Aladdin, le jeu vidéo : les plus beaux des horribles souvenirs de nos enfances

JL Techer | 4 juillet 2022 - MAJ : 04/07/2022 15:48
JL Techer | 4 juillet 2022 - MAJ : 04/07/2022 15:48

En 1993, Disney décidait de produire l'adaptation d'Aladdin sur Super NES et Mega Drive. Et si c'était lui, le meilleur jeu Disney ?

Il fut une époque bénie, où Aladdin n'était pas Kev Adams, et où Will Smith n'avait jamais incarné de génie. Sans mauvais jeu de mots. En 1992, Disney livre son 40e film d'animation, Aladdin, inspiré du conte Aladin ou la Lampe Merveilleuse. L'histoire est simple : un jeune voleur s'empare d'une lampe magique, y découvre un génie, devient prince grâce à lui, séduit la princesse Jasmine, s'embrouille avec le Vizir Jafar, et finit par emballer la princesse.

Plus décomplexé que son prédécesseur La Belle et la Bête, Aladdin est un carton planétaire, et reste encore aujourd'hui l'un des films les plus rentables de l'écurie de Mickey, avec la bagatelle de 504 millions de dollars de recettes. Face à un tel succès, les pontes de Disney ont décidé rapidement de mettre en chantier un jeu vidéo adapté du long-métrage.

Ayant loupé le coche de la sortie cinéma en novembre 1992, les studios ont souhaité que le jeu vidéo Aladdin accompagne la sortie du film en VHS à la fin d'année 1993. Et celui-ci fut un succès, mais aussi un très étrange cas d'école. Retour sur le double phénomène Aladdin sur Super NES et Mega Drive.

 

Aladdin : photoAu cas où on n'aurait pas compris que Disney était là

 

Le cas d'école Aladdin

Les délais de diffusion entre États-Unis et reste du monde étant ubuesques dans les années 90, Aladdin sort sur grand écran un an après la version US, en novembre 1993 en Europe, soit en même temps que les jeux vidéo Super Nes et Mega Drive. Un timing parfait pour une exploitation commerciale idéale. Outre cette bizarrerie calendaire, le cas d'Aladdin sur consoles 16 bits est un véritable cas d'école à plus d'un titre.

Le titan du dessin animé avait pensé signer avec BlueSky Software, qui avait déjà livré le jeu Ariel The Mermaid sur Mega Drive en 1991. Trop occupé à développer le lunaire Jurassic Park sur MD, où il était possible d'incarner Alan Grant armé jusqu'aux dents ou un Raptor sacrément futé, BlueSky a dû décliner l'offre. Le second choix de Disney s'est alors porté sur Virgin Interactive, connu pour la qualité de ses adaptations de licences, telles que Cool Spot, d'après la marque 7up, ou Global Gladiators, pur produit dérivé de McDonald's.

 

Aladdin : photoLa tête de BlueSky après avoir perdu le contrat pour Aladdin

 

Mais comme dirait Donald, il va y avoir un couac. Virgin ne pourra pas concevoir la version Super NES du jeu. Disney étant en contrat d'exclusivité avec Capcom pour le développement de jeux sous licence sur Super Nintendo, ce sera à la firme japonaise de concevoir le soft pour la SNES. Aladdin aura donc deux versions distinctes : celle de la Mega Drive conçue par Virgin, et celle de la Super Nes, réalisée par Capcom. Un cas assez unique dans l'histoire du jeu vidéo, car avec le même cahier des charges, les deux produits finaux sont radicalement différents.

Comme si ça ne suffisait pas, les délais de développement ont été plus que réduits, car Disney attendait une livraison pour novembre 1993, alors que le projet a été mis en chantier début 1993. Avec moins de 10 mois de temps de conception, les équipes de Capcom et Virgin ont dû travailler jour et nuit pour rendre un produit abouti en temps et en heure. Comme quoi, le crunch dans l'industrie vidéoludique est loin d'être un phénomène nouveau.

 

Aladdin : photoQuand on signe avec Disney

 

Du côté de Virgin Interactive, la conception du soft est confiée au trublion David Perry (créateur du futur Earthworm Jim), secondé par l'animateur et dessinateur de génie Mike Dietz. Pour Capcom, le projet atterrit dans les mains de Tatsuya Minami, une figure de l'arcade ayant travaillé sur Final Fight et Ghouls 'n' Ghost. Celui-ci sera secondé au design du jeu par un certain Shinji Mikami, futur père de Resident Evil. Deux équipes d'esthètes aux approches du médium vidéoludique très différentes.

À leurs sorties quasi simultanées en novembre 1993, les deux jeux Aladdin ont déchaîné les passions des cours de récré, et de la presse spécialisée. Le double titre a été le symbole de la guerre à laquelle se livraient les pro-Nintendo et les pro-Sega, chacun campant sur ses positions pour assurer que sa version du jeu était la meilleure. À plus grande échelle, ce diptyque symbolisait l'affrontement entre les États-Unis, représenté par Virgin/Sega (la firme ayant toujours eu des accointances américaines), et le Japon (Capcom/Nintendo) pour la domination du média jeu vidéo.

 

Aladdin : photoAladdin en Superman sur SNES

 

Aladdin VS Aladdin

Comme cela était prévisible dès le départ, les deux versions finales d'Aladdin sont extrêmement différentes, tant dans leur réalisation que dans leur philosophie de jeu, et dans la question de la fidélité au matériel original. Dès l'écran-titre respectif de chaque version, aucune place n'est laissée au doute : ces jeux ne sont pas des clones.

La version SNES s'ouvre sur une introduction présentant la lampe du génie, puis la découverte de la grotte du Tigre par Jafar, fidèle à l'introduction du long-métrage. Du côté de la Mega Drive, dès l'affichage du logo Sega, le génie en tenue d'arbitre titre un coup de feu pour lancer une course, dégommant Jago au passage. Puis l'écran-titre apparaît, au son de A Whole New World (Ce rêve bleu). Sérieux contre humour, le ton est donné.

L'aventure débute, au marché d'Agrabah pour les deux titres. À peine après quelques secondes de jeu, les différences sautent aux yeux. Le premier niveau sur Mega Drive se traverse au son de Prince Ali, un pur bonheur. Le titre offre une exploration très verticale au level-design riche. La fluidité des animations impressionne, de même que les mimiques des ennemis, qui grimacent à tour de bras, l'une des marques de fabrique de David Perry.

 

Aladdin : photo"J'ai marché dans un David Perry !"

 

Du côté Capcom, ce n'est pas la même chanson. Si le héros explore également le marché d'Agrabah, il s'avère tout aussi bondissant, mais avec une recette et un game design plus classique. Graphiquement, bien que le titre soit très honnête, il affiche des sprites plus petits, et si la qualité de ses animations n'est pas à remettre en question, elle est en deçà de la version Virgin. 

Démonstration supplémentaire de la différence de game design, sur Mega Drive, le héros est armé d'un sabre afin de se battre, chose dont il est dépourvu sur SNES. Chez Virgin, Aladdin est un jeu d'action mâtiné de plateforme, alors que Capcom a opté pour une recette très classique du platformer 2D dans la droite lignée d'un Prince of Persia (normal pour Aladdin) qui mise avant tout sur l'exigence et la réactivité de son gameplay.

 

Aladdin : photoDe la pure plateforme sur SNES

 

Je suis ton meilleur ami

David Perry livre un titre bourré d'énergie, qui n'hésite pas à se détacher de l'histoire du film. Après l'exploration d'Agrabah, Aladdin se retrouve directement dans les bas-fonds de la ville, avant d'atterrir dans la grotte du Tigre pour une séquence en tapis volant furieuse, un déluge d'adrénaline resté dans l'histoire du jeu vidéo.

Puis direction un niveau hallucinatoire, inspiré de la chanson Je suis ton meilleur ami (Friend Like Me en VO), l'exploration du palais du sultan, l'arrivée dans l'antre de Jafar, le combat final, et l'affaire est pliée.

 

Aladdin : photoUn niveau bien déjanté sur Mega Drive

 

Chez Capcom, c'est la fidélité au long-métrage qui a primé. Après Agrabah, direction la caverne, puis la fuite du volcan. S'en suit un niveau aérien assez fou dans l'esprit du génie, très marqué par la Nintendo's Touch, coloré à en brûler les rétines, rythmé également par le titre Je suis ton meilleur ami.

Et alors que la version MD propose une expérience sous adrénaline sur le tapis volant, Capcom offre un niveau bonus étonnamment poétique, au son de Ce rêve bleu, où Aladdin et Jasmine volent au milieu des nuages, sans aucun ennemi à affronter, un fait quasi unique dans le jeu vidéo à l'époque. Ensuite, le héros doit explorer le palais, pour enfin arriver à l'antre de Jafar et le défaire.

 

Aladdin : SNES VS MDSNES vs Mega Drive, deux salles, deux ambiances

 

Le combat final contre Jafar montre aussi les volontés propres derrière chaque titre. Sur Mega Drive, le duel est assez décevant, presque une formalité. Il suffit de lancer des pommes sur le boss, en esquivant ses sorts et jets de flammes pour s'en débarrasser. Les joueurs aguerris parviendront même à se débarrasser du bad guy sans même lui laisser le temps d'apparaître à l'écran... Un comble pour l'ultime boss du jeu.

Chez Capcom, il s'agit d'un affrontement en deux phases, tout d'abord contre Jafar sous sa forme humaine, puis sous sa forme de serpent géant. La firme japonaise a encore une fois pris soin de rester le plus fidèle possible à la séquence finale du dessin animé.

Capcom et Virgin ont offert deux expériences très singulières, guidées par deux approches de game-design et d'adaptation quasi diamétralement opposées. La version SNES offrait un platformer assez sage, fidèle au long-métrage et au gameplay impeccable. Virgin a mis le paquet pour accoucher d'un titre splendide, bourré d'humour, quitte à s'éloigner du film. Alors pourquoi l'histoire n'a-t-elle retenu que la version de David Perry ?

 

Aladdin : photoLe vrai Jafar est chez Capcom

 

30 ans plus tard

La critique et le public ont été totalement bluffés par la qualité graphique du Aladdin de la Mega Drive. Le magazine Edge déclarait en novembre 1993 que l'animation était le point fort du titre, et qu'elle était si bluffante qu'elle se rapprochait par moments d'un dessin animé : "L'animation est époustouflante et l'ensemble est si fluide et si rapide qu'il est facile de voir où sont passés les 16 mégas de la carte. [...] Aladdin est tellement riche en détail qu'il est étonnant que la cartouche n'éclate pas".

Plus beau, plus soigné, plus fluide, bourré d'humour, le titre développé par l'équipe de David Perry a également étonné par la qualité de sa bande originale composée par Tommy Tallarico (Cool spot, Earthworm Jim). Ses adaptations des thèmes du film sont somptueuses, tout comme ses compositions inédites aux sonorités orientales, à l'instar de Camel Jazz, exploitent à merveille le chipset sonore de la Mega Drive.

 

 

Mais pour autant, le jeu est loin d'être parfait. La difficulté du titre est particulièrement relevée, le gameplay manque parfois de précision, ce qui devient très vite irritant dans certaines phases de plateforme assez tatillonnes. Qui plus est, le jeu ne dispose pas de checkpoint en cours de niveau. À chaque mort, il faut donc recommencer l'intégralité du niveau traversé... Chouette...

De son côté, le titre SNES n'en était pas moins un excellent jeu, mais qui a souffert de l'absence d'une vraie vision créative, et d'un manque flagrant de prise de risque pour l'emporter, tout du moins à l'époque. Car si l'histoire a retenu l'expérience Mega Drive comme étant la meilleure dans les années 90, il reste que le jeu de Capcom est sans aucun doute le plus agréable à jouer de nos jours. Avec son gameplay ciselé et grâce à une belle lisibilité de l'action, il a conservé tout son plaisir de jeu.

 

Aladdin : photoQuand on parle de Nintendo's Touch

 

David Perry est ressorti de l'expérience Aladdin auréolé de gloire. Son jeu s'est écoulé à plus de 4 millions d'exemplaires sur Mega Drive, ce qui en fait l'un des jeux les plus vendus de la console. Un succès commercial qui lui permettra de fonder Shiny Entertainment par la suite. La version SNES a trouvé 1,8 million d'acquéreurs, ce qui en fait également une belle réussite financière. 

Malgré ces ventes excellentes, Disney a presque désavoué Capcom, en finissant par choisir d'adapter la version Virgin du jeu sur Amiga 200, DOS, mais aussi NES et Game Boy. Une claque pour la firme japonaise. 

Preuve s'il en est du statut culte des jeux Aladdin : le titre est ressorti en 2019 sur Switch, PS4 et Xbox One, accompagné du jeu Le Roi Lion. Évidemment, c'est la version Mega Drive du soft qui a été choisie pour cette compilation. La justice a été rétablie en 2021, avec la compilation Disney Classic Games Collection regroupant les versions SNES, Mega Drive et Game Boy des jeux Le Livre de la Jungle, Le Roi Lion et Aladdin.

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commentaires
RIADI SAMIR
28/11/2022 à 20:16

CASSETTE GEX OF JEU ARCADE FOR SNES
ALADDIN 1 & ALABBIN 1
ASTERIX & OBELIX 1 AND ASTORIX & OPHENIX 1

madyoyo
05/07/2022 à 14:09

Le fait que le boss final de la version megadrive soit aussi décevant vient du fait que l'équipe n'a eu que 3 mois pour développer le jeu, et ca se sent énormément sur la fin, d'ailleurs si on y regarde bien les 2 derniers niveau c'est les memes sprites juste recolorés.

Romiche
05/07/2022 à 09:00

Merci pour cette leçon !
Je ne savais pas du tout que les 2 jeux avaient été réalisés par des studios différents, et du coup ne comprenais jamais pourquoi je lisais souvent que la version MegaDrive était meilleure !
Je n'ai toujours joué qu'à la version SNES et pensais l'autre identique.
ça donne envie de l'essayer du coup

Tonton
05/07/2022 à 07:41

J'ai bien aimé à sa sortie, mais mes références en jeu Disney de l'époque vont vers l'excellent Quackshot et le tout aussi bon Castle of illusion, avec ensuite cet Aladin et Mickey et Donald.
Le tarzan sur Ps1 était également fun

Marvelleux
04/07/2022 à 21:43

Tarzan de Disney sur playstation 1, jeu sous-côté, Testez le pour voir.

Pablouchka
04/07/2022 à 18:21

Amiga 200 ou 1200 ;)

yannick
04/07/2022 à 18:08

Dans la version MD, il y a bien des checkpoints au cours de chaque niveau (une amphore qui se transforme en pseudo-tête de génie dans on passe devant), et pour le boss final, il y a aussi 2 phases avec Jafar qui se transforme en serpent, mais en effet, le joueur aguerri peut le dégommer en 2 coups de cuiller à pots sans même bouger (pour peu que son énergie soit au max)!

Cidjay
04/07/2022 à 17:19

Team Super Nintendo pour ma part,
les raisons sont surtout d'ordre technique, car même si les animations de la version Megadrive sont bien plus fluides, la palette de couleurs plus étoffée sur SNES rendait bien mieux et surtout la qualité des musiques étaient bien supérieures (la faute au chipset son tout pourri de la Megadrive). et il y avait le savoir faire Capcom qui rendait le jeu très agréable à jouer avec une super maniabilité.

JL Techer
04/07/2022 à 17:16

@Aktayr,
Merci beaucoup pour votre commentaire ! ^^

Pseudo1
04/07/2022 à 16:28

Perso, la version SNES a toujours été ma préférée., un vrai panard à jouer !

Et sérieux, Aladdin tient un sabre 3s dans le film, j'ai toujours été choqué de lui en coller un dans les pattes durant tout le jeu MD.

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