Hors-la-loi de Bouchareb : polémique justifiée ?

Vincent Julé | 21 mai 2010
Vincent Julé | 21 mai 2010

Cette année, les films français en compétition ont fait dans l'historique. Après Bertrand Tavernier et sa Princesse de Montpensier, Xavier Beauvois et ses moines assassinés, Rachid Bouchareb s'attaque à une page trouble de notre Histoire en évoquant les prémices de l'indépendance de l'Algérie. C'est le film polémique d'un festival incroyablement mou (du quasi jamais vu sur la Croisette où les montées des marches sont souvent alimentées par des gens de la télé réalité, tout fout le camp !). Car, avant même qu'il soit publiquement montré, Hors-la-loi déclenche les foudres de ceux qui considèrent que le film a réécrit l'Histoire, au profit du peuple algérien notamment. Première conséquence de cette excitation sans grand intérêt (surtout qu'on a vu le film), l'accès à la grande salle ce matin pour la projection de presse du film, était pour le moins complexe avec un triple fouillage des sacs.

Alors que reproche t-on à l'équipe qui nous avait offert Indigènes ? Essentiellement de ne pas montrer le massacre de Sétif du 8 mai 1945 qui ouvre le film comme il s'est déroulé et mettant essentiellement en évidence le massacre des manifestants algériens par l'armée française sans évoquer la mort de nombreux colons européens. Un constat erroné puisque lors de cette séquence inaugurale, la meilleure et de loin du film (mise en scène, montage, intensité), on découvre bien que les deux camps subissent des pertes. Bien sûr, l'accent est mis totalement sur les pertes algériennes et heureusement au vu du décompte final : une centaine de morts pour les européens contre plusieurs milliers pour les manifestants. Mais tout ceci est un faux débat et une polémique stupide tant Bouchareb ne fait pas ici un documentaire mais un film ancré dans une certaine réalité historique. Son intérêt est de montrer à quel point le souvenir douloureux de ce massacre (ils y perdent leur père et leurs sœurs) dicte à jamais le destin des trois héros du film, solidement campés par le trio d'Indigènes (Jamel Debbouze, Roschdy Zem, Sami Bouajila).

En ce sens, le cinéaste gagne son pari et pendant une grosse demi-heure qui va réunir les trois frères en région parisienne, on suit avec intérêt sa fresque sur fond de constitution du FLN. Seulement, là où Bouchared avait tenu son récit dans Indigènes (en s'inspirant à mort de Il faut sauver le soldat Ryan, ça aide), il se perd vite dans la complexité des ramifications de son histoire souvent bien trop rocambolesque. Malgré une photo vraiment magnifique et un souci de reconstitution historique à saluer, Hors-la-loi peine terriblement à sortir du statut de téléfilm luxueux dans lequel il s'enfonce de minute en minute. Pour finir par devenir après 139 longues minutes, un gros pétard mouillé. Il semble encore et toujours  loin le temps où le cinéma français parviendra à revisiter son Histoire la moins glorieuse avec la justesse et le talent de son homologue américain.

Laurent Pécha

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