Wombs : le manga de science-fiction guerrier qui vous prendra aux tripes

Flavien Appavou | 11 mars 2021 - MAJ : 11/03/2021 14:18
Flavien Appavou | 11 mars 2021 - MAJ : 11/03/2021 14:18

Dans les dernières sorties d'Akata Éditions, la science-fiction d'auteurs figure en belle place. Autant de plongées dans les aspérités humaines, qui soulèvent pas mal de questions et dont Wombs fait partie. Bienvenue au coeur d'une guerre aux stratégies surprenantes et qui nous interroge sur la condition des femmes.

Nous voici en plein conflit sur la planète Jaspeira que des humains ont terraformé, les Firsts. Puis les Seconds sont arrivés pour en piller les ressources et déclarer la guerre aux premiers arrivants. Vingt ans plus tard, Mana Oga, jeune fille issue d'une famille d'agriculteur est réquisitionnée pour intégrer le corps militaire. Mais pas n'importe lequel, celui des "forces spéciales de transfert": une escouade capable de se téléporter soi-même ainsi que des objets et des humains les entourant.

Cette capacité spéciale ne peut être utilisée que par des femmes auxquelles on implante un fœtus parasite dans l'utérus. Celui-ci grandit et permet aux femmes d'accéder à des capacités spéciales, comme la téléportation ou la possibilité de se "connecter" entre elles. Mana Oga doit donc s'entrainer dur avec ses camarades pour intégrer cette unité dont les membres tiennent le destin de leur peuple dans leurs propres entrailles.

 

 Découvrez les premières pages de Wombs, en librairie dès le 11 mars 2021

Jaquette Tome 1, Yumiko Shirai

Création Altérée

Yumiko Shirai n'est pas à son coup d'essai, avec son trait mi-réaliste, mi-manga traditionnel et ce découpage flirtant avec la BD classique. Elle arrive à nous immerger dans le contexte social de Jaspeira en quelques coups de crayon, avec une assurance déconcertante. Pas étonnant que son manga ait été primé deux fois. En 2010 avec le prix d'encouragement Japan Média, puis en 2016 avec le Grand Prix Japonais de la Science-Fiction. Ce prix est attribué pour toutes les oeuvres de SF (tous formats confondus) et n'a honoré des mangas qu'à 2 reprises auparavant pour : Dômu, rêves d'enfants de Katsuhiro Ōtomo (Akira) - d'ailleurs, c'est un titre à lire - et Barbara Ikai de Moto Hagio, la reine du Shojo - dont la découverte est aussi vivement recommandée.

Wombs compte 5 volumes, prépubliés au Japon dans le magazine Montly Ikki, une revue d'avant-garde où les auteurs jouissent d'une grande liberté artistique. Après la disparition du magazine, Wombs s'est retrouvé sur le net et Yumiko Shirai a mis trois ans pour finir son titre. Et pour en fêter l'achèvement, elle reçut le prix de la science-fiction cité plus haut.

 

Planche 1, Yumiko Shirai

N'oubliez jamais de finir vos histoires

CONSCIENCE Planifiée

En prenant le temps dans son écriture et dans sa construction d'histoire, Yumiko Shirai dépeint un univers fictionnel en temps de guerre. En raison de celle-ci, les ressources deviennent limitées et chaque humain est utilisé comme outil utile à la nation. Les hommes comme "guerriers" et les femmes comme "mains d'œuvres" dans un premier temps. Et c'est à travers l'œil de son héroïne que se déroule l'histoire. Le regard précieux et captivant d'une jeune femme, oscillant avec une certaine naïveté puis ses questionnements  sur sa formation de nouvelle "force spéciale de transfert".

Tout au long de son processus d'évolution psychologique, mais aussi physique, Mana Oga nous montre l'ambiance militaire : l'entrainement, les facéties entre camarades, les brimades des hommes envers les femmes et enfin l'horreur de la guerre. Petit à petit son esprit se modifie au contact de ses camarades, suite à l'implantation de ce parasite qui changera à tout jamais sa vie. La jeune femme devient soldate et donne son corps entier à une cause qu'elle croit juste. Avec cette grossesse parasitaire, c'est aussi sa conscience et la nôtre qui devient modulable.

 

Planche 2, Yumiko Shirai

Comme sa conscience

 

Humanité questionnée

À travers le manga, Yumiko Shirai questionne l'être humain au plus profond de ses entrailles. Les femmes sont des forces vives dont l'humanité dépend. Utilisées au début comme chair à canon, la nouvelle génération change de cap et veut démontrer à ses pairs (aussi bien hommes que femmes) que les nouvelles forces vives sont bien des humaines et surtout qu'il y'en a de moins en moins. Cette "ressource" avant traitée comme des monstres par certains hommes, n'est plus que minoritaire. Mais la survie de l'espèce exige l'égalité de traitement, un combat mené avec âpreté par une nouvelle génération, soucieuse de ne pas reproduire les erreurs de celles qui l'a précédé. Le parallèle avec la réalité n'en n'est que plus criant. 

L'utilisation du parasite volontairement laissé en suspens dans le premier volume, laisse planer un gros doute sur l'éthique de cette méthode. Les femmes sont conditionnées à ne pas poser de question. Une fois les cycles terminés, certaines se refont inséminer et recommencent ainsi les cycles de transfert, le tout contrôlé par des nanos-machines. Le mangaka laisse volontiers le lecteur se poser la question sur la légitimité de cet acte peu humain dans son œuvre. Pour gagner une guerre, peut-on utiliser tout ce que nous avons en notre pouvoir quitte à ne plus avoir d'éthique ? Vous avez quatre heures. 

Planche 3, Yumiko Shirai

Conception relative

Entrailles éclairées

Yumiko Shirai utilise de grands ressorts de la science dans sa fiction, comme lorsqu'elle nous donne à comprendre les expérimentations, en abordant notamment leur dimension scientifique. Elle permet à son histoire d'être crédible aux yeux des lecteurs et d'en renforcer efficacement l'immersion. La téléportation ne se limite plus à une capacité ludique comme dans Jumper ou spectaculaire, lorsque Diablo en use chez les X-Men, Point de joker scénaristique ici, qui autoriserait les protagonistes à se projeter où bon leur semble d'un simple claquement de doigts. La conception est beaucoup plus réaliste et comporte des conséquences aussi bien sur le corps des transporteuses que sur leur environnement. La moindre erreur peut être fatale. Pour que notre cerveau puisse comprendre le fonctionnement de son univers, chaque élément est explicité dans les moindres détails.

Et ce n'est pas tout, graphiquement, Yumiko Shirai est d'une justesse impressionnante. On peut être un peu déstabilisé par son coup de crayon. Mais plus les pages se tournent, plus l'ancrage est millimétré, avec une judicieuse utilisation de la 3D et du numérique dans ses cases. L'univers est sombre, détaillé et parfois flou ou abscons, permettant de laisser le doute au lecteur sur ce qu'il a vu/lu. Les expressions dépeintes oscillent entre l'humour, le détachement et la profonde rigueur militaire. L'auteure s'amuse et joue avec nos sentiments comme avec ses personnages. On rit, on se questionne et on redevient sérieux. 

Wombs est un manga qui nous prends aux tripes, tant sur l'aspect graphique que sur ce qu'il dégage comme message. Avec 5 tomes déjà paru au Japon, la saga arrive en France avec la sortie du premier tome aux Éditions Akata. C'est un petit ovni éditorial dans le paysage de la science-fiction et du manga, profondément humaniste. 

 

photoCeci est un article publié dans le cadre d'un partenariat. Mais c'est quoi un partenariat Ecran Large ?

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commentaires
Doratien
11/03/2021 à 20:43

@RobinDesBois : la série a "juste" reçu le prix de meilleure oeuvre de science-fiction japonaise en 2016 (toutes catégories confondues). Donc bon… T'as aussi un article entier qui te dit que ça a l'air super bien, et tu te viens chialer parce que le personnage s'appelle "Mana". Sans commentaire… Et d'abord, est-ce qu'on sait si ça a une connotation particulière au Japon ? Bref…

RobinDesBois
11/03/2021 à 19:17

@Hasgarn tu as raison mais bon en 1990 Mana dans un rpg ça ne m'aurait pas fait rire mais en 2010 dans ce synopsis de manga ça me fait quand même sourire.

Hasgarn
11/03/2021 à 17:04

Justement, Aliens n’est en rien précurseur.
Avant ce film, il y a eu Alien, justement, et aussi : Star Trek, le jour ou la terre s’arrêta, 2001, Outland, la planète des Vampires (qui avait un titre bien moche et pourtant, c’est loin d’entre un mauvais film) et aussi, Stze Wars.

Ces films peuvent être pitchés de la même manière que Wombs, et si un nom comme Mana te fait rire, on peut aussi lister tous ces héros de film au nom si lambda ou complètement aux fraises. Parce que si Obi WAN Kenobi est entrer dans la légende, en 1977, c’était bien Z

RobinDesBois
11/03/2021 à 16:33

@hasgarn Les oeuvres que tu cites sont assez précurseurs dans leur genre. Mais peu importe, même si je n'avais pas vu Alien ton synopsis d'Alien aurait infiniment davantage suscité ma curiosité que celui d'un manga dont le personnage principal se prénomme "Mana". Je suis d'accord que le synopsis n'est qu'un point de départ et ne permet pas de juger ou d'estimer quoi que ce soit mais celui de Wombs ressemble à une parodie ou à celui d'une fan fiction. Peut être que ce manga est excellent mais ça donne vraiment pas envie.

Hasgarn
11/03/2021 à 15:37

@ Robin des Bois :

" Dans l'espace, un vaisseau dérive. Abordé, on y découvre une femme, endormie avec un chat. Cette femme a disparue depuis 70 ans et est responsable de la mort des passagers et de la destruction du vaisseau commercial qu'elle co-dirigeait. Après un procès ou son témoignage est moqué car elle explique que ses compagnons ont été décimé par une forme extraterrestre agressive, elle est recruté par l'armée pour aller sur la planète ou son équipage et elle, avait découvert l'extraterrestre car cette planète, colonisée depuis, ne donne plus signe de vie…".

C'est Aliens, au cas ou tu n'aurais pas saisi la finesse.

Ce que j'en conclus
- un synopsis n'est qu'un synopsis. Ça ne présage en rien de la qualité du film ou de la BD etc.
- c'est dans le vieux pots qu'on fait les meilleurs soupes.
- Si je veux voyager en lisant un bouquin, autant que le résumé envoie déjà du lourd.

Et si tu trouves que je pousse loin, je peux te résumer aussi salement Gunnm et Fullmetal Alchemist qui sont des mangas géniaux avec un point de départ un peu pété.

RobinDesBois
11/03/2021 à 15:10

"Mana Oga" qu'on me dise pas que l'auteur n'a pas utilisé un générateur de nom d'Heroic Fantasy !

RobinDesBois
11/03/2021 à 15:05

"Nous voici en plein conflit sur la planète Jaspeira que des humains ont terraformé, les Firsts. Puis les Seconds sont arrivés pour en piller les ressources et déclarer la guerre aux premiers arrivants. Vingt ans plus tard, Mana Oga, jeune fille issue d'une famille d'agriculteur est réquisitionnée pour intégrer le corps militaire. Mais pas n'importe lequel, celui des "forces spéciales de transfert": une escouade capable de se téléporter soi-même ainsi que des objets et des humains les entourant. "

Je dois avoir vieilli mais je trouve ce genre de synopsis ridicule et caricatural au possible. On dirait le synopsis d'une fan fiction médiocre pondue par un adolescent à la fin des années 90. J'ai l'impression que ça a été généré par un algorithme hyper basique. On a rentré les synopsis et les noms de personnages de plusieurs RPG, Shonnens et fans fictions des années 90 et 2000 dans une marmite, on a mélangé et y a cette substance fade qui en est ressortie.