Décès de Youssef Chahine

Nicolas Thys | 27 juillet 2008
Nicolas Thys | 27 juillet 2008

Le cinéaste Egyptien et francophone le plus célèbre et le plus célébré, Youssef Chahine, dans le coma depuis près de deux mois suite à une hémorragie cérébrale, nous a quitté à l'âge de 82 ans après une carrière longue de 57 ans et plus de 40 films, son dernier film, Le Chaos, étant sorti l'année passée. Réalisateur engagé il était l'un des derniers vétérans du cinéma encore en activité. Ne reste guère désormais de cette génération magnifique qui enfanta des importants réalisateurs que Manoel de Oliveira qui fêtera son centenaire cette année et tourne toujours.

 

 

 

Né en 1926, Chahine sera réputé tout au long de sa carrière pour son engagement politique et social important, fréquemment confronté à la censure n'hésitant jamais à critiquer le régime en place et toute forme d'intégrisme. A 21 ans il quitte l'Egypte pour Les Etats-Unis où il étudie le cinéma. Il revient 3 ans plus tard et tourne son premier film en 1950 : Papa Amin, une comédie musicale qu'il détourne afin d'y apposer une touche réaliste inhabituelle. Son deuxième film en 1951, Le Fils du Nil l'emmène à Cannes pour la première fois d'où il repart bredouille.

 

 

 

 

Il construit dès lors une œuvre forte, marquée par un détournement ou une hybridation des genres à des fins politiques et sociales mais aussi par une forte implication réaliste. Tout en se démarquant d'une esthétique documentaire il prend en quelque sorte la suite en son pays des réalisateurs égyptiens Abd al-Ghani Kamal Salim qui, dans La Volonté en 1939, cherchait à décloisonner un cinéma qui se complaisait dans la farce et le mélodrame chanté en allant tourner dans les rues, et Salah Abou Sief, autre figure majeure du courant réaliste et critique du cinéma égyptien.

 

 


 

En 1954, Chahine découvre Omar Sharif qu'il fait débuter dans Soleil éclatant (parfois appelé Ciel d'enfer) et avec qui il tournera 2 autres films : Le Démons du désert la même année et Les Eaux noires en 1956. Imprégné de cinéma américain, il acquiert une véritable indépendance stylistique avec Gare centrale en 1958, son onzième film et premier véritable chef d'œuvre dans lequel il détruit la linéarité du récit et joue beaucoup sur le rythme afin de créer une atmosphère particulière lui permettant d'explorer la gare du Caïre à travers le regard et la vie d'un vendeur de journaux.

 

 

 

Les années 60 voient le cinéma égyptien nationalisé et paradoxalement plus facilement soumis à la censure mais disposant de plus de moyens financiers. Chahine, très renommé dans son pays, et d'autres cinéastes jouent alors au chat et à la souris avec les censeurs, s'adonnant à une critique en règle plus ou moins masquée. Il tourne alors Saladin, film historique, en 1963. A partir de 1968 et des films comme Les Gens du Nil ou La Terre l'année suivante, son implication sociale s'accroit encore.

 

 

 

 

La décennie suivante, avec une modification politique radicale voit la production cinématographique égyptienne alors florissante s'effondrer. Chahine est l'un des rares à sortir son épingle du jeu. A l'étranger seuls ses films restent visibles. Il réalise plusieurs films importants dont Le Choix, Le Moineau et surtout Alexandrie Pourquoi en 1978, premier volet d'une tétralogie plus ou moins autobiographique qu'il poursuivra avec La Mémoire en 1982, Alexandrie encore et toujours en 1990 et Alexandrie New-York en 2004.

 

 

 


 

A partir de 1980 il tourne moins mais reste très présent et réalisera rien moins qu'une dizaine de longs-métrages jusqu'en 2007. Son engagement ne tari pas et en 1984 il fait même un court séjour en prison pour avoir diffusé un film interdit par la censure. Ces années voient à la fois son hégémonie sur la scène internationale lors des grands festivals et l'apparition d'une nouvelle génération de cinéastes qu'il a pris sous son aile comme Atef Al-Tayyeb ou Daoud Abdel Sayeb. A partir de 1985 et Adieu Bonaparte ses films deviennent très souvent des coproductions avec la France. En 1986 il fait tourner Dalida dans Le Sixième jour. La consécration cannoise arrive après 46 ans d'attente en 1997 avec Le Destin, sa dernière œuvre majeure pour laquelle il reçoit le prix du 50eme anniversaire du festival. Il tournera encore 4 films longs et 2 courts.

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