectuer un gigantesque sacrifice et afin de renaitre sous la forme de Femto, une figure quasi divine. Guts s'en sort, en y laissant un œil et une main, avec quelques rares chanceux, et, frappé du sceau du démon, il décide de se venger de son ancien allié dans un monde à nouveau plongé dans les ténèbres.

 

Photo BerserkBERSERK (c) KENTARO MIURA 1990/HAKUSENSHA, INC., TOKYO

 

GROSSE ÉPÉE ET PETIT ESPOIR

On le voit rien qu'à ce résumé qui schématise les 13 premiers tomes de la saga : Berserk n'est pas un manga à mettre entre toutes les mains. Ici, rien ne nous est épargné, et l'horreur arrive toujours à repousser les limites de notre imagination pour nous surprendre. Pourtant, et c'est évidemment l'une des grandes forces du manga, tout ceci n'est pas gratuit.

En effet, par ce biais, Kentarō Miura nous raconte une histoire profondément humaine, terriblement actuelle malgré tout, et qui s'attache à mettre en lumière ce que nous préférons laisser cacher dans les ténèbres. Doté d'un trait fantastique, minutieux et extrêmement travaillé (qui explique la parution aussi lente des différents tomes), Berserk nous happe dès sa première case ; et bien malin celui qui saura en décoder les mystères à l'issue du premier tome.

On pourrait le comparer à une version dark de One Piece par exemple, dans la mesure où Berserk nous propose un univers immensément riche et hypnotique, des personnages en apparence archétypaux, mais qui montrent rapidement leurs nuances, et un jeu de symboles mystérieux et envoûtants qui permettent à la série de ne jamais perdre de son intensité et de son intérêt.

 

Photo BerserkBERSERK (c) KENTARO MIURA 1990/HAKUSENSHA, INC., TOKYO

 

Miura, en bon esthète, a digéré à peu près toutes les références qui parlent à l'inconscient collectif en termes d'imageries horrifiques. Ainsi, on retrouve beaucoup de H.R. Giger (le papa d'Alien) dans ses décors apocalyptiques, tout autant que du Hellraiser dans le design de ses créatures supérieures. Et comment ne pas citer Phantom of the Paradise, dont le heaume de Griffith reprend le design exact du casque porté par l'infortuné héros du film de De Palma ?

Pourtant, il ne s'agit pas de citation gratuite, puisque tout a du sens. On y voit effectivement là une volonté manifeste de mettre en rapport différentes imageries cauchemardesques pour atteindre la forme représentative commune du mal la plus pure qui soit. Et ça fonctionne. Les abominations que Miura nous offre ont toujours cet aspect répulsif-attractif, cette zone de gris philosophique qui nous révulse sans pour autant nous empêcher d'en saisir la beauté macabre et envoûtante. De ce strict point de vue, Berserk est une éclatante réussite.

 

Photo BerserkBERSERK (c) KENTARO MIURA 1990/HAKUSENSHA, INC., TOKYO

 

NOIR ET BLANC (ET GRIS)

Mais on pourrait dire la même chose de son histoire, qui n'est jamais un prétexte, et n'hésite pas à nous mettre face à nos propres contradictions morales et philosophiques. Tout le génie de cette œuvre et de son auteur est d'avoir choisi la voie de l'ambiguïté. L'opposition animalité-civilisation, représentée par Guts et Griffith au début, se renverse de multiples fois ; et si Griffith s'impose, une fois qu'il est devenu Femto, comme la figure du mal par excellence, ses intentions, au fond, restent pures et nobles. Seule la méthode est discutable. Pareil pour Guts. Aveuglé par sa quête de vengeance, il se transforme en démon, persuadé qu'il doit faire le bien en tuant Femto, alors qu'il répand la mort.

Au milieu de ces deux antagonistes complémentaires et opposés, seule la pauvre Casca, capitaine de Griffith, amoureuse de son maitre puis de Guts, représente une alternative à laquelle on peut apposer un minimum de bon sens. Mais, ainsi en est-il de l'univers créé par Kentarō Miura. Le prix à payer est énorme, et conserver son humanité n'est possible qu'au prix de la folie et du danger constant de basculer à tout moment. Guts, lui, sera alors tiraillé entre son désir de vengeance et son besoin de protéger celle qu'il aime, perdu entre les deux, fatalement humain, malgré tout ce qu'il accomplit...

 

Photo BerserkBERSERK (c) KENTARO MIURA 1990/HAKUSENSHA, INC., TOKYO

 

Berserk n'est pas qu'un divertissement hardcore pour amateurs de sensations fortes (beaucoup de sang et de sexe, et souvent les deux en même temps) : c'est avant tout le point de vue d'un artiste sur le monde, qui approche sa lanterne des endroits qu'on ne veut pas regarder comme pour nous dire que de ne pas nous y intéresser, c'est leur laisser les pleins pouvoirs pour s'exprimer, avec toutes les conséquences désastreuses que cela signifie.

Quête initiatique macabre, roman d'aventure épique, histoire d'amour, fresque philosophique sur le besoin de pouvoir, les traumatismes, les regrets et notre rapport à l'univers... Berserk mérite bel et bien son titre de chef-d’œuvre absolu. Il est donc plus que jamais temps de s'y (re)plonger, en osant pousser les portes de ce monde de ténèbres pourtant si lumineux.

Tout savoir sur Berserk

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commentaires
dave
25/05/2021 à 07:05

Merci pour cet hommage, il va nous manquer mais il nous a laissé ce chef d'oeuvre..
Espérons que son assistant arrivera à le finir en respectant la trame du créateur..

Bichon40270
24/05/2021 à 12:09

Les pignoufs qui insultent, votre vie doit être de la merde. Quand on n'y connaît rien, on ferme sa gueule. Je crois qu'il n'y rien d'autre à dire.

Birdy en noir
23/05/2021 à 22:07

Ca s'appelle du troll, le mec a rien a dire, n'y connaît rien, et veut exister. 3 neurones quoi.

Diax
23/05/2021 à 08:22

Les deux zigotos qui osent traîter Berserk et Miura de merde, je pense que vous devez allez dans un hôpital psychiatrique pour vous faire diagnostiquer schizophrénie, comment ne pas qualifié Berserk de chef d'œuvre, vous ne pouvez pas le savoir dans le monde vous n'êtes que de simple larve, un manga qui a commencé bien avant votre naissance qui a suscité l'engouement du monde entier, dites moi quel Manga est au dessus de Berserk en terme de qualité d'écriture et de narration ?,vos Mangas à vous les deux zigotos ? Qui ne savent même pas dessiner une grenouille ou même une bite,un peu de respect pour un talent aussi unique sur celle de Miura, il a inspiré des films et des jeux comme les souls et Berserk, game of thrones et compagnie, et vous vous m'inspirer que le dégoût.

Rorov94M
22/05/2021 à 00:04

Manga de merde!
Auteur de merde!
Lecteur de merde!

Pat Rick
21/05/2021 à 20:24

Un excellent manga en effet, mais que je ne qualifierai pas de chef d'œuvre néanmoins.

Sire Griffon
21/05/2021 à 14:00

Un excellent article bel hommage au manga.
J'ai tant redouté ce jour, un des plus grands artistes de notre histoire nous a quittés, laissant à jamais son oeuvre inachevé.
Berserk, une fois de plus rentre dans la légende et les mémoires.
Merci pour cette histoire aussi macabre que merveilleuse et symbolique dont nous ne connaîtront jamais la fin malheureusement.
Puisses-tu reposer en paix Kentaro Miura et ton oeuvre suivre ta volonté.

Homme du nord
21/05/2021 à 12:19

Comme bien d'autres venant poster ici, ce manga m'a marqué.
Ce chef d'oeuvre sera peut-être éternel, mais surtout à jamais incomplet.
C'est ce que j'ai toujours redouté ; lorsque l'auteur a soudain ralentit de façon très drastique sa cadence sur ce manga (on passait au Japon d'un tome tous les 3-4 mois à 1 tome en 2-3 ans pour ainsi dire) et qu'il commençait en plus à parler de refaire les premiers albums, je craignais qu'il ne soit pris avant d'avoir fini son oeuvre.
Bon sang, c'est exactement ce qui est arrivé. Quelle perte, quelle frustration.
Si seulement il avait eu le projet de l'achever ce manga, qu'il en ait écrit la fin. Nous verrons bien. Mais l'inachèvement de Berserk est l'une des plus grande perte de l'histoire du manga.

adieu Miura sensei
21/05/2021 à 10:15

quel chef d'oeuvre intemporel, et surtout que de magnifique planches pensées et dessinées par un virtuose dans son domaine. Merci pour cet article qui rend hommage à l'un si ce n'est le plus grand monstre du Manga nommé Kentaro Miura.
Qu'il repose en paix et j'espere qu'il pourra me faire lire la suite et fin lorsque je le rejoindrai des limbes.

Free Papouasie
20/05/2021 à 21:56

Rorov94M
Ton commentaire reflète un niveau intellectuel extrêmement bas et plutôt minable.
Tu nous montre que parfois l'avortement est une nécessité, sa évite de se retrouver avec des gens comme toi

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