The Evil Within 2 : un cauchemar à la Silent Hill bien plus réussi que le premier jeu

Geoffrey Crété | 1 novembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 1 novembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Silent Hill semble bel et bien perdue dans les brumes depuis l'annulation de Silent HillsResident Evil se recherche une identité avec un Resident Evil 7 aux allures de renaissance, mais quelque chose se passe : The Evil Within. Trois ans après un intéressant premier épisode bourré d'idées sous forme de promesse alléchante, The Evil Within 2 débarque, disponible sur Playstation 4, Xbox One et PC depuis le vendredi 13 octobre. Test de cette suite, sur Playstation 4.

RESIDENT EVIL WITHIN 

The Evil Within a été un événement en 2014 pour au moins une raison : le jeu a été conçu par Shinji Mikami, père de Resident Evil qui a dirigé le premier épisode et géré les suites, avant de quitter Capcom après le quatrième. Il va fonder son propre studio en 2010, Tango Gameworks, et relancer une machine de l'horreur avec The Evil Within qui, à bien des égards, porte en lui l'ambition de créer une franchise.

Arrive donc The Evil Within 2, où Mikami passe la main pour superviser et produire la bête. La formule reste à peu de choses près la même : Sebastian Castellanos replonge dans l'horreur virtuelle de STEM, la machine à cauchemar de la société Mobius capable d'unifier des esprits autour d'un cerveau. Sauf que cette fois-ci, il y va de lui-même, pour une raison précise : sauver sa fille Lily, évoquée dans le premier opus et censée être morte.

 

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Sebastian Castellanos à la recherche de sa fille

 

MON PÈRE, CE HÉROS

Cette fois, c'est donc très personnel pour Castellanos. La nuance est énorme : The Evil Within 2 a une clarté dramatique qui tranche avec le premier épisode. The Evil Within avait des airs de gigantesque compilation horrifique, composée d'une foule de vignettes pour aborder le genre sous tous les angles, mais la suite a une ligne plus pure, plus forte, qui offre à l'aventure une cohérence thématique plus satisfaisante.

Moins de courses pour échapper à des pièges sanglants, moins de tics visuels pour habiller le décor, moins de démonstrations un peu gratuites : The Evil Within 2 semble moins occupé à séduire à tout prix de manière presque hystérique, et plus intéressé par raconter une histoire et transmettre une émotion. La trajectoire du héros prend ainsi une couleur bien plus envoûtante et mélancolique à mesure qu'il est rattrapé par son passé, ses peurs intimes et ses angoisses de père et mari.

Le titre The Evil Within prend alors un sens particulier, plus fort et profond. Et c'est d'autant plus percutant que l'aventure change en cours de route, révélant la véritable nature de l'histoire à la moitié du jeu pour offrir de nouveaux enjeux. Une construction efficace, qui empêche la partie de se transformer en tunnel horrifique classique et prévisible.

 

  

SILENT WITHIN

Impossible de nier que Silent Hill est une source d'inspiration immense. Née en 1999, la saga de Konami n'a plus donné signe de vie depuis 2012 avec DownpourSilent Hills ayant été annulé en 2015. Le champ est donc libre pour rassembler les fans de cette horreur viscérale, et The Evil Within en reprend les motifs. C'est particulièrement évident dans la suite, qui tourne autour d'un père à la recherche de sa fille censée être morte, laquelle est devenue le moteur d'un cauchemar centré sur une petite ville transformée en enfer. Sebastian trouve même des routes coupées qui laissent place à des abîmes, une radio qui grésille et le leader d'un culte.

The Evil Within 2 marche dans les pas de Silent Hill pour en capter la noblesse et la puissance, dans le fond comme dans la forme. C'est en grande partie réussi : la plongée dans Union et ses méandres est d'une beauté saisissante, avec beaucoup d'images folles et de décors sensationnels, tordus par la folie de l'imagination. Les œuvres du photographe dérangé Stephano Valentini offrent des visions hallucinées de corps suspendus et de sang en apesanteur, jouant sur cette fascinante confusion entre le beau et le monstrueux. 

 

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 Les crimes de Valentini : des visions hallucinées

 

SIN CITY

En plaçant la ville d'Union, coupée en plusieurs parties qui flottent dans le vide, au centre de l'aventure, The Evil Within 2 offre non seulement des images vertiginineuses mais casse en plus la dynamique linéaire du premier épisode. Ces phases dans un monde semi-ouvert où le joueur a la liberté d'explorer des maisons et ruelles, ou de foncer vers son objectif en délaissant des objets et donc des combats, apportent une excellente énergie à l'aventure. 

De quoi réserver également quelques surprises : il suffira de venir se cacher dans une maison pour échapper à des monstres ou explorer un couloir qui avait l'air d'être le chemin obligatoire pour se retrouver emporté dans une parenthèse cauchemardesque inattendue autour d'un fantôme terrifiant et invincible.

 

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Union, ou le fantôme de Silent Hill 

 

Le découpage entre ces zones ouvertes et les séquences scriptées est bien géré, et donne un rythme très satisfaisant au jeu avec des ruptures de rythme parfois étonnantes et donc, irrésistibles. Passer d'une ville fantasmagorique surveillée par un gigantesque œil à des caves médiévales en passant par les incontournables forêts embrumées et laboratoires secrets, sans oublier la fameuse zone appelée Moelle qui relie les quartiers de la ville, offre une variété de décors et ambiances particulièrement intéressantes.

Et si The Evil Within 2 en a moins dans le ventre niveau variété des environnements, des combats et des monstres (une douzaine d'heures pour le terminer, et quelques unes en plus pour trouver tous les objets), c'est pour servir une narration plus maîtrisée, au service d'une atmosphère plus solide.

 

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Une ambiance soignée, avec un jeu de couleurs parfois saisissant

 

SUBTIL WITHIN

Ce désir de raconter une histoire plus profonde se heurte néanmoins à un mur au fil des heures. The Evil Within 2 brasse des thématiques passionnantes comme la culpabilité et l'abandon, mais ne cesse de les surligner et expliciter, jusqu'à transformer la moindre émotion en niaiserie digne d'un film hollywoodien qui a peur du moindre doute chez son spectateur.

D'où une somme de cinématiques de plus en plus gênantes, où les personnages déballent leurs sentiments avec des phrases pré-fabriquées plus amusantes que touchantes. Qu'un trophée "libéré, délivré" s'affiche à l'écran après que Sebastian ait fait la paix avec lui-même, suite à une résolution qui donne lieu à un monologue irréaliste, appuie ce sentiment de grossièreté.

Là encore, la comparaison avec Silent Hill est inévitable. La culpabilité des héros, liée à une fille ou une femme, y était un puissant moteur dramatique parce que la subtilité était centrale, laissant un espace immersif au joueur pour penser et prendre part à la chose. Là où James Sunderland affrontait des montres incarnant sa culpabilité terrible dans Silent Hill 2The Evil Within 2 s'oblige à mettre en scène de manière beaucoup trop claire son histoire, comme par peur qu'un joueur n'en saisisse pas les enjeux. Une volonté logique d'un point de vue commercial mais problématique au niveau artistique, le jeu soufflant le chaud et le froid entre des tableaux d'une profondeur fascinante et des scènes plus  simplistes.

 

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Cette faiblesse, qui abîme une dernière partie visuellement ébouriffante (avec notamment ce désert blanchâtre aperçu lors de la promo du jeu), s'accompagne des scories habituelles du genre. A commencer par des personnages secondaires sous-exploités, que le jeu refuse de laisser exister. Les différents alliés rencontrés par Sebastian dans Union passent et trépassent sans avoir pris la peine de compter véritablement aux yeux du joueur, malgré des efforts évidents pour leur offrir des personnalités distinctes.

Lors du climax, The Evil Within 2 sort du cadre d'Union pour varier le point de vue et créer un suspense digne d'un film : l'idée est bonne, mais se révèle plus frustrante qu'excitante à cause d'un gameplay et d'une mécanique très pauvres, qui donnent à ces courtes scènes des allures de cinématiques améliorées, où le joueur n'a qu'une place très limitée.

 

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PLAISIR DES ENFERS

The Evil Within 2 a donc des défauts plus ou moins attendus, qui l'empêchent d'aller au bout de ses ambitions et gagner une dimension émotionnelle qui en aurait fait un jeu plus grand. C'est une facette susceptible de décevoir, mais qui n'enlève rien au caractère hautement réjouissant de l'aventure.

Moins éparpillée et bancale que le premier épisode, cette suite reste ainsi une réussite capable d'offrir aux amateurs la dose de frissons et surprises étourdissantes attendue. Le design sonore, le level design et le soin apporté aux couleurs, aux effets de lumière et aux décors, qui regorgent de détails lugubes, créent un beau cauchemar. De l'inoubliable Ghost Lady qui chantonne pour mieux terrifier aux tentacules blancs, des têtes qui explosent dans le théâtre à l'œil du Mal dans une belle séquence qui rappelle celles de l'épouvantail dans Batman : Arkham Asylum, d'un hommage à Twin Peaks à une séquence en hommage au premier épisode, The Evil Within 2 a de solides arguments. 

Ce que le jeu n'a pas en originalité ou inventivité pure, il le rattrape en efficacité et générosité. En retravaillant plusieurs aspects moyennement convaincants du premier opus, comme le format scope uniquement disponible en option une fois le jeu terminé ici, Bethesda a façonné un cauchemar plus solide, plus pur, et plus à même de satisfaire l'amateur de sensations fortes dont le cœur balance entre Resident Evil et Silent Hill.

 

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Résumé

Moins grandiloquent et féroce que le premier, The Evil Within gagne en maturité et cohérence dans sa suite. Et si le jeu manque de subtilité et de profondeur, surtout comparé à Silent Hill qui reste une inspiration évidente, le cauchemar est d'une efficacité redoutable et d'une beauté souvent sensationnelle.

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Lecteurs

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commentaires
oscar
20/10/2017 à 11:32

Tout a fait daccord avec vous
Bien que je nai pas écore terminé le jeu

kysero
20/10/2017 à 10:44

@Kouak


oui une bonne trentaine de fois déjà... mais ça c'est l' Alzheimer je crois :)

Kouak
20/10/2017 à 09:33

Ça y est !
Je les ai pris...
T'ain ! T'as raison, ça fait du bien...
Mais au fait...
T'ai-je demandé si ta grand-mère faisait du vélo sur un tonneau ?

kysero
20/10/2017 à 00:49

@Kouak

va prendre tes cachets et arrête de râler au moins une heure par semaine ça te (nous) fera du bien

altar
20/10/2017 à 00:45

très bonne critique que je partage

Geoffrey Crété - Rédaction
19/10/2017 à 11:21

@Kouak

Aucun rapport : ce test était programmé, vous imaginez bien qu'il ne vient pas d'être écrit et publié dans la foulée. La partie news et la partie dossiers/critiques/etc sont deux choses distinctes.

Kouak
19/10/2017 à 11:16

Bonjour GC...
Danielle Darrieux passe après un jeu vidéo ?
What the fuck ??
Ou alors vous prenez le soin d'écrire sa bio...(j'aime pas le mot nécrologie)
(⌐▨_▨)
Parce-qu il y a matière...

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