Cinéma des Antipodes 2011 à St Tropez : Jour 1

Julien Foussereau | 14 octobre 2011
Julien Foussereau | 14 octobre 2011

C'est dans une belle atmosphère d'été indien qu'a débuté la compétition des 13èmes Rencontres internationales du cinéma des Antipodes. Pendant une semaine, le cinéma australien et néo-zélandais est à l'honneur au cinéma Renaissance de Saint Tropez. Le jury, présidée par l'artiste touche à tout australienne Helen Buday, devra décerner un palmarès parmi 7 films en lice. 

 

La question aborigène dans l'Australie contemporaine aura hanté cette première journée de compétition. Toomelah d'Ivan Sen en serait le versant pessimiste quand Mad Bastards de Brendan Fletcher prierait pour des jours meilleurs. Le fait que la révélation Dean Daley-Jones, tank métisse charismatique, joue dans les deux films appuie forcément ce trouble.

 

 


 

 

Toomelah prend place dans la réserve aborigène éponyme située à l'extrême nord de la Nouvelle Galles du Sud.  Là, Daniel, petit gamin teigneux de 10 ans, fait l'école buissonnière et suit de trop près une petite frappe locale dealeuse d'herbe. Il n'est pas aidé en cela par des parents démissionnaires ravagés par l'alcool à brûler et la drogue. L'avenir de Daniel, apprentie petite frappe, apparait bouché alors que sa grand-tante revient après 50 ans d'absence. Déjà présentée à Un certain regard à Cannes, cette production modeste (tournage en BetaCam, réalisée, éclairée, montée par Ivan Sen) dresse un constat implacable sur les blessures aborigènes impossibles à refermer, entre les séquelles des Générations Volées (ces natifs enlevés de force par le gouvernement australien pendant un siècle afin de les « civiliser ») et un présent en forme d'impasse. En témoignent les conditions de vie précaires dominées par la violence domestique et un oubli du fier passé de ce peuple noyé dans l'alcool frelaté et les substances prohibées. La réalisation d'Ivan Sen est dépouillée mais ne manque pas pour autant d'imagination avec son recours au grand angle écrasant les êtres dans un environnement souillé par la violence des rapports, les ordures et les carcasses rouillées de voiture. Sen laisse à penser que les programmes scolaires commençant enfin à faire cas de l'héritage aborigène est une des meilleures solutions pour leur redonner une fierté existentielle. Ce qui est sans doute vrai. Seulement, on garde réellement de Toomelah cet échange terrible entre Daniel et sa grand-mère lasse sur son futur. « Et pour devenir quoi ? »

 

 


 

 

Plus léger dans son approche, Mad Bastards comporte également son lot de scènes peu folichonnes. En Australie, le mad bastard, c'est le fou furieux, une personne capable de passer de 0 à 100 sur l'échelle de la violence rageuse. TJ, un aborigène métisse marqué par la taule, quitte la ville après un barfight de trop pour aller se réfugier dans le bush et, par là même,  faire la connaissance de son fils de 13 ans filant, lui aussi, un mauvais coton. Construit autour de plusieurs portraits d'individus, essentiellement des acteurs criant de vérité (le point faible de Toomelah en comparaison), Mad Bastards prend, au fur et à mesure, les atours d'un voyage initiatique impliquant un retour aux sources et à une reconnexion avec la beauté sauvage de l'Outback pour les indigènes déracinés. Dans la peau de TJ, Dean Daley-Jones porte le film sur ses larges épaules de colosse métisse. Il n'a pas eu besoin de chercher bien loin pour ce rôle car c'est essentiellement sa vie qui est portée à l'écran : celle d'un déraciné cherchant à acquérir une paix intérieure.

Demain, nous rencontrerons les membres du jury pour une série d'interviews. Puis on enchaînera avec 3 films en compétition. Si l'Australie et la Nouvelle Zélande sont en octobre une terre d'ovalie pour la coupe du Monde de Rugby, en France c'est son cinéma que l'on va vous faire découvrir et aimer. A demain pour un nouvel épisode !

 

 

 

 


 

 

 

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