Notre Scorsese préféré

Simon Riaux | 13 décembre 2011
Simon Riaux | 13 décembre 2011

Martin Scorsese nous offre avec Hugo Cabret un vibrant cri d'amour au cinéma, qui aura fait couler quelques larmes au sein de la rédaction. Quoi de plus naturel, dès lors, que de retourner la politesse au maître, et nous réunir pour évoquer une carrière plus que riche. La team EL, armée d'une cinéphilie et d'un bon goût à toute épreuve, vous propose donc sa sélection de ses Scorsese préférés.

 

 

Laure Beaudonnet : Les nerfs à vif

Choisir parmi les films de Martin Scorsese, c'est comme se soumettre au choix du moindre mal entre marcher avec une jambe en mousse et porter des pantalons africains toute sa vie. Un dilemme insurmontable car le cinéaste a su construire une filmographie truffée de chefs d'œuvres, en particulier pendant sa longue période De Niro. Les Nerfs à vif, remake du film éponyme de Jack Lee Thompson, est un thriller psychologique époustouflant. Scorsese libère son film du joug de la filiation en lui conférant ce qu'il faut d'angoisse pour lui dessiner une personnalité à part entière. Robert de Niro endosse le rôle Max Cady, l'ex-taulard assoiffé de vengeance, à la perfection, menant son public dans les tréfonds de l'angoisse. Non seulement le casting est parfait, petite mention à la performance de Juliette Lewis en petite sotte, mais le film repose sur une tension permanente, glorifiée par la bande originale. Un cauchemar qui enseigne le sens du mot « échec » à la sauce Cady.    

 

 

Louisa Amara : Casino

Notre rédac chef bien aimé nous donne parfois des missions impossibles, celle de choisir un seul film de Scorsese est bien corsée. Mais puisqu'il faut choisir, ce sera Casino. Dans ce film Robert De Niro est au sommet de son art. Des plans resteront gravés à jamais dans nos mémoires, comme celui de l'explosion de la voiture au ralenti avec une musique de Bach. Tout le talent de Scorsese est dans cette séquence, du pur génie.

 

  

Nicolas Thys : After Hours


Scorsese délaisse De Niro et ce qui faisait le succès de ses films précédents pour une petite comédie noire sans prétention. Pourtant tout y est extraordinaire, des effets de montage et de son à la réalisation perturbante et drôle. Il utilise des acteurs peu connus alors, des visages tout au plus, et pourtant : Griffin Dunne trouvera son heure de gloire, Rosanna Arquette son plus beau rôle, Linda Fiorentino ne sera jamais plus intéressante et Catherine O'Hara campe déjà la psychotique qu'elle sera plus tard. D'autres seconds rôles importants complètent une distribution des plus atypiques comme Verna Bloom, Will Patton ou Teri Garr. Il en résulte une description on ne peut plus intime et pourtant grossière de New York la nuit et du cauchemar d'un homme pris dans les déambulations des rêves d'autres personnes. Le film, cyclique, pourrait être vu comme un songe. Il est l'un des ovnis de la carrière de Scorsese avec À tombeau ouvert, son film le plus déconcertant mais aussi l'un des plus personnels peut-être et son plus beau.

 

 

Tonton BDM : À tombeau ouvert

Regarder À tombeau ouvert, c'est s'embringuer pour une nuit interminable aux côtés d'un Nicolas Cage en quête de rédemption, en proie à ses cauchemars et à ses obsessions ; le spectateur est purement et simplement plongé au fin fond des ténèbres aux côtés d'un être brisé, livré à ses doutes existentiels et pour qui la nuit ne sera que bruit, fureur, défonce, hallucinations, rock'n'roll et allégorie christique, le tout déchiré par le son des sirènes et les lumières des gyrophares. Scorsese le formaliste se lance, vingt ans après son chef d'œuvre After hours, dans une nouvelle épopée des paumés (puissance 10 !), et jongle avec les cadres, s'affranchit de la durée, charcute le montage avec la virtuosité qu'on lui connait, collant au rythme de la musique ou des bruitages de ce chaos infernal qu'est la nuit. Du côté du spectateur, peu d'empathie mais un ride puissant, emporté que l'on est par l'ivresse et l'insomnie ambiante, avec dans le fond de l'œil une hébétude dérangeante, comme issue d'une remuante descente de psychotropes, et la vague sensation que tout va beaucoup trop vite, que Sisyphe, la vie, la mort, Jesus Christ, toi, moi, c'est hier, aujourd'hui, demain, c'est maintenant, c'est toujours, c'est sans cesse... Et que la seule issue de tout ça, c'est la mort. Putain de bad trip !

 

 

Sandy Gillet : Raging Bull

Le film le plus ambitieux et le plus abouti de son auteur brossant à la fois l'intime d'une icône et son époque. Scorsese est alors à l'apogée de son Art et de ses choix artistiques (Ahhhh ce N&B). Depuis il a quasiment fait aussi bien (Les Affranchis / Casino / À tombeau ouvert...) mais quasiment « seulement ».

 

 

 

Stéphane Argentin : Casino

Entouré d'un casting de stars au sommet de leur talent (le trio De Niro - Stone - Pesci, magistral), Scorsese accouche d'une fresque épique et flamboyante dans les coulisses de la cité de tous les vices (sexe, drogue, argent...). Grandiose.

  

 

Jonathan Deladerriere : After hours

Annonçant avec malice et maîtrise d'autres films du même acabit comme le Fargo des frères Coen ou Un plan simple de Sam Raimi, After  Hours reste à ce jour tout aussi jouissif. Illustré avec un vrai sens du rythme et un découpage ultra-efficace, ce petit modèle d'écriture happe un spectateur conquis après une première bobine déconcertante. Prix de la mise en scène mérité à Cannes en 1986, ce film assez méconnu du Dr. ès cinéma est à (re)découvrir d'urgence pour tous ceux qui se sont dit au moins une fois : " je sens que j'vais passer une journée de merde"... Un pur régal !

 

  

Patrick Antona : Les Affranchis

Film intermédiaire dans la saga mafieuse de Martin Scorsese, entre Mean Streets et Casino, ce film demeure comme l'un des meilleurs films de gangster jamais faits, évitant l'hagiographie baroque à la Coppola ou la déglingue azimutée à la Ferrara, taillant sa route par une peinture réaliste de caractères hauts en couleur et servie par des comédiens mémorables. Oscillant entre le paternaliste (De Niro) et le sanguin (Pesci), sous les yeux de l'affranchi candide (Liotta), on éprouve une réelle sympathie pour ces "bons potes" (aka Good Fellas), que ce soit dans les moments jubilatoires où dans ceux où la violence inhérente à ces chantres du crime se déchaîne. Mais ce sentimentalisme n'empêche en rien Scorsese d'être critique sur ce monde qui se veut au-dessus des lois, et de réussir à en tirer une morale douce-amère en rien lénifiante, et à nous imprimer de manière définitive les notes du "Gimme Shelter" des Stones dans notre cerveau.

 

 

Laurent Pécha : Taxi driver

Le film qui fit entrer Scorsese dans la cour des grands avec à la clé une des plus légitimes Palme d'Or de l'Histoire. C'est aussi l'une des plus mémorables performances de De Niro. Un duo alors capable de prendre tous les risques artistiques pour dresser un portrait glaçant d'une société traumatisée et en perdition. Rarement une descente aux enfers n'aura été aussi fascinante. Et l'image de ce taxi jaune s'engouffrant dans les vapeurs nauséabondes d'une ville gangrenée par la violence sur la musique de Bernard Herman, reste l'une des plus fortes que j'ai pu voir au cinéma. Et restaurée en 4K pour ajouter au plaisir rétinien.

 

  

Simon Riaux : Gangs of New York

La carrière de Scorsese regorge de films admirablement maîtrisées, de chefs d'œuvre matriciels, à tel point que ces mastodontes font souvent passer Gangs of New York pour un film mineur, moins abouti, trop inégal. C'est oublier l'impact parfois sidérant de ses images, les envolées tour à tour opératiques, intimistes et barbares de sa mise en scène. Ambitieuse, cette genèse de fureur et de sang l'est sans doute trop, mais renoue jusque dans les excès de son gigantisme avec une certaine idée du cinéma, grandiose, libre, et profondément enraciné dans l'humain. Ou comment filmer l'acte de naissance d'une civilisation, à travers un parricide symbolique, apothéose qui laissera Daniel Day-Lewis et Leonardo Di Caprio mutilés et exsangues, tout comme le spectateur, lessivé par l'ampleur d'un récit qui pousse dans leurs retranchements les motifs et obsessions de son auteur.

 

 

Vincent Julé : Martin Scorsese Presents... The Blues

Si l’œuvre de cinéaste de Martin Scorsese est un monument, il ne faut oublier celle de mélomane. Il a ainsi réalisé No Direction Home sur Bob Dylan, Shine a Light sur les Rolling Stones ou récemment Living in the Material World sur George Harrison, mais il a aussi et surtout produit The Blues, anthologie de sept documentaires sur l’histoire du blues. Dont Feel Like Going Home, qu’il signe lui-même et qui est l’un de ses plus beaux films.

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