La vie d'Adèle : L'auteure de la BD réagit à la Palme d'or

Matthieu Leniau | 29 mai 2013
Matthieu Leniau | 29 mai 2013

Julie Maroh, l’auteure de la BD Le bleu est une couleur chaude dont s'est inspiré Abdellatif Kechiche pour La Vie d'Adèle, a tenu à réagir à la Palme d’or reçu par le film.

Sur son blog, l’auteure s’est penchée sur les évènements qui ont mené le réalisateur franco-tunisien à s’inspirer de son album pour le film. Jusqu’à la récompense que tout le monde connait : «Tout ce qui me traverse ces jours-ci est tellement fou et démesuré que je ne saurais vous le retranscrire. Je reste absolument comblée, ébahie, reconnaissante du cours des évènements.»

Dans un premier temps, elle revient sur l’entente agréable entre elle et le metteur en scène, à la suite d’une «rencontre qui m’a poussée à lui faire confiance. Je lui ai stipulé dès le départ que je ne voulais pas prendre part au projet, que c’était son film à lui. Peut-être est-ce ce qui l’a poussé à me faire confiance en retour.»

Des rencontres destinées au partage, où les expériences de l’une et de l’autre se retrouvaient : «On a parlé de la perte du Grand Amour, des personnages, de la vie.» Concernant leurs histoires respectives, elle explique «qu’aucun de nous n’avait une intention militante.» Même si elle reconnait ensuite que «le simple fait de parler d’une minorité telle qu’elle soit participe à en défendre la cause.»

Julie Maroh revient ensuite sur les différences entre son oeuvre et le film de Kechiche, qu’elle accepte avec lucidité : «Pour moi cette adaptation est une autre version / vision / réalité d’une même histoire. Aucune ne pourra annihiler l’autre. Son héroïne principale a un caractère très éloigné de la mienne, c’est vrai.» Enfin, elle tire un chapeau au résultat global de cette adaptation : «Ce qu’il a développé est cohérent, justifié et fluide. C’est un coup de maître. Pourtant, étant l’auteure du Bleu j’y retrouve toujours beaucoup du livre.»

 Avec une certaine honnêteté, l’auteure s’étend ensuite sur certains aspects du film moins maitrisés selon elle : «Il me semble clair que c’est ce qu’il manquait sur le plateau : des lesbiennes. C’est ce que ça m’évoque : un étalage brutal et chirurgical, démonstratif et froid de sexe dit lesbien, qui tourne au porn, et qui m’a mise très mal à l’aise. En tant que spectatrice féministe et lesbienne, je ne peux donc pas suivre la direction prise par Kechiche sur ces sujets.» Sans toutefois jeter la pierre au réalisateur, puisqu’elle reconnait une certaine homogénéité dans ses choix : « Certes, ça me semble très éloigné de mon propre procédé de création et de représentation. Mais la façon dont il a choisi de tourner ces scènes est cohérente avec le reste de ce qu’il a créé.» Consciente de ce qui l’attendait, elle exprime son respect pour le film, qu’elle ne voit pas comme une trahison. «C’est un objet destiné à être manipulé, ressenti, interprété.»

Toujours avec un maximum de retenue et de distance, elle aborde le comportement du cinéaste tunisien à son égard au fil de l’élaboration du projet : «Kechiche n’a pas eu un mot pour moi à la réception de cette Palme. Je ne doute pas qu’il avait de bonnes raisons de ne pas le faire, tout comme il en avait certainement de ne pas me rendre visible sur le tapis rouge à Cannes alors que j’avais traversé la France pour me joindre à eux, de ne pas me recevoir – même une heure – sur le tournage du film, de n’avoir délégué personne pour me tenir informée du déroulement de la prod’ entre juin 2012 et avril 2013, ou pour n’avoir jamais répondu à mes messages depuis 2011.» Une déclaration accablante après les multiples prises de paroles de certains techniciens du films, qui appuyaient le manque de considération et de respect de Kechiche envers ses techniciens. Mais Julie Maroh dit «ne pas en garder d’amertume», et met en avant cette unique phrase prononcée par le réalisateur le soir de la projection officielle cannoise, «Merci, c’est toi le point de départ», en lui serrant la main très fort.

Une aventure contrastée pour l’auteure, dont on veut bien croire qu’elle préférera se souvenir d’un certain dimanche 26 mai : «Cette nuit j’ai réalisé que c’était la première fois dans l’histoire du cinéma qu’une bande dessinée avait inspiré un film Palme d’Or, et cette idée me laisse pétrifiée.»

Vous pouvez consulter l'intégralité du billet ici.

 
 
Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.