Steven Soderbergh affirme qu'il ne ferait plus des films comme Ocean's Eleven et Erin Brockovich

Geoffrey Crété | 11 août 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 11 août 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

De retour avec Logan Lucky après une pause, Steven Soderbergh porte un regard amer sur le milieu.

Curieuse carrière que celle de Steven Soderbergh. En 1989, il décroche la Palme d'or avec son premier film, Sexe, mensonges et vidéos, devenant à 26 ans le plus jeune réalisateur à ce jour. En 1998, après une traversée du désert et cinq films passés inaperçus, il est de retour avec Hors d'atteinte. En 2001, il est doublement nommé à l'Oscar du meilleur réalisateur pour Erin Brockovich et Traffic, et le remporte pour ce dernier. Entre 2001 et 2013, il tourne seize films, allant de la trilogie Ocean's Eleven au thriller Effets secondaires, en passant par des objets plus conceptuels comme Bubble et Girlfriend Experience. Et en 2013, il annonce mettre un terme à sa carrière cinématographique, exaspéré par l'industrie et ses dérives.

 

Affiche

 

Bien sûr, il a vite prouvé qu'il n'était pas si exaspéré que ça. En 2014, il est de retour avec la superbe série The Knick, dont il réalise tous les épisodes. Il produit ensuite l'excellente The Girlfriend Experience, adaptation de son film. Dans la foulée, il revient au cinéma avec Logan Lucky, un petit film de casse avec Channing TatumDaniel Craig et Adam Driver.

En pleine promo, Soderbergh a accordé une interview au New York Times, où il revient notamment sur sa carrière glorieuse des années 2000. Avec une décision très tranchée : il ne fera plus jamais le même genre de film grand public qu'il a réalisé par le passé, au cœur de l'industrie, dans des dimensions trop hollywoodiennes.

« J'ai vraiment perdu mon intérêt en tant que réalisateur - pas en tant que producteur ou spectateur - pour tout ce qui sonne comme important. Ça ne m'attire simplement plus du tout. J'ai laissé ça dans la jungle quelque part. »

 

Photo Magic Mike

Soderbergh sur le tournage de Magic Mike

 

Le réalisateur d'œuvres aussi différentes que ContagionSolaris et Ma vie avec Liberace explique avoir été marqué par le dyptique sur Che Guevara, Che - 1ère partie : L'Argentin et Che - 2ème partie : Guerilla, sortis en 2009. Un projet énorme, un tournage compliqué, une expérience difficile et une sortie douloureuse, le film ayant été un échec plus ou moins important en salles. Soderbergh est le premier à ne pas être satisfait du résultat.

Depuis, il affirme être repoussé par tout film dit prestigieux, de ceux qui sont vite considérés comme des candidats aux Oscars.

« Il y a des réalisateurs dont le nom signifie quelque chose pour l'opinion publique. Je n'en suis pas. (...) C'est très facile de faire un film que cinq personnes comprendront. C'est très difficile de faire quelque chose que plein de gens comprendront, sans pour autant être évident, avec de la subtilité et de l'ambigüité, et qui vous laisse quelque chose à faire en tant que spectateur. »

 

Photo Ma vie avec Liberace

Soderbergh sur le tournage de Ma vie avec Liberace

 

S'il cite Christopher Nolan et Martin Scorsese parmi ces cinéastes réputés et solides dont le nom compte, il parle également de M. Night Shyamalan, pour une autre raison. Soderbergh respecte ainsi la manière dont le réalisateur de Sixième sens et Incassable est revenu après des films plus modestes, comme The Visit et Split :

« Il est revenu à ses racines et s'est reconstruit, et est de retour là où il était. »

Si la question de la qualité des derniers films Shyamalan par rapport à ses premiers est à poser, Soderbergh a raison sur un point : après les déceptions au box-office du Dernier Maître de l'air et After Earth, Split a été un succès gigantesque, et il prépare activement la suite, Glass.

Soderbergh doit donc espérer que Logan Lucky marquera son grand retour triomphal dans un cadre plus indé, où il s'est façonné à l'origine. Le film sortira le 25 octobre en France.

Dans tous les cas, il ne s'arrêtera pas là. Il a aussi réalisé un téléfilm avec Sharon Stone intitulé Mosaic, censé donner la possibilité au spectateur d'interagir avec l'histoire, prépare un film sur les Panama papers, s'apprête à tourner le film d'horreur Unsane. Sans oublier Ocean's Eight, spin off de sa trilogie avec Sandra Bullock et Cate Blanchett qu'il produit.

 

Affiche

 

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commentaires
Geoffrey Crété - Rédaction
14/08/2017 à 00:28

@Grift

C'est moins un point de vue personnel qu'un décryptage des mots de Soderbergh. Erin Brockovich est une petite machine hollywoodienne, justement parce que c'est porté par une star (qui avait à l'époque reçu un cachet extraordinaire de 20 millions), calibré et façonné par un studio qui a voulu que le résultat soit mainstream, et l'a amené jusqu'à l'Oscar de la meilleure actrice (en plus de 4 nominations).

Si on enlève Julia Roberts et le parcours commercial, c'est un tout autre film. Et probablement le genre de film que Soderbergh ferait aujourd'hui. Il n'y a qu'à voir des oeuvres comme Full Frontal, Bubble, ou même Logan Lucky, avec un pitch très hollywoodien, des acteurs très hollywoodiens, mais un traitement et un système de production qui n'est pas dans le moule.

Et si Erin Brockovich semble encore aujourd'hui beaucoup moins banal et formaté, c'est certainement parce qu'il y a un élément peu commun : Steven Soderbergh. Il avait d'ailleurs clairement décidé de tourner ce film de studio avec une approché indé, ce qui lui donne cette énergie si spéciale.

Grift
13/08/2017 à 18:05

@Geoffre : oui j'ai bien compris. Et mon commentaire n'était pas une critique.

Apres je comprends bien votre point de vue, mais pour moi Erin Brockovich n'est pas ce que j'appellerais un film labellisé mainstream (même si il est clairement accessible pour qui veut le voir). Vous enlevez Julia Roberts du casting et son parcours commercial et aux oscars aurait été totalement different. Le sujet, le ton du film, le traitement de la love story est assez loin des critères qui séduisent le très grand publique.

De plus si on compare le film avec ce qui se fait aujourd'hui difficile (pour moi en tout cas) de trouver que c'est un produit calibré.

Geoffrey Crété - Rédaction
11/08/2017 à 21:44

@Grift

Soderbergh entend par là des films prestigieux, hollywoodiens, façonnés au coeur du système des studios. Ce ce qu'on explicite dans le paragraphe avant sa citation, qui manquait justement de clarté.

Et encore une fois : tout cela n'est pas forcément péjoratif, et en rien un jugement sur les films. Erin Brockovich est excellent dans son genre - genre qui reste du formatage hollywoodien qui coche diverses cases, et qui est allé jusqu'aux Oscars, comme un bon film "important" et prestigieux, porté par le système de sa production à son exploitation jusqu'à sa campagne pour la saison des prix ;)

Grift
11/08/2017 à 21:19

@Geoffrey Crété : merci pour l'explication. Le "pour tout ce qui sonne comme important" n'était pas aussi limpide que ce que vous préciser dans votre commentaire.

Et je trouve quand même qu'Erin Brockovich ne rentre pas tout fait dans ce moule, mais après c'est de l'appréciation personnelle :)

MystereK
11/08/2017 à 16:13

L'interactivité de Mosaic fonctionnera comme dans Late Shift ? Des questions apparaissent à l'écran pendant quelques secondes et le spectateur vote sur son smartphone où il a le choix entre 2 possibilités ?

Zanta
11/08/2017 à 14:56

Un téléfilm avec Sharon Stone ?
Mince, c'est sympa d'avoir pensé à elle, Steven.

corleone
11/08/2017 à 14:23

Bon bof... Ça sent pas bon non plus son Logan Lucky.

Geoffrey Crété - Rédaction
11/08/2017 à 12:55

@Grift

Soderbergh explique dans l'article du NY Times qu'il n'a plus aucune envie de refaire des films calibrés, prestigieux et mainstream, de pure industrie hollywoodienne. Ocean's Eleven et Erin Brockovich en sont deux bons exemples - et sans jugement de valeur sur les films eux-mêmes.

Par ailleurs, il précise bien que c'est d'un point de vue de cinéaste. En tant que producteur et spectateur, il explique que c'est différent. Et il produit Ocean's Eight, réalisé par Gary Ross.

Grift
11/08/2017 à 11:58

En lisant l'article j'ai du mal à faire le lien avec le titre...
Surtout si c'est pour conclure qu'il va faire Ocean's Eight non ?