Julia Roberts : ce film oscarisé qu’elle a failli anéantir à cause d’une déception

Léo Martin | 11 mars 2023
Léo Martin | 11 mars 2023

Juste après Pretty WomanJulia Roberts aurait dû être la star d’un film oscarisé – qui a failli ne jamais exister à cause de son départ en catastrophe.

Les histoires de productions chaotiques ou de casting alternatif qu’on aurait pu avoir sur des films cultes sont monnaie courante à Hollywood. On se rappelait récemment, par exemple, l’improbable casting de Stallone dans Le Flic de Beverly Hills. Une nouvelle histoire dingue du même genre vient juste de tomber dans un essai du producteur Edward Zwick (également réalisateur de Blood Diamond ou du Dernier Samouraï) paru dans le Air Mail. Il y témoigne alors de la laborieuse création de Shakespeare in Love

Le film de John Madden est à présent connu pour avoir été le lauréat de sept statuettes, dont l’oscar du meilleur film en 1999 (face à Il faut sauver le soldat RyanLa Ligne rouge ou encore La Vie est belle). Une prouesse que certains qualifieront comme l’un des vols de récompense les plus éhontés de l’histoire de la cérémonie, celui-ci ayant été grandement aidé par une campagne de Harvey Weinstein (à l’époque, un des hommes les plus puissants de l’industrie), producteur du film.

Il est donc amusant d’imaginer que ce film, qui en énerve plus d’un, a bien failli ne jamais exister et aurait pu rester dans les mémoires comme une immense perte de temps et d’argents pour les studios américains. D’après Edward Zwick, tout part d’un caprice de l’actrice Julia Roberts – sur laquelle le film reposait entièrement au début de sa production.

 

Pretty Woman : photo Julia RobertsLa Pretty Woman sans égale : Julia Roberts

 

Le long-métrage (originalement intitulé Not to be) a ainsi commencé à voir le jour entre les années 1991 et 1992 (si on en croit les indications que donne Zwick dans son essai). Il n’y a alors qu’un premier scénario, écrit par Tom Stoppard (L’Empire du soleil, Brazil), et Universal est en charge du projet. Edward Zwick est producteur pour la première fois sur un film de cinéma (il arrive à peine de la télévision), ce qui l’amène à croiser la route d’une des étoiles montantes d’Hollywood du moment : Julia Roberts. 

La comédienne de 24 ans ressort du succès gigantesque de Pretty Woman et c’est sa présence qui semble alors justifier l’existence du film. D’après Zwick, Universal n’aurait jamais été aussi enthousiaste sans Julia Roberts : « La simple possibilité d’avoir Pretty Woman portant un corset a attiré le studio, au point qu’ils ont immédiatement donné le feu vert ». Il est alors inimaginable que quelqu’un d’autre soit la star du film et celle-ci aurait ainsi profité de la situation pour pouvoir appliquer ses propres idées au film. Un souhait en particulier lui tient particulièrement à cœur : Daniel Day-Lewis (Phantom Thread, Lincoln) doit être son partenaire de jeu. 

 

There Will Be Blood : Photo , Daniel Day-LewisQuand on vient chercher Daniel Day-Levis pour jouer dans un film

 

Cette exigence est sans appel et Zwick raconte en détail dans son billet comment l’actrice était absolument sous le charme du comédien :

« ll est brillant, il est beau, il est intense et il est tellement drôle ! Tu as vu sa performance dans Chambre avec vue ? Il a également déjà joué du Shakespeare. Tu ne penses pas qu’il serait parfait ? Je peux faire en sorte qu’il accepte. »

Le comédien est effectivement familier des textes de Shakespeare (qu’il a joué sur les planches) et s’est déjà illustré de nombreuses fois au cinéma. Il vient d’ailleurs de remporter l’oscar du meilleur acteur pour le film My Left Foot de Jim Sheridan en 1990. C’est un coup de cœur absolu pour Roberts et elle n’imagine pas un autre partenaire que lui. Elle lui aurait alors envoyé des roses et un message "Sois mon Roméo" dans l’espoir qu’il accepte.

 

Homecoming : photo, Julia RobertsRéponse négative

 

Cruelle désillusion : Daniel Day-Lewis est déjà reparti sur un nouveau film de Jim Sheridan, Au nom du père, et ne pourra pas se rendre disponible pour exaucer le souhait de Julia Roberts. La déception est plus qu’amère pour la jeune comédienne qui aurait alors perdu tout engouement pour le film. Aucun autre acteur ne trouvant grâce à ses yeux, Zwick explique à quel point la suite de la production a été désespérante. Universal ne peut pas lâcher Julia Roberts, mais celle-ci ne trouve aucune alchimie avec tous les acteurs qui viennent lui donner la réplique. 

Ed Zwick se serait pourtant efforcé de donner leurs chances à de nombreux talents, tels que Hugh Grant, Rupert Graves, Colin Firth, Sean Bean ou Jeremy Northam. Aucun ne paraît convenir à la comédienne. Il raconte notamment le casting de Ralph Fiennes (frère de Joseph Fiennes, qui décrochera finalement le rôle dans la version finale du film) qui aurait été totalement désastreux : 

« Même si Ralph a tout fait pour lui arracher son fameux sourire, Julia l’a ignoré. Je ne dis pas qu’elle faisait exprès de saboter la lecture, mais ce fut horrible. J’ai essayé de m’excuser auprès de Ralph avant qu’il parte, mais il s’est sauvé à toute vitesse. Je me suis tourné vers Julia pour voir sa réaction. "Il n’est pas drôle", a-t-elle juste dit. »

 

Temps de l'innocence (Le) : Photo Winona Ryder, Daniel Day-LewisEn 1993, Daniel Day-Levis fera un bien meilleur film romantique d'époque : Le Temps de l'innocence

 

Après de nouveaux essais avec le comédien Paul McGann (Doctor Who, Luther), la situation s’empire. Zwick réalise que son actrice n’a pas travaillé son accent et qu’elle connaît mal son texte. D'après lui, elle serait alors en situation de stress intense et il concède que lui-même était mal à l'aise et qu'il n'a pas su la remotiver pour le tournage :

« J'ai fait une erreur tragique ici. Elle venait seulement d'arriver en haut de la chaîne alimentaire qu'est Hollywood, elle devait être terrifiée à l'idée d'échouer. [...] Le lendemain matin, quand j'ai appelé dans sa chambre, j'ai appris qu'elle était partie. [...] Elle était simplement une jeune femme de 24 ans effrayée. Je n'étais pas beaucoup plus vieux, même si j'essayais d'agir comme un adulte tout en voyant le Théâtre du Globe s'écrouler. Avec mes rêves de grandeur. »

C'est une triste conclusion pour Roberts et Zwick qui ne se sont jamais reparlé après ça. C'est aussi un coup dur pour Universal qui perd 6 millions de dollars déjà investis en décors et costumes. Le film est laissé à l’abandon et Universal en vend les droits. 

 

Shakespeare in Love : photo, Gwyneth PaltrowGwyneth Paltrow take the crown

 

Si quelques années plus tard Miramax (et donc Harvey Weinstein) n’avait pas récupéré le projet pour le mener à bout, Shakespeare in Love n’aurait peut-être jamais vu le jour. La comédienne Gwyneth Paltrow (qui a donc succédé à Julia Roberts) n’aurait ainsi sans doute pas reçu le seul oscar de sa carrière et La Ligne Rouge aurait peut-être remporté l’oscar du meilleur film (on peut rêver). Cela dit avec des "si" on mettrait Hollywood en bouteille.

On retiendra toutefois qu’après cette histoire, Julia Roberts n'a jamais joué aux côtés de Daniel Day-Lewis comme elle en rêvait à 24 ans. De son côté, Edward Zwick dit avoir toujours suivi la carrière de son actrice de loin, et est heureux de l'avoir vu s'épanouir dans son métier.

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