Venise 2010 : Jours 5, 6 et 7

La Rédaction | 7 septembre 2010
La Rédaction | 7 septembre 2010

On avait bien raison de faire confiance à Tsui Hark. Plus d'une décennie à attendre que le grand Tsui retrouve la forme d'antan et le voilà qui débarque à ce Détective Dee and the mystery of the phantom flame, grande aventure sous forme d'enquête façon Nom de la rose ponctuée de combats virevoltants dont seul l'auteur de The Blade a encore le secret. Au passage, le cinéaste signe l'un de ses films si ce n'est le film le plus international de sa carrière. On vous en parle plus longuement dans notre critique à lire ici (3,5/5).

L'autre film de la compétition de ce dimanche, c'était Essential killing du réalisateur polonais, Jerzy Skolimowski avec dans le premier et quasi seul rôle à l'écran, Vincent Gallo. Dans une version intellectuelle et épurée du premier Rambo, Gallo est un terroriste (?), un taliban (?), un Américain ayant été converti à l'islam (on ne le saura jamais) qui tue trois Américains en Afghanistan. Fait prisonnier et transporter dans un camp secret en Europe pour être interrogé, Mohammed (Gallo) parvient à s'échapper et commence alors une traque impitoyable dans une forêt enneigée. Essential killing, c'est l'histoire vieille comme le monde de l'homme qui se transforme en bête et est prêt à tout pour survivre, même à tuer (d'où le titre du film). Skolimowski se défend d'avoir voulu faire un quelconque film politique ni un « vulgaire » film d'action. Ce qui l'intéresse uniquement, c'est la transformation de son « héros » pour parvenir à se sortir vivant de cette traque. Sans quasiment aucun dialogue (du moins significatif), Essential killing tire magnifiquement avantage de la beauté des éléments naturels dans lequel évolue son personnage principal. Le charisme et l'intensité du jeu de Vincent Gallo qui semble habiter par le rôle, aident aussi beaucoup à l'efficacité (relative) du récit.

Mais, plus les minutes filent et plus l'intérêt du projet devient anecdotique. D'autant que les péripéties sont plus d'une fois tirées par les cheveux (Gallo, c'est vraiment le mec qui n'a pas de chance : il se prend le seul piège à loup du coin, il se place juste à l'endroit où l'arbre tombe,...). Au final, on se dit qu'on préféra toujours se faire un double programme Rambo et Into the wild plutôt que ce mineur Essential killing qui tente en vain de prendre le meilleur des deux mondes. (2/5)

Lundi 6 septembre, c'était la journée « enfants terribles » d'Hollywood. Entre la présentation officielle de Essential Killing avec Vincent Gallo, celle à la presse de Promises written in water de et avec Vincent Gallo et la présentation officielle du très attendu I'm still here de Casey Affleck, le documentaire sulfureux sur ce qu'est devenu Joaquin Phoenix depuis qu'il a arrêté le cinéma, ça sentait le souffre sur toute la Mostra.  Avec I'm still here, on a pris une belle claque et on vous en parle longuement ici. (4,5/5)

 

Quant au Gallo, cela conforte encore une fois et même plus que d'habitude l'incroyable mégalomanie de son auteur. Joué, réalisé, produit, écrit, monté et mis en musique par le monsieur, Promises written in water (beau titre) ne risque pas de faire l'unanimité, mais il est bien difficile de ne pas être fasciné par ce séduisant personnage qui élève le nombrilisme au rang d'art. Impossible de savoir vraiment ce que Gallo a voulu raconter (il joue un homme riche abandonné  par sa petite amie, qui s'improvise croque-mort et qui tombe sous le charme d'une jeune femme malade) mais le bonhomme le fait avec une telle abstraction et libéré de toute contrainte narrative ou formelle. On a le droit ainsi à une séquence dingue où il répète 8 fois la même phrase, un peu comme s'il avait mis toutes les prises de la scène bout à bout. On peut passer presque 5 minutes à le voir fumer une clope en faisant les 100 pas dans sa chambre. Ou encore, découvrir, sans aucun son, le corps de sa compagne dans son plus simple appareil avec une totale absence de pudeur. Le tout dans un noir & blanc granuleux magnifique. Et puis lorsqu'on parvient à rationaliser ce que le cinéaste veut nous faire partager, il s'offre le luxe de tout faire voler en éclats, nous laissant désabusé mais conquis devant tant de singularité. Mégalo certes mais doué et sacrement attachant ce Gallo là ! (3,5/5)

Dans un registre plus serein, on a découvert l'un des favoris (du moins des critiques internationales) pour le Lion d'Or, The Ditch.  Film surprise de la sélection le nouveau film de Wang Bing a reçu un très bon accueil. Prototype même du film à festival (sujet fort - survie dans un camp de rééducation en 1960 - tournage dans la clandestinité la plus totale) The Ditch raconte les trois derniers mois de la vie d'un camp de travaux forcés où l'on creuse un improbable fossé dans le désert de Gobi. Une chronique de la (sur)vie d'un groupe de pensionnaires sacrifiés par le parti au nom du grand bond en avant de Mao Zedong. Catalogue de douleur et de mort lente (famine, dysenterie, cannibalisme), rien ne nous est épargné. Mais le réalisateur reste à distance respectable et évite de peu la contemplation malsaine et l'ennui. Plans séquence lancinants et hypnotiques, découpage minimal (un unique plan serré vient capter l'agonie d'un vieil homme qui dicte une lettre à sa famille), absence de musique et dialogue réduit au strict minimum, bande son minérale. Malgré cette rigueur, Wang Bing parvient à émouvoir, notamment lorsqu'une femme apparaît à la recherche du corps de son époux et erre hébétée en plein désert. (3/5

Mardi 7 septembre ou la journée tant redoutée par la team Ecran Large. Enfin, plus par Laurent qui sera le seul à avoir le courage de se lever aux aurores (projection à 8h15) pour aller se sacrifier devant Noi credevamo. Pourquoi une telle réticence : parce que c'est italien et que ça dure 204 minutes !!! L'avantage avec le film de Mario Martone, c'est qu'il annonce la couleur d'entrée : aucune intention de mise en scène, une musique solennelle écœurante et des dialogues non stop. Et c'est parti pour une fresque historique totalement insipide censée nous passionner sur la constitution de la République italienne au 19ème siècle. On l'a donc testé pour vous : si le sujet vous intéresse, prenez un livre d'Histoire, vous y gagnerez sur tous les registres. Quant à la possibilité de voir le film au palmarès du jury présidé par Tarantino, on préfère évacuer cette pensée de notre esprit. Le cinéma ne peut pas mourir à Venise ! (0,5/5)

Heureusement qu'un peu plus loin sur la Méditerranée, ils savent faire du vrai cinéma. La projection du film grec Attenberg de Athina Rachel Tsangari, a eu comme effet immédiat de nous réconcilier avec la compétition. Pas évident sur le papier, cette histoire d'une jeune femme de 23 ans au chevet de son père malade découvrant sa sexualité grâce aux conseils de sa meilleure amie et l'arrivée d'un étranger dans sa petite ville côtière, donne l'occasion à la réalisatrice de dresser un portrait extrêmement touchant. Porté par l'interprétation saisissante de naturel de la débutante, Ariane Labed, Attenberg prend son temps, tâtonne même quelques temps non sans brio (les délires musicaux et dansants de deux amis en tête) pour trouver au juste moment l'émotion nécessaire entre relation intime singulière entre un père et sa fille et éveil au désir sexuel. Une belle œuvre qui mériterait de repartir avec un prix samedi prochain. (4/5)

Et la journée du mardi se conclue avec la présentation officielle, en compétition, du nouveau film d'Alex de La Iglesia, Balada triste de trompeta. Une visite mouvementée dans l'Histoire de l'Espagne qui pêche comme souvent chez le cinéaste par une générosité mal maîtrisée. Vous pouvez lire notre critique détaillée ici. (3/5)

Petit film tchèque hors compétition, Surviving Life (theory and practice) de Jan Švankmajer peut en rebuter plus d'un. Ressemblant à un patchwork d'animations façon Terry Gilliam, de bricolage à la Michel Gondry et d'idées tout droit sorties du générique de Dard D'art ! (l'émission de France 2), le long-métrage se décrit lui-même dans un prologue comme une comédie psychanalytique. Mêlant habilement les théories de Jung et de Freud sur l'interprétation des rêves, le réalisateur nous conte l'histoire d'Eugène, homme obnubilé par ses songes tellement que réalité et fiction finissent par ne faire plus qu'une dans cette œuvre slave. Pas inintéressant pour son point de vue ironique sur la psychanalyse, Surviving Life (theory and practice) lasse par un choix de mise en scène trop papier mâché de CE1.

En route maintenant pour la projection du soir avec une certaine Venus noire, le nouveau (long) film d'Abdellatif Kechiche (160 minutes).

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