UGC Orient-Express : dernière séance

Je ne croyais pas l'écrire un jour cher UGC Orient Express, mais tu vas me manquer. Il n'y a pas si longtemps encore tu n'évoquais chez moi que la brutale désillusion qui fut la mienne quand je découvrais, débarquant fraîchement de mon fief auvergnat, que le cinéma qui portait ton auguste nom n'avait rien de l'apex filmique tant fantasmé, mais tout du centre névralgique de la crouille intergalactique. Puis, apprenant la nouvelle de ta fermeture prochaine, je réalisais que mes sentiments envers toi avaient lentement mais sûrement pris une tournure des plus embarrassantes, pire, tu étais devenu le premier appendice de multiplexe à m'émouvoir.

Ta devanture, dont les néons hésitants auraient fait passer une ruelle de Blade Runner pour un sommet d'esthétisme bourgeois, tes alcôves au taux d'humidité caribéen, tes sièges brinquebalants, le ronronnement du RER à mes pieds, le son du film dans la salle d'à côté, la mélopée squameuse des coups de reins d'un voisin de rangée plus intéressé par les arcanes gynécologique de sa promise que par les photogrammes projetés sur un écran qui n'avait de grand que le nom, la mine enfiévrée du cinéphile scrutant ton programme à la recherche d'un film loupé, déjà éjecté du circuit traditionnel, tes choix de programmation tantôt salvateurs, inattendus, incohérents ou courageux ont fini par me susurrer si doucement à l'oreille qu'aujourd'hui, le parfum des gamètes séchées me rappelle instantanément les primesautières senteurs de tes salles.

On me dit que tu ne disparaîtras pas purement et simplement, que ton ogre de cousin, l'UGC les Halles, se verra gratifié dans un futur indéterminé d'une demie-douzaine de salles. Puissent-elles être collantes, bordéliques, prêtes à accueillir ces films qu'on ne verrait pas sans elles. Cher UGC Orient Express, mardi 21 janvier viendra pour toi l'heure de la dernière séance, sache que tu nous manqueras. Un peu.