Harka : on a vu le choc tunisien du FIF de Saint-Jean-De-Luz

Christophe Foltzer | 4 octobre 2022 - MAJ : 04/10/2022 17:47
Christophe Foltzer | 4 octobre 2022 - MAJ : 04/10/2022 17:47

Comme tous les ans, Ecran Large est présent au Festival International du Film de Saint-Jean-De-Luz, festival de référence pour les premiers et deuxièmes films. L'occasion d'assister à l'émergence de nouveaux auteurs, mais aussi de se prendre quelques baffes inattendues. Comme avec Harka par exemple, qui sort en salles le 2 novembre.

 

Photo Adam BessaChaos, confusion, pognon

 

De quoi ça parle ? Plus de 10 ans après le Printemps Arabe, rien n'a vraiment changé pour la jeunesse tunisienne. Ali, jeune homme solitaire rêvant d'une vie meilleure, fait plus que jamais face à un quotidien précaire et un avenir des plus incertains. Quand son père décède, il doit s'occuper de ses deux petites soeurs. Entre désir de changement, responsabilités étouffantes et pulsions révolutionnaires, Ali va devoir faire des choix.

 

 

 

C'était comment ? Premier long-métrage de Lotfy Nathan, Harka n'est pourtant pas sa première oeuvre puisqu'il avait réalisé en 2013 un documentaire, 12 O'Clock Boys, récompensé par le prix de l'Artiste Emergent de HBO, et qui avait été adapté en fiction sous le titre Charm City Kings. Autant dire que son premier essai de pure fiction était attendu. Et ce ne fut pas en vain puisque, disons-le d'emblée, Harka est une petite baffe désarmante comme on les aime.

Baffe d'abord sur un plan strictement visuel. Lotfy Nathan sait manier la caméra, c'est une évidence, et surtout, il sait la mettre au service de son propos. Doté d'une mise en scène on ne peut plus carrée et maîtrisée, Harka propose une succession de tableaux contemplatifs d'une beauté et d'une poésie époustouflantes, en contrepoint total de la sécheresse de ses thématiques. La nature est belle, envoûtante, reposante, symbolique, et les humains, révoltés et mortifères, n'y changeront rien malgré leurs gesticulations. Utilisant avec beaucoup de soin et de délicatesse des plans tant dynamiques et agressifs que posés et reposants, Nathan crée sans mal un univers en forme de limite ténue entre le conte ancestral et la révolte moderne.

 

Harka : photo, Adam BessaAdam Bessa, incendiaire

 

Baffe ensuite sur un plan plus narratif. On pourrait penser de prime abord que le film souffre d'une manque de prise de risque narrative, la faute à un canevas classique et éculé. Pourtant, on comprend très vite que le point de vue du réalisateur ne se situe pas à ce niveau. Mieux encore : puisque Lotfy Nathan semble bien conscient qu'il ne révolutionnera pas la narration cinématographique avec son scénario, il l'utilise pour s'exprimer entre les lignes, à l'image de son personnage principal, étouffé par une structure morbide et inhumaine qui cherche à tout prix un moyen de vivre dans ses failles.

Ainsi, la vraie histoire du film se crée par petites touches au détour de tel ou tel plan. Ici un corps épuisé, là une flamme tantôt contrôlée, tantôt sauvage, ou encore ces courts moments subtils et délicats qui rendent compte d'une société écrasée par l'échec d'une révolution aussitôt récupérée et retournée contre elle. On arrive alors à la sensation assez étrange d'un personnage qui tente par tous les moyens d'exploser les limites connues de sa propre histoire, et qui se retrouve fatalement rattrapé par elle à chaque tentative. Saisissant.

 

Harka : photo, Adam BessaUne quête de liberté de plus en plus réduite

 

Pourtant, la plus grande baffe est encore à venir et elle a un nom : Adam Bessa. Jeune comédien d'une trentaine d'années que l'on a déjà pu voir dans Les Bienheureux, Mosul ou encore Tyler Rake, il tient le film à bout de bras, du début à la fin. Il hante chaque plan de sa présence magnétique, oscillant toujours entre la révolte intérieure, le contrôle de soi, l'accablement, l'humanité. On ne compte plus les moments où on l'on se dit que l'on tient là une des plus belles étoiles montantes du cinéma actuel. Et il semblerait que nous ne soyons pas les seuls puisque le jeune comédien a reçu le Prix d'interprétation de la section Un Certain Regard pour ce film lors du dernier Festival de Cannes.

Au final, Harka dépasse rapidement son statut de premier film pour proposer une histoire intense, prenante, impressionnante de maîtrise et d'émotion, ancrée dans une réalité malheureusement trop répandue, et qui fait le choix de la révolte tout en n'ignorant pas qu'elle ne se fera jamais tout seul. Un film à voir assurément dès qu'il sera sur vos écrans, ne serait-ce que pour son final tétanisant, ultrapuissant, ravageur.

Et ça sort quand ? Très vite. Prévu à l'origine pour le 19 octobre, il semblerait que le film soit à présent programmé le 2 novembre prochain.

Tout savoir sur Harka

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commentaires
Kyle Reese
04/10/2022 à 19:25

Ca a l'air pas mal du tout.