L.A Noire

Simon Riaux | 27 juin 2011
Simon Riaux | 27 juin 2011

La Team Bondi et Rockstar se sont alliés pour accoucher de L.A Noire, projet énigmatique et dense, qui affiche clairement sa volonté de proposer au joueur une expérience vidéoludique immersive, et surtout inédite. En situant son intrigue dans le Los Angeles de la fin des années 40, où l'âge d'or d'Hollywood et les cicatrices de la seconde guerre mondiale s'affrontent et s'entremêlent, les développeurs ont sciemment choisi de situer leur oeuvre à la confluence des genres et des médias. Cet univers déjà si souvent exploré par la littérature et le cinéma sera-t-il l'écrin du joyau vidéoludique tant attendu ?

 

 

 

 

Autant être direct, L.A Noire est bourré de défauts. Peut-être dus aux nombreuses années de développement, ou à la volonté des développeurs de s'affranchir des réflexes du GTA-like qu'ils ont forgés, toujours est-il que le joueur ne pourra manquer de remarquer un très grand nombre d'imperfections. À commencer par le gameplay, qui, s'il demeure simple et relativement intuitif, est d'une rigidité souvent agaçante. À tel point que certaines séquences, pourtant habilement amenées et mises en scènes (poursuites, braquages, agressions diverses) perdent une grande part de spontanéité, et se transforment en tunnels schématisés.

 

 

 

 

 

Le jeu est également très répétitif. Non seulement les enquêtes secondaires sont quasiment toutes identiques, mais les enquêtes principales, celles qui forment l'arc narratif de l'ensemble, sont le plus souvent construites à l'identique, à l'exception des passages pivots, qui introduiront vos nouvelles affectations. Et pour nous sortir de cette routine, il n'y pas grand chose à se mettre sous la dent, tout au plus pouvez-vous vous amuser à collecter la petite centaine de véhicules du jeu, ou parcourir la cité des anges pour en découvrir tous les monuments. Car les développeurs, s'ils ont heureusement tenu à se différencier de leurs dernières productions, n'ont pas pour autant doté leur dernier né d'un univers vivant, ou riche en interactions. Los Angeles ne sera donc qu'une immense carte postale, que vous serez libre d'arpenter à l'envi, au volant de votre voiture-savonette (laquelle pourra défoncer sans mal un lampadaire, mais sera stoppée nette par la première palissade en bois !).

 

 

 

Mais l'ambition de L.A Noire se situe ailleurs. Car ce qui fait le coeur du soft, c'est son système d'interrogatoire. On pourrait également le critiquer vivement, de par les incohérences de certaines questions, et l'installation d'une routine qui ne sera bouleversée que vers la fin du jeu. Ce serait nier combien cette invention permet effectivement à l'ensemble de nous faire (presque) oublier nos griefs. En parvenant pour la première fois à retranscrire véritablement les expressions des personnages, les développeurs ont créer une façon de jouer résolument autre, et indiscutablement inédite. La notion de passivité s'en retrouve dès lors redéfinie, puisque les phases narratives et les cinématiques nous forcent à scruter le moindre signe d'émotion, la plus petite trace de mensonge chez le témoin ou l'accusé. S'installe alors un rythme de jeu fascinant, où pour la première fois, l'on se surprend à observer les personnages non plus à l'aune d'une quelconque performance technique, mais bel et bien comme des êtres vivants, dotés de sentiments, de pulsions, et d'émotions.

 

 

 

Ce succès remarquable est encore rehaussé par la richesse de l'univers mis en place. Les amateurs de romans noirs retrouveront une ambiance souvent proche du Grand Nulle part d'Ellroy. Les cinéphiles se régaleront de traverser les décors d'Intolérance, et la présence de quelques vieilles gloires d'Hollywood, quant aux passionnés d'histoire criminelle, ils devraient adorer interroger Mickey Cohen. Car L.A Noire se veut une radiographie quasi exhaustive de la société américaine de l'époque, et de ses maux. Alcoolisme, paupérisation, condition des vétérans, miroir aux alouettes d'Hollywood, condition des minorités, violence conjugale, importance de la drogue, quasiment tout y passe, composant un tableau d'autant plus sombre qu'il se révèle sous les cieux immaculés et ardents de la Cité des anges. Dans ce domaine aussi on serait tenté de dire que l'obejectif est largement atteint, hélas la dernière heure du jeu vient nous contredire, puisqu'elle abandonne la rigueur scénaristique jusque là respectée par le soft, pour verser dans un enchaînement de poncifs et autres deux ex machina tout à fait dispensables.

 

 

 

L.A Noire donne souvent le sentiment d'avoir été mal terminé, ou empesé par un développement pharaonique, qui l'aura empêcher d'exceller dans tous les domaines. Si vous êtes à la recherche d'une expérience inédite et parfois fascinante, foncez découvrir ce qui est peut-être la meilleure reconstitution de l'Amérique de la fin des années 40. Si en revanche vous attendez un GTA-like, un ride furieux et mâtiné d'investigation, alors vous risquez fort d'être frustré.

 

 


 

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