Deon Meyer : un auteur qui ne vrille pas

Sophie Sthul | 15 janvier 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Sophie Sthul | 15 janvier 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Nous vous parlions il y a peu de l’excellent thriller En Vrille. Son auteur, Deon Meyer est un paradoxe. L’inventeur d’une saga policière étonnante, unique et magnétique.

Pays à l’histoire heurtée, l’Afrique du Sud connaît une forte criminalité et est logiquement devenu un terrain d’élection privilégié pour les polars, thrillers et autres récits de genre particulièrement corsés. Pour autant, Deon Meyer se joue avec une facilité déconcertante des clichés et stéréotypes que charrie son pays, tout comme il semble déjouer les attentes que génère son propre C.V.

En Vrille Deon Meyer

On attend au premier abord de lui ce que l’on croit pouvoir deviner des anciens publicitaires reconvertis dans l’écriture. Un sens de la formule, du rythme, une capacité à accrocher le lecteur instantanément pour qu’il ne lâche plus l’ouvrage, c’est ainsi que l’on se figure le style clinquant des anciens pro de la communication.

Mais la langue de Meyer détonne par sa sécheresse, son aridité clinique et surtout sa simplicité. Aucune figure de style facile ici, plutôt un travail en profondeur des personnages, une construction qui accroche en creux le lecteur, une sorte de brûlure à froid qui, si elle prend son temps pour pénétrer le cerveau, le marque durablement.

Il faut dire que Meyer déjoue avec constance les ornières d’un genre pourtant ultra-balisés. Ainsi, l’alcoolique Benny demeure le flic au cœur de sa saga policière, le lecteur a systématiquement le sentiment d’assister à la progression d’une véritable équipe et ressent viscéralement les mécaniques internes aux personnages, comme autant de lignes d’un canon férocement dissonnant, mais progressant impavidement vers une issue toujours tragique.

En Vrille Deon Meyer

C’est que l’auteur ne se soucie guère de sauver l’âme de ses héros, ou de leur apporter la rédemption. Ainsi, si les figures de flics alcoolos sont légions, rares sont les incarnations littéraires à choisir des chemins de croix aussi extrêmes. Il n’y aura nulle rédemption pour Benny, nul abandon de la bouteille.

Non, dès Kobra, l’inspecteur était déjà un homme fini, ayant « bu sa libido », pas d’héroïsme ou dépassement de soi de dernière minutes chez Meyer. En revanche, la conscience aiguë de ses policiers en déroute que ce sont leurs vices et leurs imperfections qui leur permette d’appréhender le comportement criminel, de conclure leurs enquêtes.

En Vrille Deon Meyer

Une sorte de malédiction qui imprègnent ces thrillers que le soleil écrasant d’Afrique du sud hante, et qui paraît parfois limiter leur vélocité, les condamnant à de fausses plages de surplace, pour mieux leur conférer des fulgurances salvatrices ou destructrices.

Bref une arythmie qui s’avère toujours une des forces de ces textes inclassables, exotiques sans doute, mais qui parviennent avec brio à nous rendre soudain proche une société en bien des points radicalement différente de la nôtre.

En Vrille Deon Meyer

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