Test Stray : coup de griffe en plein cœur pour le petit chat d’Annapurna

Antoine Desrues | 25 juillet 2022 - MAJ : 25/07/2022 16:21
Antoine Desrues | 25 juillet 2022 - MAJ : 25/07/2022 16:21

Dès la première apparition de son félin de synthèse dans une bande-annonce énigmatique, Stray a su attiser la curiosité des gamers à travers le monde. Il faut dire qu’en faisant incarner au joueur un chat dans un univers cyberpunk, Annapurna Interactive n’a pas eu de mal à concevoir le potentiel de cette proposition étonnante, qu’on doit au studio français indépendant BlueTwelve. Et le pari est à la hauteur de l’attente.

Annapurina One

De What Remains of Edith Finch à The Artful Escape en passant par l’indispensable Kentucky Route Zero, Annapurna Interactive s’est imposé en quelques années comme l’un des éditeurs les plus passionnants du monde du jeu vidéo. Au-delà de savoir accompagner des projets extrêmement variés, il y a dans la politique de l’entreprise l’envie sincère d’aborder le jeu indépendant comme un terrain d’expérimentation. Le résultat final peut tout aussi bien être un pétard mouillé qu’un pur chef-d'œuvre ; l’important, c’est d’essayer.

Néanmoins, avec son expérience, Annapurna sait désormais choisir mieux que personne ses poulains, en particulier lorsque ceux-ci ont pour eux un high-concept facilement marketable. À vrai dire, c’est un peu ce qui pouvait faire peur avec Stray. Si son ambiance et sa direction artistique ne laissaient aucun doute sur la qualité du travail des Montpelliérains de BlueTwelve Studio, il n’empêche que le titre aurait pu n’être qu’un objet hype, voire cynique. En additionnant l’animal le plus populaire d’Internet et un monde de science-fiction, l'équation ne pouvait que convaincre.

 

Stray : photoKO par forfait : chef-d'oeuvre

 

Fort heureusement, Stray est bien plus que cet agrégat algorithmique. Mieux, il prouve très vite qu’il veut nous raconter quelque chose au travers de son choix peu commun de protagoniste. Alors que le jeu vidéo a atteint un savoir-faire technologique qui permet de nous faire incarner des personnages toujours plus surpuissants, bourrés de pouvoirs et de capacités de déplacements hallucinantes, la nouvelle génération de consoles (et de créateurs) semble ressentir la nécessité de la simplicité. Paradoxalement, maintenant que le jeu vidéo peut tout faire, il est essentiel de revenir à la base du médium.

Or, dès son intrigante introduction, Stray n’y va pas par quatre chemins. Le petit chat roux qui nous sert d’avatar peut juste faire ce qu’on attend de lui : miauler, bouger, et sauter avec une certaine agilité. En bref, le gameplay du jeu est réduit à une poignée de boutons, si ce n’est pour quelques activités alternatives (comme la possibilité de se faire les griffes sur les surfaces adaptées) dont il nous est constamment rappelé la futilité.

 

Stray : photoUn jeu qu'il est beau

 

Félin pour l'autre

Pourtant, il n’en faut pas plus pour emporter l’adhésion. Au-delà de sa recréation très détaillée du comportement de nos amis à poils, BlueTwelve fait de son adorable chat un personnage d’autant plus précieux qu’il n’occupe qu’une part réduite de l’écran. L’échelle du titre n’en semble que plus imposante, surtout lorsque notre pauvre petit animal rate un saut, et tombe dans un profond souterrain. Nous voilà alors dans une étrange ville fantôme peuplée de robots, dont il s'agit de résoudre les nombreux mystères pour espérer en réchapper.

À partir de là, Stray prend la forme d’un jeu d’exploration teinté de plateformes et d’énigmes, porté par le grandiose de son level-design enveloppant. D’aucuns pourraient regretter le manque global de difficulté du titre, mais là n’est pas l’enjeu. Au contraire même, BlueTwelve fonde l’entièreté de son expérience sur sa fluidité, qui oblige le joueur à prêter attention aux moindres détails de son univers cyberpunk débordant de vie alors que paradoxalement, il n'est peuplé que d’êtres synthétiques.

 

Stray : photoStray Outta Compton

 

Après tout, Stray ne nous fait pas incarner un personnage humain, mais bien un animal dénué de parole. En se tenant à cette idée, les développeurs engendrent une fascinante interaction entre le joueur et son avatar. Telle une réaction chimique inévitable, le jeu provoque un fascinant anthropomorphisme, tandis qu’on projette nos pensées et nos émotions sur le corps du chat.

Pour autant, les robots qui peuplent ce monde désolé répondent à cette même problématique. Au fur et à mesure de l’aventure, on les voit reprendre à leur compte des actions purement humaines, quand bien même ils n’en ont a priori pas besoin (manger, aller aux toilettes, etc.). C’est là que Stray se déploie réellement, pour devenir un jeu envoûtant à la recherche d’une trace d’humanité restante.

 

Stray : photo"Et pour la demoiselle... un verre de lait"

 

Miaou, Death & Robots

Les yeux innocents de notre boule de poils encapsulent la mélancolie de ce monde entièrement manufacturé, à tel point que le level-design possède une sublime dimension méta. Que reste-t-il de nos créations après notre disparition ? Que signifient-elles sans ceux qui leur ont donné du sens ? Au-delà de la beauté sidérante d’un reflet de néon dans une flaque d’eau (les effets de lumière sont particulièrement réussis sur PS5), ou la tendre nostalgie de cartes postales accrochées aux murs, Stray amène son héros à embrasser cet univers comme une nouvelle nature, parce qu’il n’y a pas d’autre alternative. Voilà l’héritage laissé par notre espèce à celles qui ont su survivre : avoir gâché à tout jamais le paysage pour pallier notre manque de considération de l’environnement.

Le propos écologique du titre frappe ainsi en plein cœur, justement parce que son récit le transmet toujours par ses visuels et son gameplay. Petit à petit, l’exploration de Stray prend même une tournure horrifique inattendue, alors qu’un parasite (les Zurks, là encore créés par mégarde par les humains) menace l’intégrité physique de notre compagnon à quatre pattes. L’occasion d’ailleurs de préciser que mourir dans Stray fait bien plus de peine que dans n’importe quel Soulsborne. On passe son temps à craindre les rares phases d’action, et à vouloir protéger coûte que coûte notre petit chat.

 

Stray : photoIl ne peut y avoir qu'un personnage super mignon ici

 

Ce niveau d’engagement du joueur s’accorde alors avec une certaine fatalité du jeu. Face à la difficulté de survivre dans cet univers hostile fondé par les humains, le titre oblige les espèces à évoluer. Dans Stray, cela passe par B-12, un petit drone qui accompagne notre personnage pour traduire la langue des robots environnants et lui donner quelques coups de main en matière de piratage. Bien entendu, cet ajout est une possibilité en or pour renouveler le gameplay au fil de l’aventure, ramassée sur six heures qu’on aurait aimées encore plus longues.

Mais ce transhumanisme (ou ce transchatmanisme ?) a quelque chose de tragique, dans le sens où l’on y voit une humanité, ou du moins une extension de l’humanité, tenter de subsister, de s’imposer sur une autre espèce, incapable de lâcher prise. BlueTwelve a d’ailleurs l’intelligence d’en jouer sur les rares collectibles du titre, qui sont pour une grande majorité des souvenirs d’un temps révolu, alors que B-12 tente de sauvegarder une empreinte de l’Homme.

Oubliez donc le simple simulateur de chat. Stray est une expérience à nul autre pareil sur le vide et l'absence, qui sait utiliser avec malice son irrésistible personnage comme porte d’entrée vers un univers de jeu vidéo d'une beauté toute poétique. Par son seul world-building, proprement dément, on tient là l’une des propositions les plus singulières et passionnantes de l’année.

Stray est disponible depuis le 19 juillet 2022 sur PS5, PS4 et PC

 

Stray : affiche

Résumé

Qui a dit que les chats domineraient un jour le monde ? Avec Stray, ils viennent en tout cas de se donner une place de choix dans le domaine du jeu vidéo. Un ronron de bonheur. 

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commentaires
Mokuren
26/07/2022 à 12:36

Ça m'a l'air très miaou ce jeu ! Je m'y mets quand je serai (enfin) en vacances !

Momo
26/07/2022 à 10:28

Un peu du même avis qu'en dessous, le petit robot qui nous accompagne brise un peu l'immersion comme si il falliat un proxy pour communiquer avec le chat.. Du coup cela pu etre n'importe qui.. les interactions étant réduit au strict minimum étant donné que tout est indiqué..

L'animation et l'univers sont tres bien fait, mais parler de chef d'oeuvre non

Zapan
25/07/2022 à 23:45

Mon seul soucis est le plus gros problème de ce jeu?
Pourquoi?
Pourquoi incarner un chat lorsque le gameplay demontre qu'un manchot albinos aurait eu le même résultat.
Pourquoi un décor futuriste? Pourquoi le sidekick secondaire qui vampirise tout le récit?
L'excitation de depart quand a prendre controle du felin disparait aussitôt lorsqu'on comprend que c'est futile, que ca na paw vraiment de sens à part "chat/cyberpunk".

Le problème c'est que les développeurs oublient complètement leur personnage pour mettre en avant leur histoire environnemental et le récit du scientifique robot ex humain... sérieux on s'en ballec.

Fini et déjà oublié. Tout comme Trek to Yomi. Quel tristesse...

Kyle Reese
25/07/2022 à 23:19

Trop beau pour ne pas y jouer. Et puis le mix chat + robot + univers cyberpunk, c’est trop tentant.

delcatrcon
25/07/2022 à 22:38

déjà culte

cat suni
25/07/2022 à 19:44

Je viens de le finir (2*3h plus ou moins)

plutot pas mal, tres agréable, un potentiel de dingue, sous exploité. (notre arme ne sert qu'a une seul phase de gamplay) tout ce travail pour si court...; c'est presque frustrant

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