Cannes 2015 : Mountains May Depart, une Palme pour la Chine ?

Chris Huby | 22 mai 2015 - MAJ : 26/02/2019 12:00
Chris Huby | 22 mai 2015 - MAJ : 26/02/2019 12:00

Jia Zhang-ke est un habitué de la Croisette, depuis le début de sa carrière, nombre de ses films arrivent en sélection et remportent différents prix. Mountains may depart nous propulse en Chine, en 1999. Tao hésite entre deux hommes. L’un est promis à un avenir dans la finance, l’autre n’aura pas cette chance. Le triangle amoureux se brise à l’aune des grands changements dans le pays.

 Le cinéma du réalisateur chinois est toujours produit par la France et Office Kitano, il reste très mal vu dans son pays d’origine tant les thématiques, les critiques et les réflexions sur les bouleversements sociétaux qu'il décrit sont mal perçues par les autorités en place. Cinéaste dissident, il trouve encore une fois refuge dans le plus grand festival français.

Mountains May Depart relate une histoire amoureuse qui se divisera en trois parties. De son origine à ses conséquences, avec entre chaque segment une dizaine d’années de séparation. Le cinéaste étire son récit jusqu’en 2025, évoquant une Australie futuriste, terre d’accueil de plus en plus prisée par ses compatriotes. Plus anglophones que les locaux, les chinois immigrés se retrouvent pourtant en total manque de repères au bout de quelques années. Ainsi, le fils de l’héroïne cherchera à vivre la liberté à tout prix, alors qu’elle semble paradoxalement déjà là.

La cause de ce trouble qui agite magnifiquement le récit nous est donnée dès la première partie, tournée en quasi documentaire au format 1.33, dans une Chine qui danse sur le GO WEST des Pet Chop Boys. En 1999, l’idée d’un futur, d’un grand virage, est enfin concrète. L’arrivée des ressources économiques va bouleverser tout le paysage, les mines de charbons, les habitations, les habitudes, jusqu’à l’existence même des millions de petits ouvriers. Il va donc falloir choisir son camp rapidement, quitte à se déshumaniser en grande partie, s'exiler, adopter la vie de Shanghai comme modèle.

Comment souvent dans l’œuvre de Jia Zhang-ke, l’argent est l’élément destructeur d’un pays qui vivait en communauté. Dans les premiers plans, on voit des gens unis, amis, proches, et au fur et à mesure du temps, ils s’abandonnent, se trahissent, s’isolent. Les mineurs tombent malades. Ces derniers font partis d’un passé que personne ne veut emmener avec lui, un symbole personnifié évidemment par le second prétendant, celui qui sera le grand sacrifié de l’histoire.

Le cinéaste propose encore une fois une œuvre forte, encore plus maitrisée que ses précédents films, qui joue sur la temporalité sans jamais perdre le fond de son message, certes pessimiste. Un chef-d’œuvre complexe, mais d’une rare finesse, qui intéressera avant tous ceux qui connaissent la Chine ou qui sont inquiets de l’emprise de l’ultra libéralisme sur toute la planète.

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commentaires
E. Di Rienzo
22/05/2015 à 14:25

Jia Zhang Ke n'est plus depuis longtemps un cinéaste dissident et le principal producteur du film n'est pas la France mais Shanghai Film Group qui est une société publique