GTA V : une véritable date dans l'évolution de l'industrie vidéo-ludique

Simon Riaux | 4 octobre 2013
Simon Riaux | 4 octobre 2013

Il aura fallu à peine quinze ans pour que le vilain canard pixelisé se transforme en blockbuster impérial. De bombinette provoc, la franchise Grand Theft Auto a désormais totalement achevé et réussi sa mue en un monstre vidéo-ludique ; cette cinquième itération en est la preuve indiscutable. Croulant sous les superlatifs, « plus grand jeu de tous les temps », « soft le plus cher de l'histoire », « plus importante équipe jamais réunie », « open world le plus riche jamais conçu », GTA V doit relever un double défi de taille : continuer de tirer la saga vers le haut tout en faisant table rase d'une concurrence de plus en plus présente. Inutile de tortiller du croupion, ces deux épreuves, Rockstar les a remportées haut la main. Si l'on évitera de bombarder le jeu de qualificatifs démesurés et emphatiques, reste à comprendre ce qui fait de Grand Theft Auto une vertigineuse expérience, non dénuée de défauts, mais dont la richesse et l'intelligence stupéfient à chaque instant.

Qualité présente dès les origines de la série, son écriture atteint ici une forme de perfection formelle et narrative qui en font un précipité explosif aussi instable que spectaculaire. Les dialogues ont toujours été gratinés dans GTA (on se souvient encore du « Je sue comme un curé dans une cour d'école » de Liberty City Stories), nappés d'un humour insolent et gras. Ils atteignent cette fois un niveau supérieur, qui leur permet de tutoyer constamment leurs cousins cinématographiques. Ce gain qualitatif est le fait de la grande idée du jeu, qui est également sa principale innovation. Le joueur n'incarnera ici plus un, mais bien trois malfrats, aux personnalités marquées et marquantes. Non seulement cette base de gameplay apporte une formidable variété, permet d'arpenter l'univers de San Andreas de différentes manières, de réserver à chaque protagoniste une attitude bien particulière, selon le rapport que l'on entretient avec lui, mais elle apporte surtout un rythme beaucoup plus soutenu lors des très nombreuses missions communes aux trois affreux.

 

Ces derniers ne sont pas seulement des pieds nickelés à la gouaille scabreuse, car Rockstar a pensé en profondeur la psyché et les interactions de ses trois sociopathes. Ainsi, la triplette de San Andreas se compose de deux forts caractères, symbolisant chacun le joueur lui-même, ainsi que d'un troisième, plus neutre et nuancé, qui leur permettra de s'articuler harmonieusement. Ou pas. Le joueur pourra donc alterner entre Michael, qui comme lui depuis GTA IV, a raccroché depuis quelques années et s'ennuie ferme dans sa vie de citoyen modèle. Michael a réussi. Michael est libre. Michael ne tue plus. Mais Michael n'attend qu'un prétexte pour ressortir les flingues et se remettre aux braquages, art dont il demeure l'un des maîtres incontestés. Il ne tardera pas à rencontrer Franklin, jeune black que la culture gangsta laisse froid, tandis qu'il rêve d'appréhender le crime en professionnel, pour gagner sa vie, pas forger sa réputation. Ce couple atypique et touchant sera pulvérisé par l'un des meilleurs personnages de fiction que l'on ait croisé sur un écran depuis longtemps : le purulent Trevor Philips. Camé et cramé, social, psychotique, pervers narcissique total, Trevor est l'incarnation totale du joueur moyen de Grand Theft Auto.

 


Comprenez par là qu'il ne voit aucun inconvénient à écraser les piétons, tirer en pleine rue sur des innocents, voler, violer et détruire à tout bout de champ. En personnifiant ainsi le comportement classique du joueur, en donnant corps aux actes qu'il commet manette en main, Rockstar nous assène deux gifles magistrales dans les valseuses. Premièrement, le joueur se voit interrogé sur sa propre pratique du soft, obligé de se demander si finalement cela l'amuse tant que ça de massacrer ses prochains, condamné à assister de la plus concrète des manières aux conséquences de ses propres acquis ludiques, on en vient à se demander si jouer, c'est vraiment tuer. Une dynamique d'autant plus remarquable qu'elle ne s'accompagne d'aucune censure (c'est même le contraire) ou d'aucune restriction en terme de liberté d'action. La deuxième baffe est de nature plus évidente, mais pas moins puissante : c'est celle de la jouissance pure. En effet, on n'avait encore jamais pu incarner un personnage aussi éminemment déviant, aussi implacablement cruel et pourtant irrémédiablement touchant. Car tout monstre sadique que soit Trevor, en dépit de ses penchants avérés pour le meurtre d'automobilistes ou la promiscuité forcée, il demeure le seul membre de notre trio de héros à agir sincèrement. Autre choc pour le joueur, et défi d'écriture relevé pour Rockstar, faire de sa création la plus immédiatement repoussante son avatar le plus humain.

Le bond qualitatif constaté dans le domaine de l'écriture des personnages se retrouve dans la conception de l'univers. En effet, jamais un open world n'aura été aussi tangible. Émissions de télé, shows radiophoniques, réseaux sociaux, sites de boursicotage, SMS, mails, affiches, séances de cinéma, innombrables activités et sports, fonds marins riches et détaillés, séances de chasse... San Andreas existe, tout simplement. Une densité qui va de paire avec le ton vitriolé de la saga, porté ici à un niveau d'ampleur inédit. Alors que certains journalistes à la laisse trop courte et une tripotée de psychologues se demandent encore si la série ne va pas plonger une génération innocente et nonchalante dans un bain de sociopathie rance, des millions de joueurs de par le monde savent depuis belle lurette que GTA est depuis toujours un pastiche amer de l'american way of life, un détournement agressif et provocateur des clichés les plus communs de la culture occidentale. GTA V ne révolutionne pas véritablement cet état de fait, mais pousse la franchise dans le terrain de la contestation pure et dure.

La charge politique de l'épisode précédent, parfois trop lourde et monomaniaque pour convaincre, se voit ici multipliée au centuple, encore rehaussée par le décor balnéaire, tendance fluo acidulé de la côte Ouest caricaturée. GTA tape à droite à gauche, scalpe les républicains avant d'éventrer les démocrates. Pop culture, septième art, talk show, téléréalité, agences gouvernementales, politiques, finance, absolument rien n'est épargné. De farce ultra-violente, la saga s'est transformée en brulot anar d'une agressivité tout simplement jamais vue. L'ambition du soft n'est plus de nous faire rire et d'attaquer de biais les travers d'une société devenue folle, mais de la piétiner, de la dynamiter. Depuis le premier épisode sur Playstation 2, on n'avait pas vu la série atteindre de tels sommets de subversion, questionner aussi profondément les joueurs. À n'en pas douter, nombreux seront ceux qui hésiteront à achever une mission emmenée par Trevor ou dont le sang ne fera qu'un tour après une ligne de dialogue fatale.

Voilà pour les indiscutables et renversantes qualités du titre. Si l'on n'hésitera pas à qualifier cet épisode de création la plus complète et aboutie de Rockstar, il n'est pas pour autant exempt de défauts. En effet, si les déjà fameuses missions de braquages sont totalement réussies, elles sont en trop petit nombre pour véritablement transformer la routine de la série, à savoir l'enchaînement mécanique de missions. Ces dernières, même si l'écriture parvient régulièrement à masquer leur monotonie, ont du mal à dissimuler leur extrême répétitivité. On ne pourra également s'empêcher de trouver les promesses d'immensité et d'exploration un peu mensongères. Car si la map est splendide, les différents paysages et leurs variations climatiques d'une beauté qui coupe le souffle, le jeu souffre la comparaison avec le précédent épisode situé à San Andreas, autrement plus vaste et riche. Ce dernier reproche sera probablement à modérer en fonction des évolutions du mode online, qui permettra d'enrichir et de renouveler le parc d'activités.

Activités qui apparaissent pour certaines plutôt déceptives, à l'image du yoga, du golf ou encore du tennis, pas franchement bandantes et trop rigides. Enfin, si les missions et jobs qui vous sont proposés ont gagné en maturité et en sophistication, la liberté du joueur, elle, en a pris un vilain coup derrière la nuque. Il n'est désormais plus ou peu possible de prendre le jeu à revers, de profiter d'émergences du gameplay pour transformer une mission lambda en opéra apocalyptique, tant vos actions sont paramétrées, conceptuelles ou encadrées. L'ensemble y gagne en immersion et en intensité, à tel point que l'on se croirait régulièrement au milieu d'un mélange énervé de Heat et du Bon, la Brute et le Truand, mais perd au passage quelques grammes de fun.

Au final, GTA V apparaît comme l'aboutissement d'une série qui aura su révolutionner les notions d'open world, inspirer les actuels TPS autant qu'en recycler les nouveaux usages. Doté d'une écriture, de personnages et d'une ambiance exceptionnelles, parmi les plus travaillées que nous ait offert le jeux vidéo, GTA cinquième du nom est à bien des niveaux une véritable date dans l'évolution de l'industrie vidéo-ludique. Pour autant, cette impressionnante réussite est celle d'un système désormais à bout de souffle. En effet, les épisodes à venir devront réinventer la dynamique et la construction du soft, car l'expérience, aussi jouissive et immersive qu'elle soit, ne pourra plus désormais nous éblouir avec sa structure canonique. En mettant San Andreas à feu et à sang, il y a fort à parier que le joueur fasse également ses adieux au système désormais classique de la saga. Le salut et le renouveau se trouvent très probablement dans l'impressionnant et ambitieux mode online, sur lequel nous reviendrons très prochainement.

 

 

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commentaires
jean claude
05/02/2016 à 11:21

pas mal

Toms
10/07/2015 à 16:44

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07/07/2015 à 06:08

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26/06/2015 à 06:56

AR: Dishan from Colombo says Sri Lanka beat India in the tri series final in Bangladesh, but he doesn't really seem to care. There has been an overkill of cricket between the two teams in the recent past, and quite frankly it's getting a little boring.The measure would establish a state school ombudsman and a toll free abuse hotline, as well as set up video surveillance cameras in each of the thirteen schools. In addition, this legislation would require more intense training of care workers, protect employees who report abusive colleagues, and increase the state penalty for failing to report mistreatment.

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From Monday, August 18 to Autumn 2015.(C Rideau River Pathway at 417 (east side)Rideau River pathway on east side closed at 417 due to construction. Follow the signed detour. They may not be required to cover their hair or faces, but Western women are derided for being sexually active in a way men never will be, as Sandra Fluke, the US college student who testified before Congress about the necessity of including birth control in health insurance, can attest. Fluke was called a prostitute and a slut by shock jock Rush Limbaugh..

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25/06/2015 à 05:06

By 9:20pm about 10 minutes before she was last seen on the bridge according to the police timeline, Morgan was spotted in the RV Lot, directly across Copeley Road from the U Hall lot and adjacent to the UVA track. Her black purse, which could also be worn as a backpack, and battery less cell phone were spotted by a passerby the morning of Sunday, October 18.Gov. Dewhurst Facing Tough Primary Texas Primary Day Has Arrived: Here's What To Watch For Judge Extends Voting Time In Travis Co. Batman comicbook fans will be introduced to a new character when the prequel TV series 'Gotham' debuts on FOX next week. Hollywood heavy hitter Jada Pinkett Smith plays 'Fish Mooney.' "The character is part of the mobster family of Gotham.

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