Saint-Jean-De-Luz 2022 - Jour 2 : Eclater la bulle... ou pas

Christophe Foltzer | 6 octobre 2022 - MAJ : 06/10/2022 11:34
Christophe Foltzer | 6 octobre 2022 - MAJ : 06/10/2022 11:34

Comme chaque année, nous nous rendons au Festival International du Film de Saint-Jean-De-Luz durant la première semaine d'octobre pour y découvrir une sélection de premiers et seconds films de jeunes réalisateurs et réalisatrices. L'occasion de prendre quelques baffes inattendues.

Dans la continuité directe de la veille, cette deuxième journée de l'édition du FIF de Saint-Jean-De-Luz creuse un peu plus son sillon thématique avec une nouvelle fournée de films qui nous amène, déjà, à la moitié de la compétition. Et les questions existentielles soulevées par les oeuvres s'amoncèlent, profondes, cohérentes avec un fil rouge en ligne de mire : sommes-nous vraiment capables d'éclater notre bulle et de changer ? La question reste posée.

 

Harka : photo FIF St Jean De Luz Affiche

 

BUTTERFLY VISION

On commence d'emblée par un second film-choc, après Harka, avec Butterfly Vision, premier long-métrage du jeune réalisateur ukrainien Maksym Nakonechnyi. Forcément, annoncé ainsi, on ne peut s'empêcher de penser au conflit qui déchire le pays depuis de nombreux mois. Conflit qui imprègne chaque plan du film, bien qu'il se déroule chronologiquement avant l'invasion Russe. Pourtant, alors que l'on pouvait s'attendre à un pamphlet enflammé contre l'ennemi, le metteur en scène choisit au contraire d'ancrer ses personnages dans cette réalité en préférant s'attacher à leur quête de liberté et d'humanité. Bien sûr, la situation en Ukraine, avec le Donbass, est le terreau du film et il ne s'en éloigne jamais, mais Nakonechnyi ne se limite pas à un axe "gentils-méchants" et présente une vérité beaucoup plus complexe où les lignes morales se troublent en fonction des personnes et des événements.

Doté d'un très solide casting, Rita Burkovska en tête, d'idées de mise en scène simples, mais diablement efficaces et originales pour certaines (les plans de drone à double fonction notamment), Butterfly Vision serait un incontournable s'il n'était handicapé par un léger problème de rythme, une durée un peu trop longue et une résolution un peu schématique qui, paradoxalement, vire à l'hermétisme. Mais, qu'on ne s'y trompe pas, le film mérite d'être vu au cinéma à partir du 12 octobre prochain, et se positionne avec facilité comme une oeuvre solide, inspirée et très prometteuse pour la suite de la carrière de son réalisateur.

 

Butterfly Vision : photo, Marharyta BurkovskaQuand la réalité s'invite en festival, impossible de dormir.

 

AILLEURS SI J'Y SUIS

Curieux titre que ce Ailleurs si j'y suis, aussi intrigant que poétique. Pour son second long-métrage après Mobile Home en 2012, François Pirot (également scénariste de Elève libre et Nue propriété) choisit de nous prendre à rebours avec ce film surprenant, désarmant et franchement drôle. On aurait tort de rapprocher le métrage d'un film comme Into the Wild parce que Ailleurs si j'y suis ne s'intéresse pas du tout à la même thématique que son aîné. Alors, certes, avec son histoire de quadra en crise qui décide d'aller vivre dans la forêt derrière chez lui, le raccourci est tentant, mais François Pirot y injecte immédiatement toute une galerie de personnages impactés directement par cette décision. Au film alors de nous en montrer les conséquences (désastreuses ou non) sur le quotidien de chacun d'eux.

 

Photo Jérémie RenierJérémie Rénier, au poil

 

Que dire sans trop déflorer l'intrigue ? Parlons de son casting, impeccable et inspiré : entre Jérémie Rénier parfait en père de famille dépassé qui cherche sa propre renaissance dans la fuite, Suzanne Clément puissante dans le rôle de son épouse qui en profite pour penser enfin à elle, Samir Guesmi en meilleur pote à la ramasse qui se rêve aventurier, ou encore Jean-Luc Bideau et Jackie Berroyer. Le spectateur assiste à une succession de scènes où chacun brille, évolue, se ramasse, remonte en selle, ou pas.

Et c'est malheureusement le principal écueil de ce film au demeurant extrêmement sympathique : à force de s'intéresser davantage aux cercles concentriques à la surface du lac qu'à la pierre qui en est à l'origine, le metteur en scène perd un peu de vue sa promesse initiale. Ceci étant, qu'on ne s'y trompe pas, Ailleurs si j'y suis fonctionne très bien en dépit de certaines longueurs. Les différents parcours sont intéressants, tendres et copieusement grotesques, le propos de fond sur la vacuité de nos existences modernes est imparable et la solution pas si optimiste que cela.

Un film à découvrir assurément, mais qui n'a pas encore de date de sortie officielle à l'heure de ce compte-rendu. On table toutefois sur 2023.

Tout savoir sur Butterfly Vision

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