Le Seigneur des anneaux : Gollum - oui, c'est bien le pire jeu de l'année

Lino Cassinat | 2 juin 2023
Lino Cassinat | 2 juin 2023

Après des années de développement infernal sur fond de rachat du studio/éditeur Daedalic Entertainment (ce qui n’est jamais bon signe), suite à deux ans de reports, et précédé d’une réputation calamiteuse, Le Seigneur des anneaux : Gollum nous arrive entre les mains. Ne tournons pas autour de l'Anneau, c’est bien le naufrage industriel dont tout le monde parle, une alpha même pas digne d’une sortie technique qui a tout l’air d’avoir été balancée en catastrophe sur le marché par une société souhaitant enfin mettre à la chasse d’eau un boulet aussi collant que pesant. Et à 60€ la pièce, ça fait cher la grosse merde.

TRIPLE Z

S'il est désormais récurrent que des jeux vidéo sortent sans être totalement terminés (ce qui est déjà déplorable en soi), Gollum fait partie de ces titres, comme Cyberpunk 2077, qui dépassent les bornes. Sans tomber aussi bas que le jeu de CD Projekt RED à sortie, Gollum est cependant blindé de bugs et de défauts de programmation qui le rendent difficile à jouer. Si les problèmes de stabilité et de crashs logiciel semblent avoir été résolus pour de bon grâce à un patch ajouté le jour même de sa sortie, il reste néanmoins truffé de très handicapants drops de framerate, de délais de réponse dans les commandes, de clipping et autres improbables soucis de collisions.

 

Le Seigneur des anneaux : Gollum : photoOui c'est bien Gandalf, accompagné d'un Thranduil visiblement très défoncé

 

Ceci étant posé, même en se lançant dans un exercice de pensée et en imaginant que le jeu serait fluide, Gollum n'en serait pas moins graphiquement des décennies en retard. C'est une blague désormais éculée, mais cette fois-ci on ne rigole pas : Gollum est à peine digne d'une démo issue du Moyen-Âge des jeux vidéo et donnerait des cauchemars à la PS3 (repassez-vous Devil May Cry 4 ou Dead Space). Le jeu est juste d'une laideur rarement atteinte, en particulier en ce qui concerne la modélisation des personnages. Mais ce n'est pas tout, puisque les contrôles sont si hors d'âge et si mal branlés que Gollum serait qualifié d'office pour un épisode du Joueur du Grenier.

Bien qu'il soit capable d'accomplir d'improbables sauts ou de courir sur les murs comme le Prince de Perse (soupirs), la manipulation de Gollum est si lourde qu'on a l'impression d'être aux commandes d'un paquebot, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas idéal pour un jeu de plates-formes / infiltration / survie. De fait, de nombreuses acrobaties pourtant simples ou ne requérant la pression que d'un seul bouton s'avèrent hasardeuses, voire impossibles à réussir du premier coup. Pire encore, pour peu que vous vous débrouilliez vraiment mal, il est possible de se retrouver softlock, quelque chose d'impensable en 2023.

 

Le Seigneur des anneaux : Gollum : photoDites-vous que là le jeu est à son maximum de performances

 

Mais le plus choquant dans toute cette histoire, c'est que Gollum ne manque pas que de finitions : il lui manque carrément des images tout court, confirmant que le produit vendu à l'heure actuelle n'est qu'une version alpha. Certaines actions ne sont pas animées, tandis que d'autres sont systématiquement renvoyées au hors-champ, en particulier les explosions. Mais c'est sans doute tant mieux quelque part, puisque les ventilateurs de la console sont déjà eux-mêmes parés à un décollage pour la Lune au moindre chargement d'élément un tant soit peu conséquent. Chargement qui vous donnera largement le temps de mourir de vieillesse soit dit en passant.

 

Le Seigneur des anneaux : Gollum : photoAu moins la scène avec la Nazgûls est réussie

 

TAULARD GEAR

Comme on est sympas, on pourrait néanmoins essayer de se livrer à un deuxième exercice de pensée : même en imaginant que le jeu tourne et qu'il soit techniquement à la hauteur, Gollum n'en serait pas moins un jeu impossible à recommander à cause de son essence. Car si les graphismes ont 20 ans de retard, son gameplay en a presque 30. En tout cas, proposer un contenu aussi pauvre que cela en matière d'infiltration alors que Metal Gear Solid premier du nom est sorti il y a plusieurs décennies est tout simplement honteux.

Et encore, sans aller chercher si loin et pour reprendre un contexte d'heroic fantasy avec un personnage ultra-vulnérable incapable de tuer ses adversaires (donc plus proche de Gollum que de Solid Snake), on ne saurait que trop vous conseiller de jouer à Styx : Master of Shadows, ou à l'excellent Ghost of a Tale – actuellement trois fois moins cher sur Steam, pour 3000 fois plus d'amusement. Gollum n'a en effet aucune imagination et ne vous propose tout simplement que de vous cacher dans le noir ou les hautes herbes, de lancer des cailloux pour distraire des gardes trépanés et d'étrangler certains d'entre eux, pourvu qu'ils n'aient pas de casque (sachant qu'une couronne de plumes elfiques compte).

 

Le Seigneur des anneaux : Gollum : photoMême selon les standards orques, ceux de ce jeu sont immondes

 

Ce n'est donc pas la Montagne du Destin qu'il vous faudra grimper, mais la montagne de l'ennui. Passé un court premier niveau tutoriel parvenant à faire illusion, Gollum se transforme en corvée, au sens propre comme au sens figuré. Enfermé dans la forteresse de Sauron et prisonnier de son camp de travail, votre mission consistera à... mettre les cochons à l'enclos et recenser les cadavres des morts. C'est à peine si on ne vous demande pas en plus de faire la vaisselle et récurer les chiottes. On est loin de Prison Break, et plus proche de Taulard Simulator édition Mordor. Quelques mécaniques viendront essayer d'épicer le tout, mais qu'il s'agisse d'une poursuite en char ou du système de karma, c'est du vu et revu.

On serait pourtant tentés de reconnaître une certaine grandeur dans les level designs, très verticaux, et un petit fumet "à l'ancienne" dans leur résolution (absence de mode parkour, chemin unique prédéterminé...). Cependant, il n'y a rien à explorer (sauf si vous tenez à chasser les objets de collection qui ne servent à rien), les cinq premiers niveaux sont juste à vomir de laideur et si ce n'est pour le contexte du Seigneur des Anneaux et quelques arrière-plans joliment travaillés, autant ressortir Prince of Persia : L'Âme du guerrier ou Tomb Raider : La Révélation finale du placard. Courir, sauter, nager, grimper, ramper, c'est tout. Pour nous, ce sera plutôt emballer, peser, désinstaller, décéder.

 

Le Seigneur des anneaux : Gollum : photoFinis-moi pitié

 

sméagogol

Comme on est vraiment super sympas, on pourrait faire un troisième exercice de pensée (misère) : même en imaginant que Gollum soit graphiquement viable et que son gameplay soit plus profond qu'une partie de jeu de dames, on se retrouverait à nouveau toujours bien en peine de le recommander (à fortiori pour 60€, voire 70€ si vous voulez les doublages en Sindarin, car oui Daedalic a mis un paywall à la langue elfique). La faute à une histoire beaucoup trop rudimentaire, et qui en plus échoue sur toute la ligne à saisir les enjeux de son personnage principal.

Le concept sur le papier était pourtant très intéressant, pour ne pas dire impossible à rater. Mettre en vedette le personnage le plus ambigu et le plus isolé de l'œuvre de Tolkien, à la fois le plus rejeté et le plus traqué, se prêtait magnifiquement bien à un jeu d'infiltration à embranchements multiples. En se focalisant en plus sur un épisode documenté de la vie du Hobbit corrompu, mais jamais raconté précisément par son auteur, il y avait toute latitude pour s'exprimer créativement – en témoignent d'ailleurs quelques jeux sur l'imagerie des camps de concentration, qui est thématiquement pertinente – et explorer de nouvelles facettes de ce personnage ô combien moralement complexe.

 

Le Seigneur des anneaux : Gollum : photoAu moins le doublage de Gollum est très bien fait

  

Et on reconnaîtra que le jeu fait cela... ou plutôt qu'il tente de le faire, avec des trouvailles toutes plus embarrassantes les unes que les autres. On ne reviendra pas en détail sur le système gentil Sméagol / méchant Gollum ; tout au plus affirmera-t-on qu'il est beaucoup trop simpliste et que provoquer la mort ou sauver tel ou tel PNJ sorti du chapeau n'a aucun impact sur l'intrigue et les conduit quoi qu'il en soit à quitter l'histoire. Ce qui embarrasse vraiment, c'est la manière dont s'y prend Daedalic pour faire surgir l'étincelle d'humanité de Gollum.

 

Le Seigneur des anneaux : Gollum : photoMais bouffe le ton Roucool bon sang

 

Cela aurait pu (aurait dû) donner de superbes scènes, d'autant plus qu'à ce moment là du récit, Gollum est plus perverti et obsédé par l'Anneau que jamais. Aussi, c'est avec désœuvrement et exaspération que l'on reçoit cette quête où il faut élever un petit zozio trop mignon. Pendant quelques heures, Gollum se transforme en dresseur Pokémon et aide à mettre au monde un Piafabec tout crotté au cours d'une mission consistant à faire éclore un œuf. Un compagnon malheureusement intégré au gameplay, puisqu'il vous sera fort utile pour attraper des objets en hauteur. Quelle inventivité, et surtout, quel contresens : il est loin le temps où Gollum arrachait la tête d'un poisson vivant à coup de dents.

Le Seigneur des anneaux : Gollum est disponible depuis le 25 mais 2023 sur PS5, Xbox Series et PC. Ce test a été réalisé sur PS5.

 

Le Seigneur des anneaux : Gollum : photo

Résumé

Un carambolage si total et si déprimant qu'il n'arrive pas à déclencher la petite satisfaction morbide du badaud qui ralentit devant l'amas de taule froissée sur la bande d'arrêt d'urgence. Avec 35 sur Metacritic, Le Seigneur des anneaux : Gollum est le pire jeu de 2023 pour le moment, derrière Forspoken et Redfall, et à notre avis, il devrait bien rester le pire jeu de l’année.

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Lecteurs

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commentaires
Morcar
04/09/2023 à 15:24

Je viens de me le prendre sur PS5 d'occasion à 25 €, et j'ai fini les deux premiers chapitres sur 10. Si j'admet que techniquement le jeu est daté (les décors sont laids - mais l'univers de cet endroit de la Terre du milieu n'aide pas- la gestion de la caméra est parfois compliquée et la direction également), pour qui appréciera de découvrir cette partie de l'histoire de Gollum, ça reste plaisant.
Je comprends tout à fait que qui aura mis 60 € dans le jeu sera en colère. Mais personnellement, pour 25 € ça me va très bien. J'admets cependant que s'il s'était s'agit d'un jeu n'ayant aucune référence à cet univers que j'aime beaucoup, j'aurais passé mon chemin.

Geoffrey Crété - Rédaction
05/06/2023 à 10:49

@jacksparrow

J'ai du mal à vous répondre tellement votre attaque est absurde, mais si besoin : on peut jouer à un jeu, se faire son propre avis... et regarder les avis des autres. Je sais, c'est fou, on n'arrête pas le progrès.

OMG
03/06/2023 à 16:49

C'est vrai que dans l'univers de Tolkien, le choix des personnages a incarner est plutôt limité

Harajuku
03/06/2023 à 09:19

Aïe ça pique : même si c'est justifié ^^'

Sammaan
02/06/2023 à 21:32

@jacksparrow t'as pris le temps de lire la critique ? Visiblement, non. Ils se servent de metacritic pour illustrer leur opinion, visiblement bien justifiée, de cet accident industriel de grande échelle.

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