Cannes 2016 : The Neon Demon, ou le génial nanar à paillettes de Nicolas Winding Refn

Simon Riaux | 20 mai 2016
Simon Riaux | 20 mai 2016

Depuis la redécouverte de la trilogie Pusher et le choc Bronson, Nicolas Winding Refn a été érigé en phénomène esthétique, navigant toujours entre genres populaires et démarche arty jusqu'au-boutiste. The Neon Demon marque-t-il l'avènement d'un auteur accompli, ou une nouvelle tentative d'épate autiste ?

Vendu comme un film d'horreur cannibale dans le milieu du mannequinat, The Neon Demon était aussi bien attendu par les détracteurs de Nicolas Winding Refn que ses fans inconditionnels, les uns guettant un ultime faux pas qui invaliderait le metteur en scène à l'ego hypertrophié, les autres espérant l'oeuvre définitive qui le consacrerait parmi les grands. Et il y a fort à parier que ses deux camps adverses seront également désarçonnés par la nouvelle proposition du cinéaste.

bande-annonce Cannes

 

Sorte de mille-feuille fluo inclassable, The Neon Demon se démarque très rapidement des précédents travaux de l'artiste, en versant rapidement dans la blague potache. Contretemps et répliques grasses émaillent le récit, jusqu'à le rythmer durant toute sa première partie, signe que le métrage est décidé à ne pas se laisser apprivoiser. Car si on entrevoyait dès sa promotion une série d'hommages au giallo et à l'oeuvre de Jodo, on ne s'attendait pas à ce que le film tourne à la déclaration d'amour au cinéma Bis, voire Z. Ainsi, c'est beaucoup plus de Jean Rollin que du Tony Scott de The Hunger que tient cette tentative en tout point surréaliste.

Passée la surprise de découvrir Refn se moquant ouvertement de son sujet et de ses personnages, il faut encore digérer la quantité invraisemblable de références et de clins d'oeils qu'enchaîne le film. Du saphisme de Vampyres au cannibalisme le plus gorasse, on aura également droit ici et là des rappels en direction de La Féline, ou des Griffes de la Nuit, sans oublier une petite incartade nécrophile, comme si le réalisateur avait tenté d'embrasser une multiplicité invraisemblable de sous-genre et d'univers.

bande-annonce Cannes

 

Et ce curieux attelage prend petit à petit des airs de délire absurde au fur et à mesure que l'imagerie de papier glacé parasite puis dévore littéralement l'identité visuelle de The Neon Demon. La farce comico-surréaliste vire alors à la pure hallucination, sorte de sommaire cocaïné de Vogue, où flottent une galerie de comédiennes un peu perdues entre parodie épaisse et performance éthérée. La chose devient alors si contradictoire, vide et pleine à la fois, qu'elle ne peut provoquer qu'une adhésion euphorique ou un rejet total, à la manière de ces nanars abscons que l'on regarde émerveillé, se demandant quelles pouvaient bien être les pathologies de leurs auteurs.

Le résultat ne craint jamais le too much, le surplace ou le ridicule, mais l'embrasse totalement. De la partition libidineuse de Keanu Reeves à l'intervention what the fuck d'un puma, en passant par les délires misogynes d'un créateur de mode échappé d'un Max Pecas sous acide, tout concourt à faire de l'ensemble une pièce montée jubilatoire, qui propose au spectateur autant de hauts-le-coeur que de fous rires nerveux.

 

bande-annonce Cannes

Devant cette richesse, cette imprévisibilité rafraîchissante, on regrettera en revanche que Nicolas Winding Refn se refuse toujours à s'appuyer sérieusement sur des personnages ou un scénario charpenté. Mais surtout, le metteur en scène doit rapidement se questionner sur le rapport qu'il entretient avec le public et son propre cinéma. Car The Neon Demon a beau être un geste passionnant,car dément, déviant et inclassable, il oublie en tentant de manger à tous les râteliers d'approfondir ses innombrables thématiques, qui se transforment souvent en fausses pistes et frustrations. Centré sur lui-même et le cercle restreint des amateurs d'inclassables curiosités, il risque de se retrancher un peu plus d'un public qui ne demande qu'à aimer les travaux d'un auteur parmi les plus doués de sa génération.

The Neon Demon

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commentaires
sylvinception
23/05/2016 à 16:13

"qu'il" l'a, pardon...

Par ailleurs gouyou31, que ça te plaise ou non "Drive" est un classique.

sylvinception
23/05/2016 à 16:11

"pour les films comme Drive plus accessible faudra repasser apparemment çà ne l'intéresse pas!"

Et c'est d'ailleurs bien pour ça qui l'a réalisé...

Dirty Harry
22/05/2016 à 13:20

Je lui préfère ses films lorsqu'il est proche des personnages que de son ego de metteur en scène..c'est bien de proposer de nouvelles formes, expériences mais si cela pouvait plus se charpenter sur un scénario solide et de bons personnages que l'on aime, bien ça donne ses meilleurs films (Pusher, Bronson, Drive...).

devono
20/05/2016 à 20:09

Certes, nicolas winding refn est un sacré fada mais c'est un auteur, il a chois son camp celui des artistes tels que david lynch ou jodorowski qui sont cinglés et que j'adore...un plus petit public d'avertis donc...pour les films comme Drive plus accessible faudra repasser apparemment çà ne l'intéresse pas ! voilou

devono
20/05/2016 à 20:05

vous ne comprenez rien vous n'êtes pas des cinéphiles... allez vous coucher !

regisdangelo
20/05/2016 à 17:26

Ben moi qui suis un Fan de Jean Rollin, j'attends ce film avec impatience.......

gu
20/05/2016 à 15:44

rien compris.

drocmerej
20/05/2016 à 15:25

Dire que le réal a un ego hyper-trophié est à mon avis bien mal le connaître et surtout ignorer son parcours notamment le fait qu'il a accédé du jour au lendemain ou presque à la reconnaissance (..). C'est plutôt un trait de caractère qu'il lui est assigné par les journalistes du fait de ce parcours.
En lisant davantage sur le film, j'ai l'impression qu'EL passe complètement à côté. Le film traîtant de narcissisme et de l'artificialité du milieu de la mode notamment, on peut penser que la mise en scène est volontairement tape à l'oeil. De même s'il va dans le potache, n'est-ce pas pour montrer l'état d'esprit du milieu décrit. Tout cela me fait bcp penser à un autre film dans lequel l'ironie était fabuleusement utilisée, Show girls de Verhoeven, film incompris s'il en est.

Blablabla
20/05/2016 à 13:37

Moi je le sens vraiment bien!
Une expérience cinématographique pour cinéphile en manque!

Seph
20/05/2016 à 11:09

On se passera de ton mépris et ta condescendance Lane, pars tranquille.

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