Amsterdam est bien l'un des plus gros flops de 2022

Mathieu Victor-Pujebet | 20 novembre 2022
Mathieu Victor-Pujebet | 20 novembre 2022

Amsterdam, réalisé par David O. Russell, avec Christian Bale, Margot Robbie et John David Washington, est bien l'un des plus gros échecs de 2022.

Comme pour s'amuser des commentateurs du présent et de l'avenir du cinéma, 2022 a été une année riche en rebondissements en ce qui concerne le box-office. Entre le succès surprise d'Everything Everywhere All at Once, le triomphe monumental de Top Gun : Maverick, le non-succès de Morbius et le bide cataclysmique de Moonfall, les certitudes ont été ébranlées au cours de cette douce année parfois pour le meilleur, parfois pour le pire.

Dans la liste des mauvaises surprises : le raté Amsterdam, réalisé par David O. Russell. Comédie d'espionnage sur fond de drame historique, le film avec John David Washington, Margot Robbie et Christian Bale s'est sévèrement crashé au box-office mondial, pour devenir l'un des plus gros bides au box-office de 2022.

Retour sur les chiffres de cette affaire.

 

Amsterdam : Photo Christian Bale, Margot Robbie, John David WashingtonBide cataclysmique

 

formule presque magique

Pourtant, en théorie, Amsterdam avait de quoi être un beau succès. Il suffit de jeter un oeil à l'hallucinant casting du film : Christian Bale, John David Washington, Margot Robbie, Robert De Niro, Chris Rock, Anya Taylor-Joy, Zoe Saldana, Mike Myers, Rami Malek ou encore Michael Shannon. Une sélection de prestige, avec différentes générations (et donc, différents publics touchés).

Derrière la caméra, David O. Russell n'est pas vraiment à plaindre non plus puisque si le cinéaste américain a eu des hauts et des bas au fil de sa carrière, le bonhomme a tout de même enchaîné quelques beaux succès sur le plan critique et financier (Fighter, Happiness Therapy, American Bluff). Depuis 2011, il a enchaîné les nominations aux Oscars, notamment comme meilleur réalisateur et meilleur film.

 

Amsterdam : photo, Anya Taylor-Joy, Rami Malek, Christian Bale, Robert De Niro, Margot RobbieUn casting hallucinant

 

Par ailleurs, le film a eu droit à une jolie distribution aux Etats-Unis avec plus de 3000 salles obscures lors de son démarrage, dont un certain nombre projetant de l'Imax. C'est dans la moyenne basse des gros films d'auteur à la Don't Worry Darling (plus de 4000 cinémas) et des grosses comédies américaines style Ticket to Paradise (plus de 3500 cinémas) et Bros (plus de 3300 cinémas), mais ça reste énorme.

Disney, distributeur du film, n'y est d'ailleurs pas allé de main morte côté promo puisque d'après iSpot, le studio a misé plus de 15 millions de dollars rien que pour le promouvoir à la télévision américaine. Notons qu'il s'agit d'une somme bien plus élevée que ce qu'ont dépensé les majors concurrentes, notamment Sony pour Enzo, le croco (environ 9 millions de dollars) et Warner Bros. avec Black Adam (dans les 10 millions).

Ajoutons à ça un week-end de trois jours aux États-Unis (journée des peuples autochtones) et le film avait définitivement de belles cartes à jouer pour être un succès... et pourtant...

 

Amsterdam : photo Christian Bale, Margot Robbie, John David WashingtonQuand tu débarques au box-office

 

Amsterdamned

D'après Deadline, le démarrage américain d'Amsterdam était estimé entre 12 et 15 millions de dollars de recettes. Dans les faits, le film n'a pas atteint les 6,5 millions de recettes lors de son week-end d'ouverture. Ajoutons que ce score a été gonflé de plus d'un tiers par les séances Imax et PLF (Premium Large Format).

Après ce lancement catastrophique, Amsterdam n'a pas survécu longtemps avant de perdre presque la moitié de ses écrans aux États-Unis. Plus de 1250 cinémas ont déprogrammé le film lors de son troisième week-end d'exploitation, sans doute pour laisser de la place aux grosses sorties du vendredi, à savoir Black Adam et Ticket to Paradise.

 

Amsterdam : photo Zoe SaldanaPrendre plus de 1250 salles en quelques jours

 

Difficile d'expliquer un tel crash, d'autant plus qu'avec ces ingrédients très hollywoodiens, Amsterdam aurait pu jouir d'une jolie aura pré-Oscars, à l'instar de précédents succès de David O. Russell comme Happiness Therapy ou American Bluff. Une aura qui a certainement été étouffée par une réception critique très mitigée, à raison d'un pourcentage de 33% sur Rotten Tomatoes (appuyé sur plus de 230 critiques). C'est deux fois plus bas que Joy, pourtant reçu très tièdement.

Par ailleurs, même s'il est difficile de mesurer leur éventuel lien avec l'échec d'Amsterdam, il n'est pas impossible que les diverses affaires plus ou moins avérées sur David O. Russell aient joué. Agression de Christopher Nolan lors d'une fête, conflit qui est allé jusqu'aux mains avec George Clooney, comportement tyrannique avec les comédiennes Lily Tomlin et Amy Adams, et le tout couronné par une plainte pour agression sexuelle venant de sa propre nièce... Reste à voir si tout ça arrive jusqu'au grand public, et si ça compte pour choisir sa séance.

 

Amsterdam : photo, John David Washington, Rami Malek, Anya Taylor-JoyRemballer le costume des Oscars

 

AMSTERDRAME

L'échec d'Amsterdam est d'autant plus monstrueux que lors de sa production, son tournage a été déplacé de Boston à Los Angeles à cause de la pandémie de Covid-19, faisant ainsi considérablement grimper son budget. Modification de date de tournage, crédit d'impôt californien et déplacement de l'équipe : la pandémie fait partie des raisons pour lesquelles le budget de production d'Amsterdam est passé de 50 millions à 80 millions de dollars, faisant croître proportionnellement les pertes du film lors de sa sortie.

Sa campagne marketing ayant coûté entre 70 et 80 millions de dollars, le budget total d'Amsterdam s'élèverait à plus de 160 millions de dollars. D'après Deadline, s'il parvient à atteindre les 35 millions de dollars au box-office mondial et qu'il bénéficie d'une distribution vidéo dans les normes de Disney, le film devrait dégager dans les 67 millions de recettes dans le monde, comptant une centaine de millions de dollars de pertes.

 

Amsterdam : photo Christian Bale, John David Washington, Margot Robbie"100 millions de pertes ? Même pas mal"

 

Amsterdam serait alors l'un des plus gros échecs de l'année 2022, aux côtés du crash cosmique de Moonfall et du bide intemporel de Trois mille ans à t'attendre. Le film est d'ailleurs le pire flop de la carrière de David O. Russell puisque malgré le plantage de J'adore Huckabees, le métrage était malgré tout parvenu à rembourser de justesse son budget de production de 20 millions de dollars.

Et comment de ne pas évoquer les cartons de Fighter (20-25 millions de budget, 129 millions au box-office), Happiness Therapy (21 millions de budget, 236 millions au box-office) et American Bluff (40-55 millions de budget, plus de 251 millions au box-office) ? David O. Russell a eu des couacs dans sa carrière (J'adore Huckabees, Joy), mais jamais d'une telle ampleur, et surtout avec sa popularité actuelle dans l'industrie.

Par ailleurs, vu son échec critique, difficile de croire qu'Amsterdam aura le même succès aux Oscars que Fighter ou Happiness Therapy, qui avaient récoltés des prix d'interprétation en plus de prestigieuses nominations.

En bref, Amsterdam va perdre (beaucoup) d'argent, et a priori, aucun prestige hollywoodien ne viendra sauver l'affaire.

 

Amsterdam : photo, Michael Shannon, Mike Myers, Christian Bale, John David Washington, Robert De NiroQuand le casting ne suffit plus

 

la fin de ce hollywood ?

L'échec d'Amsterdam appuie une nouvelle fois le constat qu'un certain cinéma relativement bien produit, que l'on pourrait qualifier de budget intermédiaire (entre les 50 et 100 millions de dollars environ), semble en mauvaise posture dès que l'on sort du cinéma de super-héros (Morbius ayant coûté dans les 75 millions de dollars).

Si des petits films comme Everything Everywhere All at Once (budget de 25 millions) et Smile (17 millions) parviennent à tirer leur épingle du jeu et à joyeusement se rentabiliser, les échecs de Trois mille ans à t'attendre (60 millions), House of Gucci (75 millions), Nightmare Alley (60 millions) ou même West Side Story (100 millions) ne sont pas passés inaperçus.

 

Trois mille ans à t'attendre : photo"Je souhaite qu'un tel film marche"

 

Autre exemple récent : le passage de Jordan Peele de la petite production à concept avec Get Out et Us (respectivement 4,5 et 20 millions de budget) au film d'horreur de luxe avec Nope (budget de 68 millions), qui s'est retranscrit au box-office par un écart de presque 100 millions de recettes dans le monde. La seule exception de 2022 pourrait être celle d'Elvis (plus de 286 millions au box-office pour un budget de 85).

Pur hasard, restes de la pandémie de Covid-19, ou vraie tendance ? Tous les films précédemment cités ont été réalisés par des auteurs de renommée internationale. Ces films d'art de luxe ont-ils encore leur place à Hollywood ? Les studios continueront-ils de produire des films aussi chers et risqués sur le nom de cinéastes qui peinent à briller dans les compteurs du box-office ? L'écart entre les petites productions indépendantes et les mastodontes de plus en plus chers va-t-il encore se creuser ? L'avenir nous le dira. Mais bon courage.

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commentaires
Rese
21/11/2022 à 17:26

ATTENTION SPOILS
J'avoue que j'ai été vraiment surpris qu'Amsterdam ait autant déplu... Le film est une œuvre d'art qui à l'image de son personnage principal est boiteux mais a un grand cœur. De la même manière que les 3 protagonistes ne sont pas des héros de guerre (scène de la rencontre avec le perso de DeNiro), le film ne cherche pas à être une vedette de la cinésphère. (Voir la scène ou le policier parle du service à thé...)

Mais plus que ça, le film adresse des sujets importants. Quand on est attentif à ce qui s'y passe, beaucoup de choses sont dites notamment concernant ceux qui dirigent dans l'ombre... Je pense que seul un public averti sur les questions de complot peut comprendre de quoi cette intrigue parle réellement.

Et la fin est d'une rare beauté... on est plus dans le sociétal/la politique, on est dans l'humain. Le thème prend tout son sens quand le personnage de Bale (d'une subtilité incroyable) comprend... La réalisation de cette scène finale accompagnée par la musique féérique de Daniel Pemberton est un bijou cinématographique.

Il y a une chose intéressante quant à la réception du film. Allez sur rottentomatoes et regardez l'écart entre les critiques professionnelles et le score de l'audience... ça peut vouloir dire 2 choses : soit les critiques (pro) ne savent plus regarder un film, soit au vu du sujet très épineux évoqué sous la surface, qu'il s'agit d'un sabotage. Ou alors, c'est qu'ils ne sont pas assez informés sur la cabale...

Diswanlord
21/11/2022 à 14:11

Salut,
Je l'ai regardé hier et c'est vrai que la forme est un peu brouillonne. Comme dis précédemment dans les commentaires, ça donne l'impression d'un style qui se cherche tout au long du film. L'intrigue est intéressante, le casting est lourd, la période historique magnifiquement restituée mais reste une impression de flou artistique, peut-être la retranscription scénaristique du parti pris d'un narrateur sous influence de substances diverses et variées. Le film est inutilement chargé par ce biais, artificiellement pompeux. Mais ça n'est que mon avis.

mcnahum
21/11/2022 à 12:35

Je l’ai beaucoup attendu ce film, c’est pas qu’il est mal joué (au contraire), ni la période de l’histoire que j’aime bien … c’est vraiment un tout … à la fin du film tu te dis ..ouais Bof … je vois beaucoup de film et des pas top … celui là a juste un rapport attente / retour.. bof

sylvinception
21/11/2022 à 10:58

Pardon, le terme "surcoté" convient mieux.

sylvinception
21/11/2022 à 10:53

O. Russell... dans le genre cinéaste largement surestimé, il se pose un peu là, lui.

Senor DP
20/11/2022 à 22:03

Validé par Don.P
Mais scénario uluburlesque sans queue ni tête, magistralement interprété,mais gâché par un plot vide malgré le décor historique et l'ambiance des années folles.
Ce sont juste des vies qui se croisent ,la vie quoi'

Breizh punsiher
20/11/2022 à 21:21

Bah non les gars, le film avait tout pour plaire, réal, casting, époque... Sauf qu'il est mauvais. Il a le cul entre plusieurs styles de chaises sans jamais choisir laquelle et il sonne faut tout au long. Il y a un espece de décalage bizarre entre ce qui se passe a l'ecran et ce qu'on ressent. Impossible de rentrer dedans. J'adore les films décalés mais la c'est le film lui même, dans son ryhtme, son jeu... Tout se beau monde s'echine a faire au mieux en etant a cote de la plaque. Rien ne va la dedans. Je suis dégouté mais c'est mauvais.

Sdkone
20/11/2022 à 18:49

Je crois qu'une bonne partie des spectateurs ne cherchent la qualité ou l'originalité. Ils veulent être brossés dans le sens du poil, d'où le succès des franchises de films débiles et tous identiques en terme de réalisation.

Les cinéphiles se font rares et sans doute qu'une partie du public un peu médian ne retourne plus au cinéma depuis la pandémie.

En tout cas c'est triste de voir que des grands films se plantent autant, alors que les films détériorés er mal faits cartonnent autant. La société n'a va pas dans le bon sens, c'est sûr

C.Kalanda
20/11/2022 à 18:27

Je crains que ce soit maintenant le genre de film que bcp attendent dorénavant sur VOD, réservant l’ »investissement » d’une séance au cinéma pour un film à grand spectacle, un peu comme on irait au parc d’attraction, ou alors un film à moyens réduits, par nécessité (souvent impossible à voir ensuite), tendresse ou conviction quasi militante.

@lot
20/11/2022 à 18:00

Tu pars du principe que ce film est déplacé à l'époque actuelle à cause du goût des gens qui serait porté uniquement vers le divertissement de masse autrement appelé blockbuster. C'est ce que tu qualifies d'anachronisme. C'est un peu comme si tu me disais qu'un vêtement parce qu'il ne respecte pas la mode du moment est anachronique. C'est un mauvais emploi du mot et une mauvaise interprétation de ce que le commerce fait au cinéma comme medium.

Ce n'est pas parce qu'on n'est pas à la mode qu'on est anachronique.

Le cinéma est avant tout un art. L'art ne peut pas être anachronique.

Le goût des gens, si tant est que les gens existent comme une entité homogène à partir de laquelle on puisse établir des règles générales, est façonné par le marketing et contraint par tout un tas de facteur lié au contexte économique et social.

Autrement dit, le goût des gens comme tu le présentes, c'est-à-dire une émanation hors sol fondée sur le libre-arbitre n'existe pas ou à la marge.

En tous cas ce n'est pas la seule raison qui puisse expliquer pourquoi les productions qui se font en dehors des studios ont de plus en plus de mal à rencontrer un public. En tous cas à faire un score au B.O leur permettant de péréniser ce type de cinéma en distribution en salles.

Tu aimes le cinéma qui divertit ? Le cinéma est un art du divertissement, comme les arts en général.

Ah, mais u voulais dire qui divertit sans faire réfléchir. Qui vide la tête, quoi. Qui fait du spectateur une chose passive, une oie qu'on gave et qui fait du foie gras.

Tu penses que les gens veulent devenir des cerveaux gras farcis de conneries répétitives qui promeuvent des réflexes induis par le softpower Nord-américain.

Parce qu'en fait, c'est ça qui est caché dans tes divertissements sans fond, à base de héros à la musculature hypertrophiés produits du scientisme, de la tech, de l'eugénisme et du capitalisme de la Silicon Valley. Des valeurs virilistes qui brossent dans le sens du poil les petits garçons qui ont oublié de grandir et qui se sentent rassuré dans un monde où tout leur fait peur. À commencer par réfléchir un petit peu, un tout petit peu.

Sinon, accessoirement, les goûts, les couleurs, les avis, c'est comme les trous du cul, tout le monde en a un. Ce n'est pas pour ça qu'il faut soi-même en être un.

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