Bande originale du Terminal

Christian Lauliac | 17 septembre 2004
Christian Lauliac | 17 septembre 2004

Que le préambule qui suit me soit pardonné. N'en déplaise à certains amateurs, sans doute trop attachés à figer les années quatre-vingt dans un mausolée affectif au-dessus de toute réévaluation, John Williams est entré depuis dix ans dans un âge d'or sans comparaison avec les premières années de sa carrière. Évidemment, bien loin de moi l'idée de réduire la valeur d'œuvres aussi emblématiques et magistrales que sont La Guerre des étoiles, Rencontres du troisième type ou encore Superman, mais je trouve les musiques de John Williams, depuis La Liste de Schindler, plus surprenantes les unes que les autres. Le style et la parenté d'inspiration sont bien les mêmes, mais tout y est plus varié, l'écriture encore plus sûre d'elle-même sans doute. Par-dessus tout, l'inspiration est plus profonde, la construction des partitions est plus organique, Williams travaillant à un resserrement de l'étendue thématique pour se concentrer au creusement de celle-ci. Si les premières grandes partitions symphoniques du compositeur visaient une certaine dynamique centrifuge, avec pléthore de thèmes et motifs, son style actuel serait au contraire davantage centripète (tourné vers son centre de gravité), et par là même traduit une plus grande concentration de l'écriture. Les manifestations les plus réussies de ce « Williams nouveau » étant selon moi les partitions de A.I. et de L'Attaque des clones. Enfin, en 2002, quel compositeur de musique de films pouvait prétendre aligner des partitions aussi différentes que celles de Minority Report, Harry Potter ou Arrête-moi si tu peux ?

Cette année, la collaboration John Williams-Steven Spielberg célèbre son trentième anniversaire. Et celle-ci est loin de devenir routinière. Au contraire : force est de constater que les deux artistes semblent s'inspirer mutuellement, leur travail étant maintenant placé sous le signe évident de la maturité. Pourtant, les partitions de Amistad, A.I. ou Arrête-moi si tu peux ne semblent pas destinées à rester aussi célèbres dans l'inconscient collectif que celles des Aventuriers de l'arche perdue, des Dents de la mer ou de E.T., ce qui serait bien dommage tant ce que John Williams compose depuis quelques années compte parmi ses partitions les plus riches. Le Terminal ne déroge pas à cette tradition, en opérant une juste synthèse de plusieurs facettes du compositeur, du symphonisme brillant au jazz, expression plus secrète du compositeur, mais qui fut pourtant très présente au début de sa carrière, lorsqu'il était pianiste de studio pour Henry Mancini ou Elmer Bernstein, ou compositeur habile des séries kitsch d'Irwin Allen (Perdus dans l'espace ou Au cœur du temps). Cette nouvelle partition continue là où s'arrêtait la veine mélodique un peu jazzy d'Arrête-moi si tu peux, mais sans que Williams donne le sentiment d'avoir recours à d'anciennes recettes. Le thème principal (The Tale of Victor Navorski) est un rondo allègre et concertant, qui séduit aussitôt l'auditeur en mettant en valeur le timbre chaleureux de la clarinette solo. Le tout est enlevé avec la science coutumière du compositeur. Science qui tend à se faire de plus en plus rare dans la musique de film contemporaine, il faut quand même le reconnaître, non sans amertume. Le reste de l'album est placé sous le signe de la fraîcheur, le compositeur déclinant plusieurs couleurs orchestrales : tangos, passages plus mélancoliques, thèmes teintés d'americana. Et juste au moment où la partition pourrait donner l'impression de n'être que seulement légère, voire superficielle, Williams sait introduire un beau thème romantique (Jazz autographs) en forme de dialogue libre entre le piano et la contrebasse, bientôt rejoints par les cordes soyeuses du compositeur, et dont l'élégance achève de donner à ce nouvel album le juste cachet de raffinement, dont la valeur semble chaque année de plus en plus précieuse, emblématique en tout cas d'un compositeur en constant renouvellement.


Pochette du CD The Terminal (John Williams – Decca/UMG 986 2875)

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