Livre : Le roman de Hollywood

Patrick Antona | 26 juin 2006
Patrick Antona | 26 juin 2006

Le Roman de Hollywood, écrit à quatre main par Edward Meeks (héros éternel de la série TV Les Globe-Trotters) et sa femme la romancière Jacqueline Monsigny, se présente comme un panorama plus ou moins exhaustif de la Mecque du Cinéma, tout en ne versant pas dans l'hagiographie rébarbative et mielleuse. De la découverte des rivages californiens par des explorateurs espagnols au 16ème siècle jusqu'à l'avènement des séries TV à succès qui chamboulent la donne en ce début de 3ème Millénaire, les auteurs ont égrené de manière plus ou moins chronologique les évènements marquants qui ont forgé la légende de Hollywood.

Cette chronique possède une valeur informative assez fluctuante, oscillant entre le riche (du muet jusqu'à la Seconde Guerre mondiale) et le plus anodin (les années 70 réduites au trio Coppola-Lucas-Spielberg). On peut la considérer comme un digest plaisant à lire, situé entre la série des romans Moviola de Garson Kanin et les brûlots de Peter Biskind (Le Nouvel Hollywood, Sexe mensonges & Hollywood). Sans vouloir entrer sur le terrain polémique que ce dernier a si brillamment exploité, les auteurs du Roman de Hollywood lèvent quand même le voile sur les débuts glorieux des pionniers du cinéma, fuyant New York où sévissait un véritable racket initié par Thomas Edison, s'installant à Los Angeles pour y trouver leur Paradis, et où finalement la loi de l'argent se substituera très rapidement aux ambitions artistiques. De l'instauration du système des studios, du star-system et de ses excès, de l'avènement du parlant et du destin terrible vécu par certains des grandes vedettes de l'époque (Fatty Arbuckle, Rudolph Vanlentino) jusqu'à l'arrivée du code Hayes, destiné à « moraliser » le cinéma, tous les événements cités par Edward Meeks et Jacqueline Monsigny épousent avec précision l'ascension irréversible qui fit de Hollywood la vitrine de l'Amérique. Mais ils restent prudent concernant certains faits sulfureux qui ont défrayé la chronique, passant sous silence les doubles-vies des stars, les liens entretenus avec la maffia ou l'égocentrisme forcené des grands moguls de l'époque, véritables tyrans qui supervisaient les carrières et les vies de leurs « protégés ». Pour tous ces sujets plus épineux, il vaut peut-être mieux se plonger dans le mythique Hollywood Babylon de Kenneth Anger.


Mais passées ces quelques réserves, toute cette première partie se révèle être des plus agréables à lire, rythmée par le gimmick du dialogue cru entre Franck Capra et son producteur, le redoutable Harry Cohn, destinée à introduire les grandes innovations techniques de l'époque (le parlant, le dessin animé). En revanche, la suite est plus routinière. À part l'évocation passionnante de ces débuts devant la caméra sur le tournage du Jour le plus Long, ou les rencontres avec certaines gloires du passé (dont Rita Hayworth avec une phrase lourde d'un sous-entendu dramatique), les années 60 sont prestement expédiées, réduites grosso-modo à Easy Rider ou Steve McQueen, ce qui est carrément réducteur pour une époque qui a bouleversé de manière durable le monde du cinéma. On peut aussi jouer aux esprits chagrins en relevant çà et là quelques erreurs : ce n'est pas Charles Manson qui a assassiné Sharon Tate mais des hippies sous son influence. Mais le récit réussit à redresser la barre sur la fin, en refaisant dans l'anecdotique, avec par exemple les commentaires acerbes des comédiens (dont François Truffaut) oeuvrant sur les premiers films de Steven Spielberg. Ou encore en mettant le focus sur cette nouvelle machine à créer des stars que la télévision est devenue, avec les séries Friends et Desperate Housewives qui sont érigés comme les modèles d'un Nouvel Hollywood qui se met en place, où la petite lucarne se révèle être moins frileuse à s'attaquer aux problèmes de société et à bousculer certains tabous.


En gardant une vision objective de ce que Hollywood représente, tout en restant un tant soit peu en surface (au fond ce n'est qu'une histoire de spectacle), Edward Meeks et Jacqueline Monsigny ne se sont pas lancés dans une relecture de l'histoire du cinéma américain mais ont tenté, en choisissant certains destins plus emblématiques que les autres, de donner une certaine image de ce qu'il semble respecter au plus haut point. Il ne serait pas inconvenant de décrire Le Roman de Hollywood comme un bon roman de plage (n'y a-t-il pas du suspens, de l'amour, des drames à l'intérieur ?) que l'on peut déguster au gré des chapitres, et y trouver in fine matière et envie pour se replonger dans des études plus approfondies (à l'image des autres livres précités) une fois les vacances terminées.

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