Venise 2010 : Compte-rendu jours 2, 3 et 4

Laurent Pécha | 6 septembre 2010
Laurent Pécha | 6 septembre 2010

Le festival aurait-il commencé bien trop fort avec Black swan (lire notre critique) ? Après trois jours à errer dans les salles obscure de la Mostra, la réponse, de notre côté, est plus qu'affirmative. Pas l'embryon d'un film qui arrive ne serait-ce qu'à la cheville de l'opus de Darren Aronofsky. Il faut dire que la sélection est sans doute, jusqu'à ce samedi 4 septembre au soir, l'une des plus faibles vues à Venise depuis 5 ans.

A commencer par la blague du festival : la sélection italienne. Deux films déjà (et on en attend encore 3 dont n qui dure juste... 3h 24 !!!) et un verdict sans appel : les descendants de Risi, Fellini, Scola ou encore Visconti sont juste de sacrés bras cassés. La chance pour le lecteur d'Ecran Large, c'est qu'il ne verra jamais ces œuvres transalpines passées notre frontière. C'est du filmage direct pour la télévision de la Rai et cela n'a aucune ambition cinématographique un tant soit peu estimable. La Pecora nera, c'est 93 minutes de parlottes dans un asile entre deux acteurs que l'on a envie de baffer toutes les deux minutes pour se prendre dans la face un vieux twist tout pourri à la 6ème sens (c'était un dédoublement de la personnalité et l'un n'existe pas !!!). Quant à La Passione vu en retard suite à la pluie de « compliments » de certains collègues français (on ne nommera pas les noms mais certains sont sortis au bout de 15 minutes), c'est de la comédie supra lourde qui n'a rien mais alors rien à faire dans une compétition aussi prestigieuse que celle de la Mostra. Et, le lecteur intégriste pourra s'offusquer puisque pour faire de l'excès de zèle, on est resté juste deux fois plus longtemps que les autres.  

 

Pour se remettre à voir du cinéma, Tran Anh Hung, l'auteur de L'Odeur de la papaye verte, peut aisément être un bon placement. Presque bonne pioche puisque Norwegian wood fait partie de ce que l'on a vu de mieux en compét depuis 4 jours. Malheureusement trop long (133 minutes, c'est un poil gourmand pour le sujet), le film de Tran Anh Hung évoque avec tact et une belle pudeur la tragique histoire d'amour d'un jeune homme pris entre deux femmes dans le Japon des années 60. Des comédiens remarquables et une qualité technique toujours aussi impressionnante font de Norwegian wood une œuvre finalement assez touchante.

Ce qui est loin d'être le cas du pudding concocté par Julian Schnabel dans Miral. En retraçant la véritable histoire de Rula Jebreal, Schnabel se pose en donneur de leçons sur le conflit israélo-palestinien, mais sa manière de le schématiser à travers ses divers interprètes, frise plus d'une fois la simple démagogie. Alors, certes, les intentions sont des plus louables mais lorsqu'on finit par ne retenir que la beauté phénoménale de Freida Pinto (en palestinienne !!!), il y a forcement quelque chose qui cloche dans ce Miral là.

 

Ce que l'on retient dans Happy few, film français d'Anthony Cordier, c'est avant tout la capacité du quatuor de comédiens (Marina Foïs, Nicolas Duvauchelle, Elodie Bouchez et Roschdy Zem) à se mettre si aisément à nu (au sens propre comme au figuré) dans cette comédie de mœurs sur l'état du couple en ce début de millénaire. L'échangisme est au cœur du récit puisque l'histoire nous fait suivre les coucheries entre deux couples qui échangent leur partenaire respectif. Une vision gaie de l'union libre qui fonctionne plutôt bien jusqu'à ce que le film, dans son dernier tiers, reprenne une direction bien trop connue pour nous rappeler que tout ceci est bien utopique. Dommage, on y aura cru et la séquence de l'amour à 4 dans la farine fait partie des belles scènes de sexe vues sur un écran depuis quelques années.

Jeudi 2 septembre était sous le signe du maître du polar hong-kongais, John Woo. Alors que la Mostra allait lui remettre un Lion d'Or pour sa carrière, rien de tel que trois séances pour se rappeler pourquoi le cinéaste de A toute épreuve mérite largement ce prix. Premier arrêt avec The Killer annoncé dans une copie restaurée. Une heure de queue et une bataille de tous les instants (on a eu les deux dernières places) pour s'apercevoir que ce qu'ils appellent ici restaurée, c'est juste un abus de réducteur de bruit pour masquer les scratchs de pellicule. Résultat, c'était un peu le flou artistique sur pas mal de gros plans. Mais qu'importe tant le plaisir de revoir l'un des meilleurs John Woo, le plus significatif de son style, est énorme.

Deuxième arrêt, le nouveau film du maestro, Reign of assassins. Un film qu'il s'est contenté de « codiriger » mais qui indéniablement laisse entrevoir sa patte. Notamment dans une deuxième partie, la meilleure et de loin (les 40 premières minutes étant relativement imbittables, sorte de version mal branlée de Tigre & dragon), où les fantômes de Volte/Face font plus que surface. Une photo magnifique, des effets sonores saisissants, des combats à la chorégraphie aussi lisible que délirante, permettent d'emporter le morceau sur le tard, rappelant que Woo avait bien démarré dans le wu xia pian avant d'exploser avec Le Syndicat du crime.

A Better tomorrow, voilà le troisième et dernier arrêt de notre soirée John Woo. Sauf qu'il ne s'agissait du film original mais du remake coréen auquel le réalisateur est associé en tant que producteur exécutif. Une bonne surprise même si l'utilité de la chose reste encore à démontrer tant la seconde partie du métrage colle au plus près de l'original sans apporter véritablement sa pierre à l'édifice. Mais la qualité de son interprétation, le style viscéral de la mise en scène, les emprunts assumés à Woo dans les gunfights, et un final plus sombre font de ce A better tomorrow une belle réussite mineure.

On ne va pas s'étaler sur Somewhere puisque Sofia ne l'a pas vraiment fait non plus. On vous renvoie à notre critique ici. Autre film de la compétition qui ne nous aura pas marqué, le russe Le dernier voyage de Tanya. Celui-là aura toutefois l'énorme mérite de ne durer que 75 minutes. Un calvaire court qui permet de se rappeler qu'austérité et beauté font toujours autant bon ménage dans l'univers cinématographique russe. Cette histoire de deuil et de tradition qui se perdent, possède certes une vraie force émotionnelle mais rien n'y fait, c'est définitivement trop russe pour nous.

Si on n'était pas très emballé depuis mercredi, que dire de la journée de samedi 4 septembre. Jour noir sur la Mostra qui avait connu pourtant son mini Tsunami la veille (voir les photos de Nico).

 

 

Après un Potiche de François Ozon très plaisant dans le cadre d'un festival pas vraiment porté sur la gaité (lire notre critique), ce fut le festival du néant cinématographique. On commence en force avec The Child's Eye, le nouveau étron des frères Pang. Et en 3D s'il vous plaît. Ceux qui crachaient sur les effets 3D du Choc des titans, Le dernier maître de l'air et même Piranha 3D, peuvent se calmer. Le Pang movie est une pure arnaque du genre avec effets foireux toutes les dix minutes et plus fort, la possibilité d'enlever les lunettes par moments pour voir le film sans aucun souci en 2D. Quant au film à proprement dit, on le qualifiera juste d'un des plus mauvais films du monde. Une histoire d'une connerie inouïe, un esthétique proche du néant, des effets de peur que l'on pensait interdit à jamais, une absence totale de rythme, une fin qui n'en finit pas de ne pas finir (Le Retour du roi, c'est un court-métrage à côté), un twist final qui atteint des sommets dans le n'importe quoi,...Bref, LA daube du festival, de l'année, de la décennie ! Et si quelqu'un a le pouvoir de faire arrêter les films sur les fantômes asiatiques, qu'il agisse...et vite !

Quelques minutes plus tard, retour à la sélection avec Meek's cutoff de la réalisatrice, Kelly Reichardt, encensée dans nos pages pour Old joy. Ce qui ne va pas être le cas pour son nouveau film, une sorte de Malick de la loose totale. Un western sous forme de road movie à la lenteur abyssale où il ne se passe rien si ce n'est Bruce Greenwood qui cabotine comme un fou. Filmé dans un format 1.33 aussi abscons que son récit, Meek's cutoff dévoile timidement des thèmes éculés sur la construction de l'ouest américain et s'offre le loisir de laisser ses vaillants spectateurs sur un final particulièrement désabusant pour ne pas dire irritant et je-m'en-foutiste.

Et vous prendrez bien un dernier pour la route. Allez, un film chilien prénommé Post Mortem. Une étrange histoire d'amour entre un compteur de cadavres à la gueule sinistre et une danseuse de cabaret sur le retour et trop maigre pour son job. Vive le glauque et c'est parti pour un récit bien singulier mais qui dérape très vite par le manque total d'empathie pour ce couple hors normes. Il est temps de partir se coucher en espérant que demain, Tsui Hark va nous réveiller cette Mostra en berne.

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