Butterfly Vision : on a vu le drame ukrainien du FIF de Saint-Jean-De-Luz

Christophe Foltzer | 5 octobre 2022 - MAJ : 05/10/2022 17:21
Christophe Foltzer | 5 octobre 2022 - MAJ : 05/10/2022 17:21

Comme tous les ans, Ecran Large est présent au Festival International du Film de Saint-Jean-De-Luz, festival de référence pour les premiers et deuxièmes films. L'occasion d'assister à l'émergence de nouveaux auteurs, mais aussi de se prendre quelques piqûres de rappel de la réalité. Comme avec Butterfly Vision par exemple, qui sort en salles le 12 octobre.

 

Butterfly Vision : photo, Marharyta BurkovskaLe repos du guerrier ?

 

De quoi ça parle ? Lilia, spécialiste en reconnaissance aérienne, retourne auprès de sa famille en Ukraine après plusieurs mois passés dans une prison du Donbass. Le traumatisme de la captivité la tourmente et refait surface. Un traumatisme qu'elle ne peut plus nier à mesure que son désir de liberté grandit et que la situation se tend autour d'elle.

C'était comment ? Butterfly Vision fait partie de ces films très difficiles à critiquer tant ils sont en lien avec notre actualité. Compliqué en effet de compartimenter ce film ukrainien situé avant l'invasion russe alors que la guerre fait actuellement rage sur les lieux mêmes du tournage. Et pourtant, c'est ce que nous devons faire parce que le premier long-métrage de Maksym Nakonechnyi est avant tout un bel objet de cinéma pétri de très grandes qualités.

La première, et pas la moindre, c'est son parti-pris esthétique. Entrecoupant son récit de plans de drones très évocateurs, le jeune réalisateur parvient sans mal à contenir dans ces scènes toute l'ambivalence qui va imprégner son histoire. À la fois menaçants et poétiques, ils s'intègrent de façon parfaitement organique au parcours de Lilia, sa libération négociée, son retour à la vie civile et à sa lutte contre le traumatisme. Si, d'emblée, le postulat nous est présenté comme résolument binaire (la frontière entre "gentils" et "méchants" est on ne peut plus évidente), très vite, le film brouille les pistes à coups de flashbacks glitchés, de livestreams héroïsants et de paysages désolés, mais troublants de beauté.

 

Rita BurkovskaUn conflit qui avale tout le monde, sans distinction.

 

Et c'est dans ces moments que Butterfly Vision puise une grande partie de sa force, dans ce jeu de cartes thématique qui s'abat sur le spectateur, volontairement questionné, heurté dans ses croyances initiales, dans cette démonstration d'une complexité des enjeux que nous, installés dans notre fauteuil, ne pouvons comprendre à moins de nous y intéresser vraiment. Il est moins question ici de prise de position politiquement marquée au fer rouge, de dénonciation de l'opposant, que d'un portrait sans fard ni œillère d'un conflit aux ramifications multiples qui n'a que faire des camps dès qu'il s'agit de détruire des individus, qu'importent leurs convictions.

Une grande partie du récit s'articule d'ailleurs autour de cette notion : la complexité des enjeux, l'effacement progressif des frontières morales et la confusion qu'elle génère chez ceux qui se battent pour survivre et pour accéder enfin à une liberté tant désirée. À ce titre, il faut saluer la prestation de la comédienne principale, Rita Burkovska, magnifique d'intensité, de retenue et de force dissimulée. Aussi à l'aise dans ses moments d'errance, de détresse et d'espoir, elle emporte le spectateur dès les premières secondes pour ne le lâcher qu'à la toute fin.

 

Butterfly Vision : Photo Marharyta BurkovskaUn conflit qui laisse des marques indélébiles.

 

Néanmoins, il convient aussi de souligner les points faibles du métrage, très peu nombreux. En effet, le film aurait gagné à être un peu plus court. S'il joue avec talent de son rythme lent, il n'empêche qu'il rallonge un peu trop la sauce dans sa dernière partie. Rien de grave, attention, mais à ce moment nous commençons à échapper au récit. Ensuite, la toute fin, que nous ne dévoilerons évidemment pas dans ces lignes. Là, le film semble s'emballer en nous privant des éléments nécessaires à la bonne compréhension de sa conclusion, occultant certains détails pourtant importants au profit d'autres mal amenés. Rien de rédhibitoire évidemment et rien qui ne saurait se rectifier dans les films suivants de ce réalisateur prometteur.

Au final, Butterfly Vision est un très joli film d'une grande gravité et d'une profonde humanité qui nous a happés dès le départ. Une petite leçon salvatrice de complexité qui se joue des discours de plus en plus binaires qui nous abreuvent à longueur de journée, quel que soit le sujet d'ailleurs.

Et ça sort quand ? Vous n'aurez pas longtemps à attendre pour voir le film en salles puisque sa sortie est calée au 12 octobre prochain.

Tout savoir sur Butterfly Vision

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
killshotinyourface
06/10/2022 à 04:49

@KAREV
(malgré des blockbusters de propagandes infâmes).
moins que les usa ... ont est pas mal non plus dans un autre style de propagande en France !
sérieusement je vois pas en quoi c'est plus infame en Russie qu'ailleurs ?

Karev
05/10/2022 à 18:17

Le cinéma Ukrainien était plutôt intéressant mais j'ai rarement vu des grands films venant d'eux contrairement à la Russie (malgré des blockbusters de propagandes infâmes).

Au passage dommage que Ecran Large ne regarde pas plus souvent vers le cinéma étranger plutôt que de faire 36 articles sur des blockbusters merdiques juste pour faire du clic/fric (Jurassic World 3 coucou), il y a rarement des critiques sur les beaux dramas japonais ou le cinéma rare et précieux Palestinien (encore récemment avec 200 mètres) qui pourtant sort régulièrement chez nous dans les salles. Après je suis bien au courant que le petit drame sur le quotidien d'une veuve japonaise fera moins de clic que la dernière merd2 de Marvel ou de DC mais bon, comme Ecran Large traite de l'actualité en large sans mauvais jeu de mot, il y a des gros manques.