Punisher : Soviet - critique qui sent la poudre et la vodka

Arnold Petit | 23 août 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Arnold Petit | 23 août 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après Crossed, Garth Ennis et Jacen Burrows reprennent du service pour Punisher : Soviet, un récit sanglant et introspectif dans lequel Frank Castle croise le chemin de son homologue soviétique et décide de l’aider à accomplir sa vengeance, disponible en France depuis le 12 août chez Panini.

WELCOME BACK, FRANK

Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous. Celui entre Garth Ennis et Frank Castle s'est déroulé en 1995, lors de Punisher Kills the Marvel Universe. Un comics dans lequel, comme son nom l'indique, le justicier élimine les personnages de l'univers Marvel les uns après les autres, le scénariste laissant déjà transparaître cette haine pour les super-héros qu'il déchaînera ensuite dans The Boys.

Plus tard, alors qu'il vient de boucler Hitman, un comics sur un vétéran de la Guerre du Golfe qui devient tueur à gages à Gotham, il reçoit la promesse de Joe Quesada qu'il pourra écrire sur le Punisher autant de temps qu'il le voudra s'il rejoint Marvel. Comment refuser ?

Comme il l’a fait avec John Constantine pour Hellblazer, Garth Ennis s'est emparé de Frank Castle et a redéfini le personnage. Avec cette réputation d'auteur pénétrant et de sale gosse insolent qu'il s'est bâtie de publication en publication, le scénariste a déversé sa noirceur dans le Punisher, mais lui a aussi amené de la profondeur.

 

photoToc, toc

 

Frank Castle reste cet anti-héros sans pitié qui traque les criminels pour les descendre, plus violent, plus cruel, mais aussi plus humain. Un homme qui trouve une raison d'être dans l'interminable guerre qu'il mène contre le crime et dont la mort de sa famille ne sert que de prétexte pour déchaîner la bête qui sommeillait en lui. Dans Punisher : Born, Frank ne devient pas le Punisher à cause du meurtre de ses proches, mais sous les balles du Vietnam, alors que son bataillon et lui étaient sur le point de mourir.

Après Punisher : La Section avec Goran Parlov, dans lequel il continuait son récit sur ses origines au milieu des champs de bataille vietnamiens, Garth Ennis revient à nouveau sur le personnage de Frank Castle avec Punisher : Soviet pour une histoire alimentée par le sang et la vengeance qui nous plonge au milieu des horreurs de la guerre et au fond de la noirceur de l’être humain.

 

photoUn symbole d'effroi pour ceux qui le croisent

 

C’ÉTAIT PAS SA GUERRE

Punisher : Soviet démarre avec Frank Castle debout devant les cadavres de plusieurs membres de la mafia russe. Des gangsters tués avec précision et efficacité… mais pas par lui. Alors que tout le monde semble le tenir responsable de différents assassinats dans le même genre, il décide de suivre les traces de ce mystérieux individu capable de vider un chargeur d’AK-47 dans une pièce remplie de criminels sans gaspiller une balle. Après un hangar explosé et quelques interrogatoires musclés, Frank tombe finalement sur Valery Stepanovich, un ancien soldat ayant combattu en Afghanistan, qui souhaite se venger de Konstantin Pronchenko, un caïd russe responsable de la mort de son unité dans une embuscade face aux moudjahidines.

Avec cette histoire somme toute assez classique, Garth Ennis est en terrain connu et délivre un scénario teinté d'action qui nous présente d’abord le Punisher comme cette implacable machine à tuer que redoutent tous les criminels. Un justicier prêt à employer des méthodes encore pires que ceux qu’il traque pour arriver à ses fins, comme menacer de dépecer un type qui lui résiste avec sa femme et sa fille à l’autre bout du téléphone.

 

photoNous avons les moyens de vous faire parler

 

En revanche, lorsqu’il se retrouve face à Valery Stepanovich, le Punisher lui fait suffisamment confiance pour le laisser se battre à ses côtés et écouter ce qu’il a à dire avant de décider de son sort. Pendant un moment, le justicier s’autorise à redevenir Frank Castle et son regard dévoile ce qu’il lui reste d’humanité en écoutant Valery se confier à propos de l’Afghanistan tout en partageant des nouilles à emporter sur le bord d’un quai.

Comme lui, cet ancien parachutiste de l’armée soviétique a connu la guerre et a été incapable d’oublier les horreurs auxquelles il avait assisté, même après son retour au pays ou la naissance de son enfant. Lui aussi a été utilisé comme chair à canon par des haut gradés corrompus qui étaient confortablement installés dans leur fauteuil en train de s’enrichir, pendant que leurs hommes se faisaient déchiqueter au nom du patriotisme. Le scénario bascule alors dans un genre que Garth Ennis affectionne et dans lequel il est passé maître : le récit de guerre, avec ses flingues, ses champs de bataille, son jargon tactique et ses guerriers armés de rien d’autre qu’un fusil et l’amour de leur drapeau, qu’il soit américain ou soviétique.

 

photoHistoires de guerre au clair de lune

 

BROTHERS IN ARMS

Plus qu’une histoire autour de Frank Castle, Punisher : Soviet est surtout l’occasion pour Garth Ennis de traiter de l’occupation soviétique en Afghanistan, sans perdre de vue les États-Unis pour autant. Comme Frank et son bataillon de marines, le capitaine russe et sa Cinquième Compagnie se sont retrouvés plongés dans un conflit futile et absurde, un monde régi par le manque de ressources, le chaos et la terreur, face à un ennemi invisible, où l’odeur de la mort est aussi étouffante que la chaleur du soleil.

Jacen Burrows réalise un excellent travail, notamment au niveau des visages, et illustre toute cette brutalité de manière crue et réaliste, de concert avec la narration, tandis que les couleurs de Nolan Woodard viennent dynamiser les scènes d’action avec un rose violacé qui se mélange à l'hémoglobine ou apportent un sentiment de nostalgie avec des tons jaunâtres lors des flashbacks en Afghanistan.

 

photoUn autre conflit, une même souffrance

 

Le passé de Valery agit comme un miroir tendu à Frank et à ce que les Américains ont affronté au Vietnam, mais aussi plus tard, sur ces mêmes terres afghanes. La guerre est exposée comme une expérience indicible que ne peuvent comprendre que ceux qu’ils l’ont vécue, quels que soient leur camp, leurs motivations ou le résultat. 

Néanmoins, même s’il lui ressemble à bien des égards, Valery n’est pas comme Frank. Le russe n’a pas abandonné son goût pour la vodka ou son sens de l’humour, il veut seulement tuer Konstantin Pronchenko pour sa trahison et essayer d’oublier le cri de ses amis écorchés vifs, succombant à leurs blessures sous ses yeux. Une vengeance que le justicier va l’aider à accomplir par compassion, voyant en lui ce qui se rapproche le plus d’un ami, ou tout du moins, d’un camarade.

 

photoLes fantômes du passé

 

Ce brillant récit, qui laisse un souvenir poignant de cette rencontre entre Frank Castle et son alter ego soviétique, ne sera pas le dernier de Garth Ennis autour du Punisher. En même temps que Punisher Soviet, le scénariste avait également annoncé un autre projet, Punisher : Get Fury,  initialement prévu pour cette année aux côtés de Goran Parlov, dans laquelle Frank Castle va très certainement croiser le chemin de Nick Fury, un personnage que l’auteur connaît plus que bien et auquel il a aussi témoigné toute son affection.

 

photo

Résumé

Punisher : Soviet n'est pas tant une histoire sur le Punisher que sur l’horreur de la guerre et les traumatismes qu’elle cause. Garth Ennis signe un excellent récit et impressionne encore une fois par sa maîtrise pour rendre hommage aux vétérans et insuffler une dose d’humanité à ce personnage dont il connaît toutes les nuances.

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commentaires
Akitrash
25/08/2020 à 09:53

Dans le genre, les horreurs de la guerre, vu cette fois du point de vue de trois chiens, et toujours écrit par Garth Ennis, Red Rover Charlie vaut son pesant de cacahuètes!

Rayan Montreal
23/08/2020 à 13:59

Dites vous que le Punisher appartient à Disney... ^^

Dirty Cop
23/08/2020 à 13:41

Étant un grand fan du Punisher et de Garth Ennis je ne peux qu'être d'accord avec vous sur cette critique, je vous remercie de mettre en valeur un personnage et un auteur bien trop méconnu à mon avis.

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