Smile est bien le gros carton magique-horrifique du box-office 2022

Lino Cassinat | 29 novembre 2022
Lino Cassinat | 29 novembre 2022

Personne ne l'attendait, mais l'amusant Smile est bien le film d'horreur de l'année grâce à son énorme box-office, devant Nope ou Halloween Ends.

Si Smile n’est pas totalement sorti de nulle part, le film de Parker Finn n’était clairement pas le titre le plus anticipé de l’année dans le genre horreur. Il s’est pourtant imposé comme la grosse frousse de l’année, du moins en ce qui concerne le box-office cinéma. Anatomie d’un succès surprise, qui a su mettre le Rated R de son côté, surfer sur un bouche-à-oreille positif et mettre toute la concurrence KO debout.

 

Smile : photo, Sosie Bacon, Kyle GallnerDéso le fuckboy, tu ne fais pas le poids

 

LES PETITS RUISSEAUX FONT LES GRANDS FLEUVES

Si Smile a été produit par la Paramount et n'a rien d'un film indépendant, son mode de fabrication y ressemble pourtant beaucoup. Smile a en effet été confié à un cinéaste inexpérimenté auquel le studio a donné l'occasion de transformer en long métrage son petit court, le tout pour un budget de 17 millions de dollars. Autrement dit, une bouchée de pain pour une major. Mais, à l'échelle du genre horreur, habitué aux budgets minuscules, on est plutôt sur la moyenne haute.

Pour comparer, Halloween Ends a certes coûté 33 millions de dollars, mais le Halloween de 2018 par exemple a été tourné avec 10 millions de dollars. Plus récemment : Barbare pour 4,5 millions de dollars, Pearl et X pour 1 million chacun. Pour 2022, à moins de considérer que Doctor Strange in the Multiverse of Madness et Morbius soient des films d'horreur (pitié), on ne trouve guère que Nope (68 millions) et, admettons, Prey (65 millions).

Avec ses 17 millions, Smile est donc un petit certes, mais un gros petit, un peu comme Black Phone d'ailleurs, réalisé avec un budget similaire.

 

Smile : photo, Sosie BaconMais du coup est-ce que c'est grossophobe de dire que c'est un petit gros ?

 

Il est important de garder cette notion en tête afin de savoir de quoi on parle au juste et dans quelle échelle on se situe. Smile a en effet encaissé 215 millions de dollars à l'heure où ces lignes sont écrites – dont 49% à domicile. Non seulement c'est vraiment beaucoup, mais il est à souligner que Smile est encore en cours d'exploitation huit semaines après sa sortie en salles, et 15 jours après sa diffusion en streaming. Dans une époque où d'énormes usines à gaz comme Morbius ou Black Adam sont balayées en quatre semaines, c'est dire la durabilité (et donc le succès) de Smile.

Autre indice qui ne trompe pas : alors que Smile partait déjà de très haut avec un lancement américain réussi à 22 millions de dollars (au-dessus des estimations), la deuxième semaine du film a été exceptionnelle. Smile y a ramassé 18 millions de dollars, soit une perte de seulement 18% de son audience, et ce, en ne prenant en compte que deux jours de ce deuxième week-end, prolongé d'un jour férié.

Mieux encore : à l'international, cette deuxième semaine a rapporté plus que la semaine de démarrage. Un phénomène devenu ultra-rare en dehors des fêtes de Noël. Smile est d'ailleurs la deuxième meilleure deuxième semaine (oui faut suivre) pour un film d'horreur depuis Get Out. Bref : tout le monde s'est rué sur Smile, et en a redemandé.

 

Smile : photo, Sosie BaconLe succès qui fait du bien

 

let's put a smile on that face

Ironie du sort, pour bien cerner le succès de Smile, il faut le comparer avec un autre film de Jordan Peele : Nope, qui n'a pas été un franc succès. Nope (budget de 68 millions) et a eu une trajectoire tout à fait classique pour un film de 2022 : une énorme sortie lui a permis de démarrer très fort à 44 millions de dollars, avant de redescendre brutalement et de terminer sa carrière avec 170 millions de dollars, soit une timide réussite.

Smile (budget de 17 millions) ouvre avec moitié moins d'argent et sur autant d'écrans, mais finit bien plus haut. Et surtout, Smile génère plus de 12 fois sa somme investie dans sa production, alors que le très cher Nope n'a rapporté que 2,5 fois son budget de tournage.

Dernier signe de succès, implacable : en plus d'être un film d'horreur extrêmement rentable, Smile est aussi le plus gros box-office de 2022 dans le genre horreur. Sauf à nouveau si l'on considère Doctor Strange in the Multiverse of Madness comme un film d'horreur, personne n'a fait mieux que les 214 millions de dollars de Smile ; ni Nope, ni Black Phone (160 millions de dollars), ni Halloween Ends (104 millions de dollars), ni même Morbius qui se retrouve une nouvelle fois souillé (167 millions de dollars de misère).

 

Morbius : photo, Jared LetoMorbius n'a pas le sourire

 

Smile est donc une énorme gifle infligée à la concurrence directe, mais on peut aller encore un peu plus loin. Si l'on étend le champ des comparaisons à tout le cinéma de 2022, Smile apparaît là encore comme l'un des grands gagnants de l'année, toujours grâce à son excellentissime retour sur investissement. Avec son ratio de 12,6, Smile est plus rentable que bien des opérations pourtant extrêmement lucratives de 2022 comme Top Gun : Maverick (8,7), Jurassic World : Le Monde d'après (6,1) ou même le "phénomène" indé Everything Everywhere All at Once (4,0). Hors 2022 en revanche, un Conjuring par exemple reste loin devant avec ses 300 millions de dollars et son facteur de 16 fois son budget.

Seul Barbare et son excellent rapport de 9,9 se retrouve en position de menacer Smile, car le film n'est pas encore exploité partout à l'international et pourrait encore créer la surprise... même si avec la période de Noël approchant à grands pas, on ne peut vraiment y croire. Et même si cela devait advenir, Barbare ayant été réalisé pour un minuscule 4 millions de dollars, cela n'empêcherait pas Smile de décrocher quand même la timbale en valeur absolue. À moins d'un succès planqué dans une plateforme de streaming dont on n'aurait pas les données et dont la plateforme ne se serait pas vantée (très improbable donc), Smile règne impérialement, ipso facto. Et il y a légèrement de quoi rire.

 

Barbarian : Photo Justin LongBarbare tentant de surprendre

 

DES RAISONS DE SOURIRE

Le destin promis de Smile était en effet très différent d'après les informateurs de Variety, et devait l'emmener tout droit sur Paramount+, où il aurait sans doute pris la poussière dans un coin sans que personne ne le remarque. Mais à la suite de projections tests particulièrement élogieuses, la Paramount a décidé de croire en son poulain et l'a sorti au cinéma en mettant le paquet qu'il fallait sur la promotion.

On pourrait dès lors extrapoler facilement : Smile a eu le succès qu'on lui connaît tout bonnement parce que les gens l'ont aimé et parce que c'est un bon film ? Les choses sont rarement (jamais) aussi simples.

Smile a en effet obtenu d'ordinaires B- sur CinemaScore et 6,7/10 sur la partie publique de Metacritic, ce qui sous-entend une réception tout juste correcte. La qualité perçue du film n'est donc pas le seul facteur de mise en place du bouche-à-oreille positif, et il faut plonger un tout petit plus dans les détails. Toujours selon les observateurs de Variety, Smile a intrigué moins pour ses prouesses artistiques que pour sa capacité à ouvrir la discussion et créer le débat, mettre le doigt sur quelque chose qui taraude une partie de l'auditoire. Variety souligne un fait extrêmement intéressant : en deuxième semaine, la part féminine du public de Smile a bondi, passant de 48% à 55%.

 

Smile : photo Sosie BaconSmile, un film qui a plus intéressé le public féminin

 

Une preuve que les thèmes et la relation mère-fille de Smile ont trouvé un écho auprès des femmes ? Peut-être. En tout cas, ce qui est sûr c'est que Smile a été perçu comme un film d'horreur beaucoup moins inoffensif que l'habituel petit tour de train fantôme à la James Wan. Notre critique l'avait d'ailleurs souligné : malgré ses défauts, Smile assume totalement son genre en allant chercher des scènes traumatisantes, veut impressionner le public avec un Rated R et une violence spectaculaire. Rappelons en outre que, sous ses airs de commande de studio classique, Smile est un film d'auteur (ou en tout cas, pas un bête film de commande), le metteur en scène Parker Finn ayant signé le scénario de cette adaptation de son propre court. Un cas qui rappelle Lights Out, réalisé par David F. Sandberg et tiré de son court-métrage malin.

Y a-t-il un X-factor caché dans Smile ? L'actrice principale Sosie Bacon le pense : "On dirait que les gens sont surpris par la profondeur du film, peut-être parce qu'ils s'attendaient plus à un truc plein de jumpscares. Le public l'apprécie pour sa réalisation sérieuse, solide". Bien entendu, cela reste un discours promotionnel à prendre avec des pincettes.

Mais il est tout simplement possible que Smile se soit démarqué en proposant quelque chose de différent dans le genre du film d'horreur ou ait réinvesti une case délaissée par Hollywood. Et que cela aurait eu pour effet de convaincre une audience adolescente et une audience plus mature, en quête de sens et d'un peu d'originalité dans un genre extrêmement codifié.

 

Smile : Photo Kyle GallnerQuand tu cherches un peu de fraîcheur à la cave

 

FINISH MOVE : le CHELSEA GRIN

Mais là encore, s'arrêter à l'ensemble des mérites artistiques du film ne serait pas tout à fait juste, même si Parker Finn pourrait devenir un nom à suivre – ou a minima, redonner un bon coup de fouet à la formule Blumhouse et des Conjuring-like.

Soyons honnêtes, le monde d'Hollywood et des majors n'a pas changé, et Smile n'aurait bien entendu pas connu pareil succès sans un marketing particulièrement réussi. Tandis que la promotion classique a su trouver sa cible et calibrer ses éléments de communication sur les bons axes, Paramount a en plus fait preuve d'inventivité.

Smile est en effet devenu viral avant même sa sortie grâce à une campagne de happenings dans divers lieux publics et évènements télévisés, qui ont été repartagés des milliers de fois par les internautes interloqués et transformés en relais volontaires (et gratuits). L'idée, simple comme bonjour : placer des figurants dans des endroits bien en vue (les matchs sportifs ont été en particulier visés), et les faire sourire de manière exagérément flippante, comme la créature du film. Le tout en portant un t-shirt Smile évidemment.

C'est tout bête, mais ça a marché du feu de Dieu.

 

 

 

Enfin, dernière explication de ce succès qui ne jaillit pas de l'éther : la date de sortie. Smile est sorti au tout début du "mois" d'Halloween dont il a profité à plein, et n'a trouvé personne sur son chemin pour stopper son formidable élan. Seul Halloween Ends a tenté quelque chose, mais s'est instantanément retrouvé noyé par la critique et le bouche-à-oreille négatifs. Que voulez-vous, c'est le mois de la peur, il n'y a que deux films d'horreur à l'affiche et l'un des deux a une sale réputation : évidemment, tout le monde va voir l'autre.

On ne le répètera jamais assez, mais un succès au box-office, c'est aussi et surtout être le bon film au bon moment. La France est d'ailleurs un excellent territoire témoin de ce phénomène : 481 000 entrées pour Halloween Ends, contre pas loin du triple pour Smile avec 1,2 million d'entrées. C'est cruel, mais Halloween Ends n'était pas le bon film d'Halloween en 2022.

Peut-être y'a-t-il un ultime constat à en tirer : l'horreur serait-elle l'un des derniers genres où une idée originale a des chances de faire son chemin ?

 

Smile : photoUne suite pour s'agrandir le sourire ?

 

Les succès groupés de Smile, Black Phone, Le Bal de l'Enfer, X, Pearl ou Barbare poussent à le croire. Surtout quand on ne trouve dans d'autres genres guère que Everything Everywhere All at Once qui sabre le champagne pour 100 petits millions, et qu'on observe Trois mille ans à t'attendre et Bros rôtir dans des fours plus infernaux que l'anus de Satan.

Smile est peut-être un exemple de récupération du monde de l'indé par un gros requin, mais toujours est-il que, de son côté, l'horreur n'est pas encore totalement engloutie et doit encore s'appuyer sur un peu de créativité (même si personne ne doute que Parker Finn a vu It Follows). Enfin, on en reparle à la sortie de Smile 2 hein...

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commentaires
Terror Turtle
30/11/2022 à 00:16

Et bien je l'ai largement préféré à "it follows" avec lequel il partage quelques similitudes et je l'ai très largement préféré au clinquant NOPE.
Barbare était vraiment trop classique et Prey une énième suite sans saveur de Predator.
Je ne parle même pas de Halloween et de sa trilogie de la honte.

Le meilleur film du genre de l'année 2022 restera de loin The Sadness. Merci Ecran Large de me l'avoir fait découvrir!

Olvers974
29/11/2022 à 21:34

Nous sommes d'accords, ce fut bien de la .... ce film : /

Life is Hard
29/11/2022 à 13:28

Film au pitch intéressant dont il n'y a rien à tirer m'est avis tant ce Smile demeure dans la lignée des films d'épouvantes où il ne se passe strictement rien à l'écran. Une trentaine de secondes à sauver, comptant il est vrai un jump scare (prévisible) mais un tant soit peu cool et original, une fois n'est pas coutume. Sur près de deux heures de film, c'est peu.

Cidjay
29/11/2022 à 11:33

C'était pas foufou SMILE...
Sympa, mais ça sentait vraiment la sous-copie de "It Follows".
Mais vu la pauvreté des nouveautés en films d'horreur cette année, on a pas fait les difficiles.

clarence bodicker
29/11/2022 à 11:16

Pourtant pas terrible du tout le film, rien de nouveau vraiment et toujours la même incessante mécanique de mise en scène, long et répétitif malgré que le tout soit très soigné et bien fichu parfois mais pour un film d' horreur de plus
d'ailleurs NOPE a dépassé les 100MS comme celui ci , étant un grand fan de genre c'est pas millesimé cette année