Square Enix augmente ses prix sur PC : en route vers une flambée du tarif des jeux ?

JL Techer | 13 décembre 2021 - MAJ : 13/12/2021 15:03
JL Techer | 13 décembre 2021 - MAJ : 13/12/2021 15:03

Avec l'arrivée de FF7 Remake Intergrade sur Steam et Epic Game Store, Square Enix a décidé d'augmenter le prix de ses jeux sur PC, et ce n'est que le début.

L'arrivée de la dernière génération de consoles, PS5 et Xbox Series X|S, a été synonyme d'augmentation du coût d'achat des jeux, provoquant un tollé chez les consommateurs. Ainsi, l'exclusivité PS5 Demon's Souls Remake, par exemple, avait été mise en rayon au prix de 79€, passant le cap symbolique des 70€ généralement accepté en magasin. Cette hausse de prix était depuis longtemps attendue par les éditeurs, et il était de notoriété publique que cette augmentation arriverait sur les plateformes de ventes PC tôt ou tard.

Square Enix est le premier éditeur a osé franchir ce cap, ce pic, cette péninsule. La firme japonaise a officiellement annoncé que le portage PC de Final Fantasy 7 Remake Intergrade arriverait sur Epic Games Store et Steam au tarif de 80 euros. Sa prochaine production AAA, l'action-RPG en monde ouvert Forspokensera également au même prix de vente lors de son lancement. Il s'agit évidemment du tarif des versions "de base" de ces titres, les versions "numériques deluxes" iront quant à elles flirter avec la centaine d'euros. 

 

Final Fantasy 7 Intergrade : photoTu le veux mon jeu ? 

 

Cette annonce ne manquera pas de faire grincer des dents aux gamers, d'autant plus que FF7Remake est disponible depuis plus d'un an sur les consoles Sony (exclu temporaire PlayStation oblige). D'aucuns iront immédiatement crier à la cupidité, et à la soif de profit au détriment de l'intérêt des joueurs. Pourtant, il ne s'agit là que de l'évolution naturelle de l'industrie, souhaitée et défendue par de nombreux acteurs majeurs de la scène vidéoludique, dont Jim Ryan, le PDG de Sony Interactive Entertainment. 

L'homme de tête de Sony avait déclaré qu'il s'agissait du prix juste pour les divertissements offerts par la dernière génération de jeux vidéo :

"Si l'on mesure les heures de divertissement offertes par un jeu vidéo tel que Demon's Souls par rapport à toute autre forme de divertissement, je pense que la comparaison est très simple à établir."

 

Demon's Souls : photoDemon's Souls, un remake au prix fort

 

Les coûts de développement des jeux vidéo n'ont pas cessé de croire au cours des dernières années. Prenons pour exemple le cas de Final Fantasy 7. Dans sa version PlayStation 1, sortie en 1997, la production du titre aurait couté entre 40 et 45 millions dollars pour un peu plus de trois années de développement, ce qui en faisait à l'époque l'un des titres les plus couteux de l'histoire de l'industrie. 

Son alter-ego de 2020, FF7 Remake, aurait couté la bagatelle de plus de 200 millions de dollars pour le développement de la version disponible en magasin, et ce sans compter le budget marketing et communication, et sans prendre en compte les coûts des prototypes abandonnés au cours des années de production précédentes. 

Les coûts de réalisation pour un jeu vidéo auraient été multipliés par 5 en vingt ans, en moyenne, ce que confirment les chiffres connus pour le développement de la saga Halo. Halo Combat Evolved fut le jeu le plus couteux de l'industrie à sa sortie en 2001, avec un budget de 100 millions de dollars, alors que le tout fraichement débarqué Halo Infinite aurait couté plus de 500 millions de dollars à Microsoft. 

 

Halo Infinite : photoMaster Chief et son armure à 500 millions

 

Cette évolution s'explique non seulement par l'allongement des durées de productions, certains titres AAA demandant presque 10 ans de développement, et par l'explosion de la taille des équipes de développements. Là où dans les années 90, une équipe d'une vingtaine de personnes pouvait réaliser un blockbuster comme Metal Gear Solid 1, trente ans plus tard ce sont des brigades de plusieurs centaines de personnes qui sont mobilisées pour la création de titres toujours plus vastes et complexes (MGS V aurait nécessité entre 200 et 300 employés). 

Un tel accroissement des sommes dépensées par les studios pour le développement de titres AAA ne pouvait pas rester sans impact sur le coût du produit final. Et si la somme de 80€ semble être très élevée pour un AAA, en remettant en perspective l'évolution du prix des jeux vidéo, celle-ci ne s'avère pas être plus élevée qu'à l'époque 16-bits. Contrairement à la croyance populaire, les jeux SNES et MegaDrive n'étaient pas moins chers. 

En 1990, lorsque la superproduction F-Zero est arrivée sur Super Nintendo, son prix de vente conseillé était de 450 francs, soit 68,60 euros. En prenant en compte l'inflation via l'utilisation d'outils de l'INSEE, le tarif affiché serait de 106,60 euros à l'heure actuelle. La création de cartouches était extrêmement couteuse, avec des seuils de rentabilité très élevés. Ce n'est qu'avec la diffusion à grande échelle du CD-ROM que les prix ont diminué. 

 

F-Zero : photoIl fallait vendre ses organes pour se payer des cartouches

 

Consécutivement à cela, les jeux PlayStation 1 furent proposés aux tarifs moyens de 350 francs, soit un peu plus de 70€ en considérant l'inflation. Autrement dit, les jeux n'ont pas vraiment augmenté de prix depuis 30 ans. D'un point de vue économique et financier, il s'agit presque d'une anomalie, puisque malgré la hausse exponentielle des coûts de production et réalisation des softs, le tarif des produits en magasin est resté stable. 

Passer le cap symbolique des 80€ n'est certes pas sans conséquence sur le moral des consommateurs, mais il faut également remettre au clair la répartition des sommes incluses dans ces 80€. Pour un jeu acheté dans sa version physique, en moyenne, 55% du prix de vente va aller à l'éditeur (44€), 25% au revendeur (20€), et le constructeur (Sony, Microsoft ou Nintendo) touchera 20% de la somme (16€). Les jeux PC sont ainsi généralement moins couteux, puisque la taxe constructeur n'existe pas sur ce support. 

Pour un achat en ligne, la répartition sera différente, puisque l'intermédiaire disparait de l'équation. En règle générale, l'éditeur touchera 70% du prix de vente final, et le constructeur 30%. Dans le cas d'un AAA à 80€, 56€ iront dans la poche de l'éditeur/développeur (où la répartition des recettes reste assez obscure), et 24€ iront chez le constructeur. C'est pourquoi les constructeurs et éditeurs mettent l'accent sur les formats dématérialisés, bien plus rentables pour eux que la vente de supports physiques

 

God of War : Ragnarök : photoLes gamers face au prix de vente des jeux AAA

 

Pour compenser la continuelle hausse budgétaire de l'industrie vidéoludique, de nouveaux modèles économiques sont apparus au cours des dix dernières années. Les free-to-play tels que Fortnite se nourrissent de micro-transactions, et les jeux-services, comme The Division ou Destiny, sont conçus pour faire rester les joueurs le plus longtemps possible sur le même jeu, tout en l'incitant à dépenser régulièrement de l'argent pour du nouveau contenu. Ces types de productions nécessitent d'importantes équipes pour la création du titre, mais les effectifs peuvent être grandement réduits pour l'entretien et la maintenance du jeu, ainsi que pour la création de contenu inédit (événements, DLC, cosmétiques, etc.). 

Enfin, d'autres options existent pour celles et ceux qui ne souhaitent pas investir le prix du plein de leur SUV dans le prochain Call of Duty (jouer ou conduire, il faut choisir). Avec des propositions comme le Xbox Game Pass, ou le futur Spartacus de PlayStation, les joueurs peuvent choisir d'investir mensuellement dans un catalogue de jeux plutôt que dans un titre particulier. Peut-être sommes-nous aux portes d'un nouveau paradigme pour une industrie toujours croissante, où le coût des jeux en version physique s'apprête à flamber, devenant un produit de luxe, et où l'abonnement sera la voix de secours pour le gamer moins fortuné. 

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commentaires
Isteria
14/12/2021 à 10:05

J'ai clairement halluciner aussi. J'y vais tout heureux pour ma précieuse. Et la bim 80 euro digital un jeu qui n'est que sur un serveur même pas à toi, même pas sur steam . Meme pas sur xbox enfin bref c'est débile de faire ça. On sait clairement tous qie cest pour l'argent que c'est mis a sebprix. Le jeu va se vendre et SE est évidemment un énorme manipulateur sur le sujet. Et puis bon si y faut et bien on passera par dautre plateforme d'achat

ah bon
13/12/2021 à 21:10

C'est sûr qu'à cause du covid, l'industrie du jeu vidéo manque singulièrement de fric. Comparé aux cinés à tout hasard, le jeu vidéo est totalement ruiné c'est certain. Le chiffre d'affaire du jv dans sa globalité dépasse *aisément* le ciné + la musique, y a qu'à demander à google à ce sujet. Le dév coûte de plus en plus cher, ben oui, la tech est de plus en plus pointue. Mais quand quelque chose se vend, les prix augmentent. Quand ça se vend plus, les prix se cassent la gueule et on voit des gens perdre leur boulot. Les jv se vendent, ils veulent plus de bénèfs, c'est tout. Pas d'excuse, pas de bullshit next-gen éclaté par terre qui est de toute façon servi par ceux-là même qui veulent forcer les abonnements pour se faire des milliards à la Netflix. Comme si les jeux indés étaient plus rentables que les final fantasy. Ils en sont à lâcher 200 millions pour un *remake* ? Pôvre square enix, ils me feraient presque de la peine.

keke
13/12/2021 à 20:10

Ben voila tranquille.. y'a ceux qui peuvent payer day one qui le paieront, et ceux qui attendront les promos pour se l'acheter : c'est le meme jeux.
C'est comme au parc d'attraction avec ceux qui payent pour "gruger"(fast lane, fast pass).
Dans le transport aérien : on n'aura pas tous payé le meme prix pour la meme classe et le meme vol.

Morcar
13/12/2021 à 17:59

Coluche disait déjà à son époque "Quand on pense qu'il suffirait que les gens ne les achètent pas pour que ça ne se vende plus". Pour ma part, je n'achète aucun jeu à sa sortie, j'attends toujours la baisse de prix à 15 ou 20 €. Mais depuis un an, on en voit certains difficilement descendre en dessous de 30 €, prix forcément lié au prix de départ qui a lui aussi augmenté.

Mais avant de hurler contre les éditeurs, commencez par hurler contre les joueurs qui, incapables d'attendre, sont prêts non seulement à dépenser 80 € dans un jeu, mais même plus encore en payant des season pass. Tant qu'il y aura un grand nombre de joueurs à être prêts à payer ce prix, il n'y a pas de raison que les éditeurs arrêtent de les vendre à ce prix.
Et avec leur volonté de tuer de plus en plus le modèle physique, ça ne pourra qu'empirer, car plus ça va aller et plus la vente d'occasion, qui permet encore de rationaliser les prix, va être impossible. Et alors, ils pourront non seulement mettre le prix qu'ils veulent, mais aussi ne jamais les baisser s'ils en ont envie.

TofVW
13/12/2021 à 17:45

Ils oublient que les joueurs PC ne sont pas aussi influençables que les joueurs Playstation, et qu'il y a des dizaines de solutions légales pour payer ses jeux moins chers, la 1ère étant d'attendre un peu. Il y a beaucoup plus de ventes "day one" de jeux sur consoles que sur PC.
Ils vont droit dans le mur s'ils font ça, et non seulement ils risquent de se faire boycotter leurs jeux, mais en plus ceux qui voudront y jouer préfèreront peut-être les cours d'eau rapide de montagne, plutôt que de filer du pognon à ces rapaces.

RiffRaff
13/12/2021 à 16:00

@numberz: selon moi la remarque du patron de Sony tend à vouloir indexer le prix du jeux sur sa durée de vie.
En comparaison avec le cinéma, avec 15$ environ la place pour 2h de film, il voudrait facturer un jeu avec 20h de durée de vie 150$...

jaroh
13/12/2021 à 15:35

A part les jeux Nintendo aucun jeu ne reste à son prix de lancement très longtemps, les promos arrivent vite, très vite.

80e c'est uniquement pour se gaver sur le dos des early buyers et de ceux qui précommandent, merci à eux en quelque sorte.

Sandro
13/12/2021 à 15:27

L'industrie va rapidement se trouver dans une impasse car leur modèle repose sur l'expansion permanente de leur parc de consommateur. Ce qui soutient les coûts de production, c'est la demande croissante qui commence sérieusement à se tasser. Du coup ils se retrouvent dans une situation où il faut faire un choix : continuer à monter les prix au risque de rétrécir le parc de joueurs et redevenir un loisir pour des personnes plutôt aisées pour compenser les coûts de production ou alors rester sur cette échelle de prix mais soi en maîtrisant les coûts de développement soi en essayant d'ouvrir de force de nouvelles parts de marché. (C'est ce qu'essaye ouvertement Microsoft avec le cloud et le gamepass)
Ça va devenir assez décisif dans les années à venir.

MoiLeVrai
13/12/2021 à 15:25

il y a surtout aucun interêt à être impatient de jouer à ces jeux. beaucoup vont baisser et patientez sagement soldes et autres pour acheter les jeux. S'ils sont si souvent soldés/en promo, c'est bien que les editeurs se font une marge colossale dessus

Numberz
13/12/2021 à 15:18

"Si l'on mesure les heures de divertissement offertes par un jeu vidéo tel que Demon's Souls par rapport à toute autre forme de divertissement, je pense que la comparaison est très simple à établir."

si un jour le ratio est fait pour la durée des films au cinéma, je n'irais voir que des courts métrages