Après Arcane, League of Legends peut-il sauver les magical girls à la Sailor Moon ?

Déborah Lechner | 28 août 2022
Déborah Lechner | 28 août 2022

Avec Les Gardiens des Étoiles, League of Legends et Riot Game ont ressuscité les magical girls, ces personnages à la Sailor Moon qu'on pensait presque disparus. 

De leur naissance dans les années 60 à leur diversification dans les années 90, les magical girls (des filles aux pouvoirs magiques, littéralement) ont investi la culture populaire nippone et lancé un phénomène culturel qui a dépassé les frontières de l'archipel asiatique. Après l'avènement d'une première génération d'héroïnes en jupettes - Sally la sorcièreGigiCreamy ou encore Emi magique -, l'emblématique Sailor Moon a redéfini ce courant très codifié de la fantasy japonaise et laissé derrière elle une armée d'héritières : Magical DoReMiMew Mew Power, Pretty Cure, La Mélodie des Sirènes, pour ne citer que les plus connues. 

 

Pretty Guardian Sailor Moon Eternal : le Film : photoSailor Moon, de retour (encore) dans un film en 2021 sur Netflix

 

Aujourd'hui, l'âge d'or du magical girl est cependant loin derrière lui. En plus des titres de moins en moins nombreux, le genre est resté cramponné à ses vieilles idoles, plus particulièrement Sailor Moon, et ne parvient donc pas à trouver ses nouvelles égéries. Entre la nécessité de se moderniser et l'obligation de conserver une part de son ADN kitsch, le magical girl tel qu'on le connaissait se transforme en relique, du moins du côté des séries et manga où il est principalement établi.

À moindre échelle, les magical girls ont aussi été mises à l'honneur dans les jeux vidéo, notamment League of Legends. La licence américaine leur a en effet consacré à partir de 2016 tout un monde alternatif : Les Gardiens des Étoiles (ou Star Guardian en VO). Celui-ci a fait son retour en juillet dernier pour un événement saisonnier et s'impose un peu plus comme un des derniers vrais représentants de cet univers old-school en perte d'identité. 

 

 

LA VAMPITISATION DU MAGICAL GIRL

Même s'il s'inspire de Ma sorcière bien-aimée, le magical girl est intrinsèquement lié à l'animation japonaise et à sa culture. En l'espace d'une vingtaine d'années, le genre s'est cependant décliné dans d'autres pays, où les codes ont été adaptés à la culture occidentale. Certains décalques comme LoliRock sont restés fidèles au modèle de base et à son cahier des charges, mais d'autres s'en sont plus ou moins éloignés, diluant progressivement les caractéristiques du genre. 

Parmi les détournements les plus connus, il y a eu la production italienne Winx Club, qui a apporté une vision plus fashion et féérique, ainsi que la série américaine W.I.T.C.H, qui s'est calmé sur les paillettes et tenues à froufrous (éléments ô combien majeurs dans les représentations). Aux États-Unis principalement, les super-héroïnes se sont quant à elles substituées aux traditionnelles magical girls, tout en conservant quelques traits et manies communs, en particulier les obligatoires scènes de transformation chorégraphiées.

 

Winx Club : photoDes paillettes plein les yeux, au sens propre
 

Des Super Nanas (coproduit par la Toei) à Miraculous : Les Aventures de Ladybug et Chat Noir, la notion de super pouvoirs et tout l'imaginaire qu'elle englobe a remplacé celle des pouvoirs magiques, tandis que la franchise DC Super Hero Girls a repris une formule très similaire avec des super-héroïnes adolescentes qui ont une identité secrète et forment une bande de super-copines combattant le crime entre deux cours de maths.

Pour le dynamiter, certaines productions ont également pris le concept à contre-pied avec le magical boy, que ce soit dans des séries japonaises comme Cute High Earth Defense Club LOVE! ou le dessin animé américain Steven Universe. Mais plus qu'une inversion des genres ou une récupération thématique un minimum sérieuse, le but est le plus souvent d'être parodique, de la même manière que le cartoon Star Butterfly qui préfère un traitement plus absurde.

La spécificité et l'intérêt des Gardiens des Étoiles est donc de rendre hommage à cet univers girly en dépoussiérant les codes, mais sans chercher à s'en moquer, à les détourner ou à les renier.

 

DC Super Hero Girls : photo Zatanna dans la série DC Super Hero Girls, la jonction entre super-héroïne et magical girl

 

TOUT UN UNIVERS VISUEL

En premier lieu, Les Gardiens des Etoiles/Star Guardian redonne au genre les particularités dont il s'était distancé en renouant avec la culture japonaise, que ce soit par ses graphismes semblables à de la japanimation 2D ou son cadre nippon (même si les événements se déroulent en partie dans une ville imaginaire). Plus que son environnement de prédilection, Star Guardian s'est surtout réapproprié l'iconographie surannée des magical girls, délaissant ainsi la sobriété nouvellement affichée.

Avec Sailor Moon ou Card Captor Sakura comme principales références, l'univers s'apparente aux mondes réalistes traditionnellement représentés, sans tomber dans l'obsolète ou le risible (un exercice d'équilibriste en somme). Pour ce qui est des skins, ceux-ci - particulièrement détaillés - retrouvent une part d'extravagance et de surenchère. Ils mélangent de fait les influences les plus habituelles, de l'uniforme scolaire aux tenues d'idoles et de lolita avec jupons bouffants, bustiers, de nombreux ornements et pierres précieuses, ainsi que des cuissardes et cheveux colorés.

 

League of Legends : photoKitsch et cool en même temps

 

Au-delà des teintes roses et violettes dominantes, les personnages respectent le traditionnel code couleur - une par personnage - en plus d'être pourvus de divers objets ; du perpétuel sceptre aux anneaux et bâtons magiques en passant par des armes décorées et des pièces d'armure plus proches de l'esprit des champions de League of Legends. Comme les conseillers félins dans Sailor Moon et autres mascottes, les gardiennes des étoiles sont aussi accompagnées d'esprits gardiens, qui remplacent les familiers qu'on peut retrouver dans plusieurs RPG, et complètent la panoplie dans l'esprit du "kawai" japonais (ces petites choses mignonnes). 

Enfin, pour casser la binarité de genre et compléter l'imagerie, quelques personnages masculins ont été ajoutés aux différentes équipes, que ce soit comme intérêts romantiques ou membres à part entière. Parce que les héros aussi ont le droit de se battre dans des tenues élégantes et raffinées. 

 

League of Legends : Star GuardianPar le pouvoir du prisme lunaire, ou presque

 

LA MÊME RENGAINE, PAS LE MÊME REFRaIN

Comme son esthétique tape-à-l'oeil, le canevas narratif du magical girl a souvent été décrié pour sa mièvrerie et ses lieux communs sur le pouvoir de l'amour et de l'amitié (celui qui triomphe toujours du mal). Pour contrer cette réputation niaise, des mangas et animes plus récents comme Puella Magi Madoka Magica ou Magical Girl of the End ont délaissé l'habituelle bonhommie et choisi de verser dans le tragique, la comédie noire, le surnaturel voire l'épouvante, tout en rationalisant la magie et ses origines. 

En plus de se différencier de ses aînées, cela devait surtout amener le genre vers un nouveau public, autre que les jeunes et très jeunes filles à qui sont destinées la majorité des œuvres. Pour donner à son univers un ton plus mature, mais sans subvertir le matériau de base, Star Guardian s'est plutôt placé dans la continuité de Sailor Moon et du magical sentai (qui pioche des éléments des séries sentai à la Bioman et Ultraman pour former des équipes de justicières).

 

League of Legends : star guardianDes héroïnes au coeur vaillant, d'autres plus corrompues 

Ainsi, comme présenté sur le site de Riot Game : "De jeunes guerriers sont choisis pour protéger la lumière des étoiles. Leur destin est de briller de mille feux, mais aussi de s'éteindre brutalement". L'histoire a des accents tragiques, des méchants charismatiques, des héroïnes badass qui s'écartent des stéréotypes de genre critiquables et des caractères lisses et dociles qu'on leur a souvent prêtés. Pour autant, Star Guardian a aussi choisi de garder une approche plus conventionnelle, avec une mythologie stellaire et cosmique proche des précédents schémas (des lycéennes ordinaires mais courageuses qui protègent le cosmos des ténèbres, et mènent en parallèle une vie d'adolescente rythmée par l'école, les devoirs, les disputes ou les soirées pyjama). 

La présentation du dernier événement laisse d'ailleurs peu de doute sur ce retour aux fondamentaux : "Les joueurs progresseront dans une histoire passionnante d'amour et de perte, de pardon et d'amitié à travers les yeux d'un tout nouvel équipage dirigé par Akali et Kai'Sa".

 

League of Legends : star guardianTout ce qu'il faudrait pour une nouvelle adaptation
 

Forcément, après le succès de la série d'animation Arcane sur Netflix, qui a surélevé tout un pan du lore de League of Legends, l'idée d'une série Star Guardian n'aurait rien d'aberrant étant donné la toile de fond de plus en plus vaste, et les ambitions multisupports de la compagnie. 

Rien n'a encore été annoncé dans ce sens, mais à l'heure actuelle, l'univers est ce qui se rapproche le plus du magical girl à l'ancienne, avec un ton plus moderne, des représentations moins datées, et surtout un amour sincère pour le genre, qui pourrait enfin retrouver sa magie et ses couleurs.

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commentaires
Kyle Reese
29/08/2022 à 11:33

J’ai du en voir quelques une de ces séries de Magical Girl. J’aimai bien.
C’était frais et pétillant. Ça changeait des gros bras musclés.

Sascha
28/08/2022 à 23:16

Saura, chasseuse de cartes... Comment j'ai pu adorer cette série. Mais jamais vu la fin helas