American Sniper : polémique guerrière pour le dernier franc-tireur d'Hollywood

Simon Riaux | 19 février 2015
Simon Riaux | 19 février 2015

Alors que le film de Clint Eastwood consacré à la vie de Chris Kyle, sniper le plus mortel de l’armée américaine, est sur le point d’atteindre les 300 millions de dollars au box-office américain, la polémique quant au message du film enfle, outre-Atlantique mais aussi en France.

Si le film ne nous semble pas mériter les accusations d’impérialisme, de conservatisme voire de néo-fascisme dont il écope actuellement, ces polémiques ne sont pas nées sans raison. Attendu dans les salles françaises le 18 février prochain, nombreux sont les spectateurs à se demander si cette sortie attendue ne cacherait pas un délire idéologique soutenant la politique menée par le président Bush au début des années 2000. Explications.

 

LE RETOUR DE L’INSPECTEUR HARRY

Tout est parti pour ainsi dire, d’une banale histoire de Magnum. Lorsque sort L’Inspecteur Harry en 1971, le film et sa vision expéditive de la justice font écho à une terrible vague de violence criminelle qui ensanglante les U.S.A.

La célèbre critique du New Yorker Pauline Kael ne le voit pas ainsi et estime que le métrage constitue « une attaque remarquablement bas du front contre les valeurs libérales » et que le film permet «au potentiel fasciste du cinéma d’action de faire surface ».

Une critique qui sera largement reprise en rance et ne fera que s’amplifier au fil des années. Les nombreuses œuvres d’Eastwood en tant que réalisateur, souvent nuancées voire progressistes dans des domaines tels que l’euthanasie (Million Dollar Baby) n’y feront rien. Le metteur en scène républicain sera souvent jugé à l’aune de son appartenance politique.

 

LE CHOIX DES ARMES

Et le fait est que Clint Eastwood, défenseur du droit de chaque citoyen américain à porter arme, soutien clair et déclaré au camp républicain, n’a pas choisi avec American Sniper d’adapter n’importe quel texte.

L’autobiographie de Chris Kyle, aussi passionnant que soit le témoignage livré par le soldat, est assez impitoyable quand il est question de ses ennemis et des populations rencontrées par le militaire. Il n’hésite ainsi pas à dépeindre les combattants irakiens comme autant de sauvages et rappelle que son empathie va avant tout à ses frères d’armes tombés au combat.

Le soldat affirme en outre avior pris parfois du plaisir à faire son devoir, et revendique le au moins deux meurtres sur le territoire américain, l'un pendant l'ouragan Katrina, l'autre tandis que des hommes auraient tentés de lui voler sa voiture. Aucun de ces deux récits n'a jamais pu être vérifié.

Des positions suffisamment marquées pour que les détracteurs de Clint Eastwood voient dans son investissement le retour de ses « vieux démons ».

 

 

POINT DE VUE ET POLITIQUEMENT CORRECT

Comme nous le disions dans notre critique, le metteur en scène a fait le choix de ne pas réaliser American Sniper comme un tract pour ou contre les guerres menées après le 09/11.

Il n’utilise pas ici le cinéma pour questionner les responsabilités du cinéma américain et préfère mettre les mains dans le cambouis. Comprendre, aller au front aux côtés de Bradley Cooper, métamorphosé en Chris Kyle et interroger le symbole plutôt que l’homme.

Il se demande ainsi (comme dans Mémoire de nos pères et Lettres d’Iwo Jima) quelle vérité se cache derrière la statue du Héros. Un positionnement subtil, louable, mais qui rend possible sa propre caricature.

 

 

TWITTER TIRE A VUE

Et c’est sans doute là le problème. L’Amérique et les cinéphiles du monde entier ont pu voir déferler la haine sur les réseaux sociaux au lendemain des premières projections d’American Sniper.

De nombreux spectateurs y ont vu le récit d’un martyr, là où il faudrait y voir selon le nous l’autopsie d’un fantasme, à savoir la démonstration que les mythes américains entraînent une répétition perverse et destructrice de la violence.

D’où un raz de marée de messages guerriers et racistes, une partie du public criant haut et fort sa haine des arabes, des musulmans et de tout ce qui ne lui apparaît pas comme purement américain.

Il nous semble donc au final que la polémique actuelle est principalement l’objet d’un double malentendu. De la part de ceux qui cherchent à perpétuer une vision ultra-politisée et belliqueuse de Clint Eastwood (quand bien même il s’évertue en interview à dégoupiller cette idée), et de la part de ceux qui le rendent coupable de la mauvaise interprétation de son œuvre.

Un reproche en creux particulièrement problématique, car on ne saurait tenir un artiste pour responsable de l’interprétation erronée de son travail, à moins de considérer qu’il existe des points de vue, des subtilités et des positions interdites en art. Voilà qui constituerait un bien triste retour de la morale.

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commentaires
Ded
20/02/2015 à 13:07

Eastwood il est vrai, ouvre des portes mais ne les referme pas... Les stock-shots finaux, au son mélancolique de "The Funeral" ainsi que le générique qui s'ensuit, sous forme de "minute de silence", car dénué de toute bande son, sont suffisamment éloquents. L'Amérique fête ses "héros"... "God blessed america !"
A méditer : N'était-il pas TER-RI-FIANT ce "méchant" petit bonhomme avec sa grosse grenade qui, s'il n'avait pas été abattu comme un chien par le psychopathe de service, se serait de toute façon fait dégommer par les "gentils" soldats armés jusqu'aux dents encadrant le char et ce, avant même qu'il ait pu esquisser le moindre geste menaçant ?!

dominique
20/02/2015 à 01:33

C'est un p....de bon comme tous les films de Clint Eastwood!

SsilasS
19/02/2015 à 14:47

Je rejoins Bolderiz. Je l'ai vu hier, et c'est juste un putain de bon film. Pas la peine de créer une polémique à 2 bales pour ça.

bof
18/02/2015 à 15:53

@Gollem13 "Je n'ai pas vu le film, mais..." tu ferais mieux de te taire, du coup.

Bolderiz
18/02/2015 à 14:59

Et si c'était juste un putin de bon film????

Gollem13
18/02/2015 à 14:40

Je n'ai pas vu le film, mais la description que j'ai lu de l'homme dont on y fait le portrait ici et sur d'autres sites ne m'encourage pas à laisser le bénéfice du doute à Eastwood. Il faut le dire clairement, ni le réalisateur, ni le sujet du film, ni le contexte de sa sortie ne plaident en sa faveur. Je laisse d'autres aller se palucher sur l'histoire d'un mec qui se vente d'avoir dessoudé 150 arabes.

Kyle Reese
17/02/2015 à 15:03

J'avais bien compris qui en faisait une interprétation erronée. Mais, sans avoir encore vu le film, je questionne juste la validité de la qualifier d'erronée. J'ai lu plusieurs critiques (de spécialistes du cinéma, comme vous), qui trouvent ce film patriotique, voire encourageant (ou tolérant) le bellicisme.
Qui a raison ? Peut-être que le film ne tranche pas et trouve sa force (ou sa faiblesse) dans son ambiguïté, justement...
J'ai souvent trouvé que c'était la force d'Eastwood dans nombre de ses films : réserver son jugement.

Simon Riaux
17/02/2015 à 09:00

L'interprétation erronée, c'est celle des excités de la gâchette tels que vous envoyez sur la capture d'écran plus haut.
Le film n'encourage en rien le bellicisme. Et ceux qui le vivent comme tel l'utilisent à de fins très discutables.

Euvd
17/02/2015 à 06:51

@Sonnik: La critique de P. Kael fait référence à l'Inspecteur Harry et non American Sniper.

Kyle Reese
16/02/2015 à 23:36

J'ai dû relire certaines phrases plusieurs fois pour les comprendre à cause des nombreuses coquilles. Merci pour tout votre travail sur ce site, mais prenez deux minutes supplémentaires pour vous relire avant de poster !
D'autre part, la structure argumentative de l'article n'est pas des plus claires, surtout entre la partie sur le "politiquement correct" et "twitter tire à vue".

Quant à la conclusion... vous parlez d'interprétation erronée. Eastwood a-t-il communiqué sur le sens de son film ? Si oui, et s'il a clairement expliqué qu'il était là pour montrer la perversité du fantasme, alors vous avez raison, et il n'est peut-être "coupable" que de maladresse. Sinon, alors l'interprétation des pro-Kyle n'est pas forcément erronée. Ce n'est qu'une interprétation comme la vôtre.

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