Palmarès Venise 2007

Thomas Douineau | 8 septembre 2007
Thomas Douineau | 8 septembre 2007

La Mostra de Venise s’est achevée samedi soir dernier et l’heure est maintenant au bilan. Le premier constat à dresser tourne autour de la sélection officielle. Il confirme après la victoire surprise de Still Life l’année dernière l’émergence d’un cinéma chinois venu en force sur les terres vénitiennes avec pas moins de cinq films. Un éventail varié permettant d’esquisser les bouleversements d’une société en pleine mutation, entre la modernité galopante des pôles urbains et le détresse des populations rurales (soit la grande majorité). On sera, en revanche, plus circonspect quant à la qualité de la sélection tant la présence de films comme Dans la ville de Sylvie, Sleuth ou L’Ora di punta (accueilli par les sifflets de la presse italienne) détonnait avec le reste de la compétition d’un des festivals les plus prestigieux au monde.

 

Un jugement qui nous amène inévitablement au Lion d’Or de cette année. Lust Caution, l’imposante fresque historique de Ang Lee qui aura laissé de marbre Julien Foussereau, le seul de la rédaction à l’avoir vu. Un couronnement assez prévisible car, une fois que l’on sait que le film n’a aucune chance de sortir en Chine compte tenu de son sujet fleurant bon le souffre (voir critique) et que la classification NC-17 de la MPAA le prive de l’imposant circuit américain de salles classiques, la justification politique du jury coule de source. Cela justifie-t-il la mise en scène étrangement platounette d’un Ang Lee que l’on a connu autrement plus inspiré ou l’ennui toujours plus palpable à mesure que le film progresse ? Clairement, non… hormis pour Zhang Yimou, président du jury et roi de l’académisme pompier made in China depuis quelques temps. On attendait de ce jury, composé majoritairement de réalisateurs, qu’il sacre le sang neuf… comme La Graine et le mulet d’Abdelatif Kechiche, le chouchou du public et de la critique, ou encore Lee Kang-Sheng et son étonnant Help me Eros. Au lieu de ça, ils ont choisi de faire entrer Ang Lee dans l’histoire en en faisant le seul cinéaste à réaliser deux consécutivement deux films raflant le Lion d’Or (Brokeback Mountain en 2005, sans accroc et maintenant les vertiges neurasthéniques de Lust Caution)

 

Tout n’est cependant pas à jeter dans ce palmarès empreint d’une certaine ironie lorsque Brian de Palma remporte le prix de la mise en scène pour Redacted, un de ses films qu’il « possède » le moins dans la mesure où il brasse un nombre non négligeable d’images ne lui appartenant pas (blogs, Internet, etc.). Que dire du prix d’interprétation féminine attribuée à Cate Blanchett… pour un rôle tout ce qu’il y a de plus masculin dans I’m not There (Bob Dylan période défonce) ? Saluons quand même les victoires incontestables du scénariste Paul Laverty pour son brillant portrait d’une neo esclavagiste ordinaire dans It’s a free world et de la jeune espoir Hafsia Herzi, révélation du Kechiche. Regrettons également l’absence au palmarès des Amours de D’Astrée et Céladon par Eric Rohmer et Le veilleur de nuit selon Peter Greenaway, tous deux très inspirés.

 

Enfin, on terminera ce compte-rendu par un ras le bol face à la traditionnelle tonalité sérieuse des palmarès de festivals voulant que l’on récompense des drames ou apparentés. Que l’on soit à Cannes, Venise ou Berlin, quand on doit exposer sa vision du monde, il faut que cela soit à tout prix du lourd, du pathos, de la larmichette coulant sur la joue. Aux jours d’aujourd’hui, la comédie demeure encore une catégorie indigne des récompenses suprêmes. Pourtant, nous n’aurions pas été contre une victoire de Darjeeling Limited, le dernier opus de l’excellent Wes Anderson parce que, dissimulé derrière la fraîcheur de ses perles comiques absurdes, le film parle autant du couple mal-être occidental / détresse orientale que Dans la vallée d’Elah, ronflante pièce montée signée Paul Haggis. CQFD.

 

Lion d'or
Lust, caution d'Ang Lee

 

Lion d'or d'honneur
Bernardo Bertolucci

 

Lion d'argent (meilleur réalisateur)
Brian De Palma pour Redacted

 

Prix spécial du jury ex aequo
La Graine et le mulet d’Abdellatif Kechiche
I’m not there de Todd Haynes

 

Lion d'or spécial pour l'ensemble de son oeuvre
Nikita Mikhalkov (venu présenter 12)

 

Coupe Volpi d’interprétation féminine
Cate Blanchett dans
I’m not there

 

Coupe Volpi d’interprétation masculine
Brad Pitt dans L'Assassinat de Jesse James

 

Prix Marcello Mastroianni du meilleur jeune espoir
Hafsia Herzi dans La Graine et le mulet

 

Osella du meilleur scénario
Paul Laverty pour It's a free world 

 

Osella de la meilleure contribution technique
Rodrigo Prieto pour Lust, caution 

 

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